Rechercher
Rechercher

Actualités

CONFÉRENCE - Ce n’est pas le tremblement de terre qui tue, mais les constructions La vulnérabilité de Beyrouth aux risques sismiques (photos)

C’est au Centre culturel français, à l’invitation de l’Union des Français de l’étranger (UFE), que Mme Laurence Pico Harb a donné une conférence sur le thème de « La vulnérabilité de la ville de Beyrouth aux risques sismiques ». En effet, la capitale libanaise se trouve dans une zone tectonique propice aux tremblements de terre. Elle est traversée par une plaque lithosphérique qui chevauche Saïda et Tripoli, décrivant un tracé d’arc sur le littoral. C’est dans cette faille de chevauchement que s’est déclenché, en 551, un séisme accompagné d’un tsunami (raz-de-marée) dévastateur qui a réduit la ville en un amas de décombres. Des tremblements de terre ont eu lieu également en 1202, 1759 et 1956. L’exposition de Beyrouth à l’aléa sismique ne fait aucun doute. « La ville est prise en tenailles dans un réseau de failles majeures relayées par d’innombrables failles secondaires. Des recherches sont en cours pour évaluer les caractéristiques des sources de sismicité libanaise. Cependant, les catastrophes naturelles en Turquie, en Algérie, en Iran et ailleurs ne nous rappellent que trop le lien tangible entre les deux notions qui composent le risque: l’aléa et la vulnérabilité dont l’étude, complexe, passe parfois au second plan », a indiqué Mme Laurence Pico Harb, doctorante en géographie, DEA de géomorphologie et diplômée de l’École nationale d’assurances, à Paris. Conseillère à la SNA, filiale du groupe AGF, où elle a mis en place des méthodes permettant l’évaluation des sinistres, des dommages, des tremblements de terre maximum et probables, elle explique que «la vulnérabilité, définie comme le degré d’endommagement probable d’un élément exposé à l’aléa sismique, dépend de la magnitude de l’aléa, mais aussi du comportement de l’élément exposé face à l’aléa. En outre, la vulnérabilité est une notion d’autant plus complexe qu’elle est tributaire de l’échelle à laquelle on l’étudie ». Acharafieh, Ras-Beyrouth et Ramlet el-Beida La conférencière souligne, en substance, que l’intensité du séisme dépend de la nature géologique du sol (les sols meubles argileux amplifient les vibrations et leur durée), de l’instabilité des pentes potentielles, de la liquéfaction du sol, de la présence ou non de cavités souterraines ou encore de l’exposition du sol à un tsunami éventuel. Prenant à titre d’exemple le versant oriental de la colline d’Achrafieh, située à proximité de la faille du fleuve de Beyrouth, l’intervenante révèle qu’en cas d’ondes sismiques, tout le versant peut être déstabilisé, d’autant plus qu’il est surchargé de constructions. Avec une projection de photographies à l’appui, elle signale les surfaces de rupture apparues suite à la suppression de la butée du pied du versant et qui peuvent conduire à la déstabilisation d’une partie sinon de l’ensemble du versant. Risque d’effondrement aussi à Ras-Beyrouth en raison des roches carbonatées du sol dont la propriété est d’être soluble. Sodeco, où les fondations des constructions viennent s’ancrer dans les « sables rouges », formation très répandue, semble-t-il, dans le site de Beyrouth, est également très vulnérable. Car ces sables rouges, amenés à se tasser, peuvent provoquer des dommages très importants, particulièrement sur les bâtisses en moellons de grès datant d’avant les années 50. De même, si les « sables dunaires » de Ramlet el-Beida sont saturées par l’eau, elles vont se liquéfier entraînant pour la même occasion un risque de tassement et par conséquent de « déstabilisation de la construction, voire même son renversement ». Par ailleurs, si le séisme a son épicentre en mer, le littoral est exposé à un tsunami dont la lame de fond peut atteindre 30 mètres de haut et dévaster un immeuble. Il existe toutefois une disposition de construction pour diminuer les effets d’un tsunami et réduire le