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Actualités - REPORTAGE

Sur les Campus - Mais qu’est-ce qui fait donc fuir les étudiants?

Mais qu’est-ce qui fait donc fuir les jeunes – et aussi les moins jeunes – du Liban? Tellement rares sont ceux qui décident de faire le pari fou de revenir, de nager à contre-courant, en sens inverse. Parallèlement, le camp de ceux qui vont à la recherche de nouveaux horizons et d’un marché du travail souvent illusoire, sinon utopique, grossit d’année en année. C’est à croire que les nouvelles générations – à qui l’État, il faut en convenir aussi, n’offre absolument rien – grandissent avec l’idée qu’elles s’en iront un jour et qu’elles ne sont en fin de compte que dans une phase transitoire de leur vie, une sorte de simili-trampoline. Si l’on ne peut pas vraiment en vouloir aux jeunes d’opter pour l’émigration – il est absolument légitime de vouloir prendre son destin en main et, surtout, de vouloir échapper à son présent quand il est lourd et accablant – la société libanaise, politique et civile a en revanche bien des questions à se poser. D’ailleurs, ceux qui parviennent à prendre le large ont de la chance. Les autres, moins chanceux, se déconnectent purement et simplement du réel, et vivent un exil psychologique de loin plus tragique, plus effrayant. Une société faite de cette pâte est une société désespérée, démissionnaire et à tout jamais incapable de se relever. Il est vrai que beaucoup de jeunes ont désormais la mentalité de la « valise sur le dos », et qu’ils ne veulent absolument pas entendre parler de devoirs envers une société, une patrie, un État qui ne leur offre plus rien, qui les réprime beaucoup plus qu’il ne les encourage à s’épanouir et à prendre les commandes du pays en main. Mais la notion de citoyenneté ne repose plus sur la notion de devoirs à accomplir; elle est par-dessus tout devenue aujourd’hui synonyme de droits à revendiquer. Mais à revendiquer auprès de qui? À voir les files d’attentes interminables devant les ambassades et le nombre de jeunes dont le seul discours est « j’en ai ras le bol de ce pays », et qui énumèrent toutes les tares du Liban avec une flopée d’insultes en plus, l’on se dit qu’il est vraiment venu le moment de tirer, une bonne fois pour toutes, la sonnette d’alarme. La déliquescence des pouvoirs publics, le sentiment que l’ensemble du système est complètement verrouillé et qu’il n’y a absolument aucun moyen de changer l’état de fait, l’imposition d’un service du drapeau pesant, quasi inutile et qui pousse le jeune à sacrifier toute une année de sa vie à un âge où il fait ses premiers pas stables au sein de la société, l’omniprésence à tous les niveaux de deux anticultures, celles de la servitude et de la corruption, et l’absence totale d’éthique, la culture de la « wasta », l’absence d’une politique spéciale pour les jeunes, l’emprise de la « politicaillerie » sur la justice, les libertés publiques et privées qui rétrécissent comme peau de chagrin, la floraison d’universités-boutiques... Les raisons ne manquent pas pour s’en aller. Et les jeunes l’ont compris, mais préfèrent agir en s’en allant plutôt que de subir sans pouvoir changer. Au milieu de cette véritable cour des miracles, une seule lueur d’espoir. L’exemple de certains « oiseaux de passage » (pour reprendre le titre d’une chanson de Brassens), de certains fous qui sont prêts à faire le pari formidable de rentrer au Liban après quelques années passées à l’étranger pour terminer leurs études. Parmi ceux-là, Joseph Nasrallah (24 ans), qui faisait ses études de troisième cycle à Montréal, vient de rentrer à Beyrouth. Pourquoi? Comment? Réponse de ce jeune homme audacieux: « Je suis prêt à faire des sacrifices. En fin de compte, le Liban n’est pas si mal, il présente certains avantages. J’avais un véritable choix à faire. Rester une année de plus à l’étranger, c’était ne plus jamais revenir. Même si je sais que je risque de partir à nouveau, par désespoir, je sais aussi que je n’aurai pas de regrets. J’aurai au moins tenté ma chance.» Michel HAJJI GEORGIOU

Mais qu’est-ce qui fait donc fuir les jeunes – et aussi les moins jeunes – du Liban? Tellement rares sont ceux qui décident de faire le pari fou de revenir, de nager à contre-courant, en sens inverse. Parallèlement, le camp de ceux qui vont à la recherche de nouveaux horizons et d’un marché du travail souvent illusoire, sinon utopique, grossit d’année en année....