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Actualités - ANALYSE

Éclairage De Dimane, le ministre de la Santé assure qu’il ne descendra pas, « à l’heure actuelle », dans l’arène présidentielle Prière publique de Frangié en faveur d’une élection ponctuelle et naturelle

Ses concitoyens pourraient reprocher en toute conscience à Sleimane Frangié – et c’est valable pour chaque personnalité politique libanaise – beaucoup de choses, mais certainement pas de manquer de constance. Il y a quelques mois, au micro de la LBC, le ministre de la Santé s’était demandé, devant des milliers de téléspectateurs, s’il n’y avait qu’Émile Lahoud pour représenter à la première magistrature de l’État la ligne politique, ultrasyrianophile, à laquelle lui-même, aussi, appartient. Hier, sur le perron de Dimane (la résidence de Nasrallah Sfeir, toutes saisons confondues, est évidemment le lieu de prédilection, en 2004, pour tout maronite pratiquant politique), Sleimane Frangié a continué sur sa lancée et développé son point de vue. « Si le climat est propice à la reconduction ou au renouvellement, il y aura évidemment amendement constitutionnel – l’un ne peut pas aller sans l’autre... Pourtant, je prie aujourd’hui pour que l’échéance constitutionnelle ait lieu à la date prévue et que tout soit naturel. J’estime qu’au sein de notre ligne politique, beaucoup sont compétents et capables d’assurer une transition constitutionnelle saine. Nous ne sommes pas forcés de faire un saut dans l’inconnu », a asséné l’incontrôlable ministre. Volontairement ou pas, Sleimane Frangié a dessiné hier au (très) gros trait un credo véritablement paradigmatique, que les candidats prosyriens vont s’empresser, avec le plus grand plaisir, d’adopter. Parce que, qui mieux que lui peut, sans crainte d’être soupçonné le moins du monde de cacher quelque noir ou sécessionniste dessein, affirmer haut et fort que le camp loyaliste compte de nombreux présidentiables – à commencer, a-t-il sous-entendu, par lui-même –, tout aussi éminents et honorables que l’actuel locataire de Baabda ? Surtout qu’il y a quelque chose de respectable et d’irréversible à la fois chez Sleimane Frangié : il est, pour ses détracteurs aussi bien que pour ses partisans, l’un des rarissimes au Liban à être syrianophile par conviction, par gènes presque, et pas par intérêt(s). C’est sans doute pour cela, et parce qu’il sait que son argumentation peut se retourner, certes en douceur, contre lui, qu’il s’est ménagé, après son entretien d’hier avec le patriarche maronite, une double porte de sortie. Ainsi, s’il a indiqué sans ambages que les chances de pouvoir bénéficier d’une élection présidentielle dans les règles – constitutionnelles donc – « ont augmenté », celles d’une éventuelle reconduction (ou d’un éventuel renouvellement) « n’ont pas diminué ». Le verre est donc à moitié vide, ou à moitié plein – cela dépend d’où on le scrute –, mais il restera, quel que soit le mot d’ordre syrien, à portée de main. De plus, il a bien fait comprendre qu’à l’heure actuelle, il ne compte pas descendre dans l’arène, faire partie du « souk » des candidats. « Mon nom est évoqué parmi d’autres », a-t-il juste souligné. Tout cela avant de plaider pour un résumé parfait des mœurs locales – lesquelles, aussi antédiluviennes et visiblement pérennes soient-elles, n’en demeurent pas moins aberrantes et regrettables. « Ce n’est pas leur candidature qui a amené les présidents de la République libanais au pouvoir. Soyons réalistes : c’est le Parlement qui élit le président », a déclaré Sleimane Frangié. En rappelant à qui aurait bien pu l’oublier qu’il n’a pas besoin, lui, de programme, que son parcours politique suffit. « Il y a des noms sur la liste des présidentiables et j’en fais partie. Sauf que je ne suis pas obligé de présenter une attestation de bonne conduite à qui que ce soit. Si les circonstances exigent les caractéristiques qui sont les miennes, je serais présent, et si tel n’est pas le cas, je ne changerais pas pour accéder à Baabda », a-t-il poursuivi, très « Je suis comme je suis, je plais à qui je plais ». En rappelant en outre que sa préférence va vers celui dont l’arabité est irréprochable ; un patriote ; « un partisan de l’unité du Liban et de son indépendance » ; celui dont le parcours personnel est « irréprochable » ; un homme qui partage la même politique que lui. « Sinon, je serais contre », a-t-il conclu. Sauf que cette fois, contrairement à son intervention télévisée d’il y a quelques mois, il n’a pas précisé l’appartenance géographique souhaitée du successeur d’Émile Lahoud : le Nord. Sans oublier une réponse pour le moins anodine mais qui, à sa relecture, prend toute son ampleur : « Il est naturel que le chef de l’État soit conforme aux conditions posées par Walid Joumblatt. Cela fait partie de ses droits, comme des droits de chaque député ou de chaque partie dans ce pays, que de dire comment il souhaiterait que soit le futur chef de l’État. Pour pouvoir, à la lumière de ces critères, se prononcer pour ou contre ce président à venir », a dit Sleimane Frangié. Sachant que le chef du PSP avait demandé le week-end dernier que toute personne souhaitant être candidate à la présidence de la République se déclare et rende public son programme – à commencer par Émile Lahoud, qu’il avait nommément cité –, sachant également que Walid bey a mis, avant-hier lundi, un sacré coup de baume, fut-il éphémère, au cœur d’une très grosse fraction de Libanais, en refusant un président élu « grâce à un mot d’ordre syrien ou dans une ambiance américaine » ; sachant également que les relations entre le leader nordiste et le seigneur de Moukhtara souffraient, depuis quelque temps, d’une tiédeur certaine. Ziyad MAKHOUL
Ses concitoyens pourraient reprocher en toute conscience à Sleimane Frangié – et c’est valable pour chaque personnalité politique libanaise – beaucoup de choses, mais certainement pas de manquer de constance.
Il y a quelques mois, au micro de la LBC, le ministre de la Santé s’était demandé, devant des milliers de téléspectateurs, s’il n’y avait qu’Émile Lahoud...