phénomène de résonance « Évitez d’exposer les larges façades de l’immeuble sur le front de mer », a dit la conférencière. En fait, c’est le secteur de la construction qui est pointé du doigt. « Ce n’est pas le séisme qui tue, mais les constructions », a encore ajouté Mme Pico Harb. Prenant le bâtiment et la densité du tissu urbain comme fil conducteur de son analyse, elle a exposé les critères permettant d’évaluer la vulnérabilité à un séisme. Elle met tout d’abord en exergue les pratiques de construction (les balcons en porte-à-faux) et certaines formes architecturales, facteurs d’instabilité. L’immeuble sur pilotis est, par exemple, fortement déconseillé dans les milieux sismiques. Le risque est d’autant plus élevé que dans les zones à topographie contrastée, les pilotis sont souvent de longueur inégale. De même, la forme architecturale en L est particulièrement vulnérable si les deux volets du L n’ont pas été construits avec un joint parasismique. On peut craindre qu’à la jonction de ces deux parties, des dommages importants puissent être engendrés. Sur la sellette aussi, le nombre d’étages et le rajout de l’étage dit Murr. « Quand bien même une construction a été renforcée et ses murs calibrés, est-elle à même de supporter une sollicitation d’origine sismique ? En tout cas, avec le phénomène de résonance, elle ne peut que s’effondrer », a souligné l’intervenante, enchaînant sur la surcharge des toits (des antennes, des réservoirs d’eau, etc.) qui, ainsi « lourdement chargés, ne peuvent être supportés par les murs latéraux. D’ailleurs, en cas de séisme, les débris des antennes ou des réservoirs d’eau vont atterrir sur la chaussée et bloquer l’acheminement des secours. » D’autres facteurs à risques se présentent à l’échelle du tissu urbain : – Tout d’abord, la densité urbaine. En cas de séisme, les immeubles, accolés les uns aux autres, vont entrer en vibration. Or, « si ces vibrations ne sont pas en phasage, ils vont s’entrechoquer et la collision engendrera des dégâts importants », explique la conférencière. – L’étroitesse des rues est aussi un danger puisque, en cas d’encombrement, il y aura des difficultés pour acheminer les secours, et les conséquences humaines seront amplifiées. – La répartition des stations-service présente un risque d’inflammabilité. Mme Pico Harb donne à titre d’exemple le séisme de Kobé où un million de mètres carrés ont été dévastés par les incendies. Pour la même occasion, elle déconseille vivement les bonbonnes de gaz non sécurisées dans les appartements. – Les dégâts causés au réseau électrique qui peut entraîner des courts-circuits. – La vulnérabilité des conduites d’eau. Celles-ci devraient être accessibles en cas d’incendie. Concernant le chapitre des mesures parasismiques, la conférencière a mis l’accent sur les opérations de réhabilitation des bâtiments et des réseaux, sur la mise au point des « plans de microzonage du risque » et d’occupation du sol, sur les scénarios catastrophes dont le fonctionnement devrait être testé par des simulations sur le terrain. Quant à la conduite à tenir au moment d’un séisme, se réfugier près d’un mur porteur ou sous une table pour protéger la tête, mais jamais près d’une fenêtre où l’on peut être éclaboussé par les débris d’une vitre. Jamais sous un poteau électrique ou au milieu d’une rue (pour éviter les chutes d’objets). Au cas où vous êtes dans une voiture, coupez le moteur et ne bougez plus car elle peut vous protéger de tout ce qui peut vous tomber sur la tête. De même, il y a toujours plus de morts par piétinement que par effondrement d’immeubles, alors pas de panique. Si les enfants sont à l’école, laissez-les sur place : les responsables les prendront en charge. Le tsunami Le raz-de-marée qu’on appelle du nom japonais « tsunami » constitue un phénomène particulièrement destructeur. Il est en quelque sorte sournois parce qu’il peut survenir plusieurs heures après le séisme. Un séisme déclenché dans la croûte océanique engendre un mouvement