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Actualités - RENCONTRE

GROS PLAN - Rencontre avec le troisième finaliste du concours Reine Élisabeth de Belgique Shadi Torbey, voix de basse et haute voie de succès (photo)

Le concours international de musique Reine Élisabeth de Belgique est l’un des plus prestigieux au monde. Pianistes, violonistes, chanteurs et compositeurs attendent fébrilement, une fois tous les quatre ans, de concourir dans leur discipline. Cette année a été celle des vocalistes, et Shadi Torbey, voix de basse exerçant le chant depuis plus de 12 ans, a tenté sa chance et a été élu troisième finaliste. À 27 ans, malgré cette distinction de poids, il garde les pieds sur terre. Il faut dire que son parcours a largement bénéficié d’une bonne étoile. «J’ai découvert l’opéra à l’âge de 15 ans, raconte-t-il. J’ai eu un vrai coup de foudre pour La Flûte enchantée de Mozart, quand j’en ai vu une vidéocassette. Quelques jours plus tard, j’ai pu l’écouter, en intégrale, chez un membre de ma famille. Je cherchais à m’exprimer avec ma voix.» De retour en Belgique où il est installé, il prend sa première leçon de chant avec Yetti Martens, son professeur particulier. «Alors que je n’étais pas particulièrement bon en clarinette, dont je jouais depuis assez longtemps, ça a été très agréable de m’entendre dire que j’étais très précoce en chant, plaisante-t-il. Or, je pouvais commencer à travailler ma voix, puisqu’elle avait déjà mué.» À 16 ans, il apprécie beaucoup d’impressionner l’assistance avec sa voix grave à l’occasion d’un petit récital organisé chez elle par Yetti Martens pour ses élèves. Ses premières années d’apprentissage sont marquées par la spontanéité. «Mon professeur me répétait que j’aurais tout le temps d’apprendre et de m’améliorer, se souvient-il. Alors je chantais avec beaucoup de plaisir.» Mais le plaisir ne suffit pas, et Shadi Torbey, à 18 ans, intègre l’académie de sa région avec, pour professeur, Arnaud Dufrasne. «Je l’ai détesté les trois premiers mois de notre rencontre, poursuit-il en riant. Mais je suis tout de même revenu parce que je sentais bien que j’étais en train de résoudre mes faiblesses.» Un an plus tard, il participe au Concours international de Vervier et obtient le prix de la vocation avec, à la clé, une bourse d’études pour le Conservatoire royal de Belgique, où il commence ses études le lendemain de la remise des prix. Shadi Torbey ne perd pas un instant. Contre le bricolage dramatique, l’exigence technique Jusqu’à 22 ans, son professeur est Ludovic de San. Mais le chanteur a d’autres occupations, comme son troisième diplôme à obtenir en histoire des religions. Et, à 24 ans, il accepte des engagements professionnels en tant que basse. Concours, récitals, opéras, il garde un bon souvenir de sa première expérience en 2001, l’occasion d’une dizaine de représentations de la Traviata, opéra en plein air dans lequel il tenait le rôle du docteur Grenvil. «L’année suivante, les mêmes organisateurs ont réuni une affiche prestigieuse pour Rigoletto, avec les deux derniers lauréats du Concours reine Élisabeth de Belgique. J’y tenais les deux rôles de basse, ceux du comte de Monterone et de Sparafucile, selon le choix du metteur en scène.» En 2003, un passage au Festival des jeunes talents de Paris avant d’enchaîner avec le concours Francesco Vinas, à Barcelone, et des engagements dans les opéras de Lyon, puis de Metz. Évidemment, cela n’est qu’un petit extrait de son curriculum vitae, le jeune homme n’étant pas particulièrement avide de trophées, mais bien plus de remises en question et de découvertes d’œuvres, particulièrement de l’époque baroque. En matière de rigueur vocale, ses vœux inconscients seront exaucés avec l’arrivée, à l’occasion d’un «masterclass» à l’Opéra de la Monnaie de Bruxelles, de la Danoise Suzana Eken, orthophoniste et professeur de chant. Shadi Torbey a 25 ans quand il assiste au premier cours. «Ce travail incroyablement technique m’a d’abord impressionné. Ici, il s’agissait de justifier chaque note, chaque respiration.» C’est sans doute en repensant à cet enseignement très exigeant qu’il confie qu’il a «dépassé le stade de l’exhibitionnisme pur de l’organe pour affiner ma propre perception de mon métier. Quand vous réalisez que vous bricolez votre effet dramatique, c’est là qu’il faut être exigeant.» Une énergie de représentation et non de compétition Avril 2004: les 116 candidats du concours Reine Élisabeth de Belgique sont tirés au sort. Entre deux trains, Shadi Torbey chante un extrait de l’Orlando de Haendel avant de repartir pour Metz. Il est sélectionné pour le deuxième tour, avec 35 autres chanteurs. Quarante minutes de chant et il repart. Il apprendra sa participation à la finale (12 interprètes sélectionnés) au cinéma, par téléphone. «Je devais tuer le temps et ne penser à rien.» Pour le troisième tour, il répète les œuvres à interpréter avec l’Orchestre de chambre de musique baroque, un ensemble anglais qu’il admire, et avec un orchestre romantique. «À Metz, le metteur en scène nous avait appris à travailler ensemble, les uns pour les autres et pas seulement en solistes, précise-t-il. Il s’agissait de transmettre une énergie de représentation et non de compétition. En rencontrant les musiciens de l’Orchestre baroque, j’étais vraiment dans la même lancée.» L’annonce des résultats le rend évidemment très heureux, surtout lorsque l’on sait que sa voix atteindra sa pleine maturité dans une dizaine d’années. C’est dire son avance. Mais, encore une fois, la pondération de Shadi Torbey fait son travail. «Heureusement que je travaillais pendant ce concours, constate-t-il. Cela m’a permis d’y participer sans angoisse démesurée.» «Discophage» passionné depuis ses débuts dans l’art vocal, il est toujours à la recherche de nouveaux opéras, mais il va sans dire que le répertoire baroque, plus généreux en rôles pour voix de basse que le bel canto, le fascine. Enfin, et ce qui fait de lui un réel talent à suivre, le chanteur sait très exactement ce qu’il peut et ce qu’il veut chanter. «Le répertoire que j’ai choisi détermine un style qui recherche plus une certaine virtuosité et une approche du texte plutôt qu’une quantité de sons purs à produire», explique-t-il. En septembre dernier, Shadi Torbey a décidé d’arrêter ses études d’histoire des religions pour se consacrer entièrement au chant. Le petit-fils de Yolande Labaki a une belle carrière devant lui, qu’il gère avec une sagesse et une confiance inébranlables. Diala GEMAYEL


Le concours international de musique Reine Élisabeth de Belgique est l’un des plus prestigieux au monde. Pianistes, violonistes, chanteurs et compositeurs attendent fébrilement, une fois tous les quatre ans, de concourir dans leur discipline. Cette année a été celle des vocalistes, et Shadi Torbey, voix de basse exerçant le chant depuis plus de 12 ans, a tenté sa chance et...