oscillatoire de l’eau (vagues). Ces vagues sont à peine perceptibles en eau profonde (moins d’un mètre d’amplitude), mais s’enflent en eau peu profonde pour atteindre des amplitudes allant jusqu’à 30 mètres. La vitesse de propagation de ces vagues est de 500 à 800 km/heure et leur périodicité est de l’ordre de 15 à 60 minutes. Ainsi, un raz-de-marée initié par un séisme qui se sera produit à 1000 km des côtes viendra frapper ces côtes deux heures plus tard. On peut aisément imaginer l’effet destructeur de telles vagues sur les côtes habitées. À l’approche du raz-de-marée , il se produit d’abord un retrait de la mer (ce qui est de nature à attirer les curieux). Vient ensuite la première vague. Celle-ci peut être suivie d’un second retrait puis d’une autre vague. Un phénomène géologique Les séismes ou tremblements de terre constituent un phénomène géologique qui de tout temps a terrorisé les populations qui vivent dans certaines zones vulnérables du globe. Ils ont leur origine en profondeur, en un point appelé hypocentre ou foyer. Celui-ci peut être superficiel, à moins de 100 km de profondeur; intermédiaire, c’est-à-dire entre 100 et 300 km ; et profond allant jusqu’à 700 km. Les séismes se déclenchent lors de la libération brutale de contraintes accumulées par des déplacements tectoniques ou par des montées magmatiques (séismes volcaniques). Ainsi, lorsqu’un matériau rigide est soumis à des contraintes de cisaillement, il va d’abord se déformer de manière élastique puis, lorsqu’il aura atteint sa limite d’élasticité, il va se rompre en dégageant toute l’énergie accumulée durant la déformation élastique. C’est ce qui se passe lorsque la lithosphère est soumise à des contraintes. Lorsqu’en certains endroits, la limite d’élasticité est atteinte, il se produit une ou des ruptures qui se traduisent par des failles. L’énergie brusquement dégagée le long de ces failles cause des séismes, propageant dans la croûte terrestre un front d’ondes sismiques. On nomme foyer le lieu dans le plan de faille où se produit réellement le séisme, alors que l’épicentre désigne le point à la surface terrestre à la verticale du foyer. Les ondes S et les ondes P On distingue deux grands types d’ondes émises par un séisme: les ondes de fond qui se propagent à l’intérieur de la terre et qui comprennent les ondes S et les ondes P. Et les ondes de surface, celles qui ne se propagent qu’en surface et qui comprennent les ondes de Love et de Rayleigh. Les ondes P sont des ondes de compression assimilables aux ondes sonores et qui se propagent dans tous les états de la matière. Les particules se déplacent selon un mouvement avant-arrière dans la direction de la propagation de l’onde. Les ondes S sont des ondes de cisaillement qui ne se propagent que dans les solides. Les particules oscillent dans un plan vertical, à angle droit par rapport à la direction de propagation de l’onde. Les ondes de Love ou ondes L sont des ondes de cisaillement comme les ondes S, mais qui oscillent dans un plan horizontal. Elles impriment au sol un mouvement de vibration latéral. Les ondes de Rayleigh sont assimilables à une vague; les particules du sol se déplacent selon une ellipse, créant une véritable vague (lame) qui affecte le sol lors des grands tremblements de terre. L’échelle de Richter L’échelle de Richter a été instaurée en 1935. Elle nous fournit ce qu’on appelle la magnitude d’un séisme calculée à partir de la quantité d’énergie dégagée au foyer. Elle se mesure sur une échelle logarithmique ouverte. À ce jour, le plus fort séisme a eu lieu en Chili et a atteint 9,5 sur l’échelle de Ritcher. May MAKAREM

C’est au Centre culturel français, à l’invitation de l’Union des Français de l’étranger (UFE), que Mme Laurence Pico Harb a donné une conférence sur le thème de « La vulnérabilité de la ville de Beyrouth aux risques sismiques ». En effet, la capitale libanaise se trouve dans une zone tectonique propice aux tremblements de terre. Elle est traversée par une plaque...