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Actualités - CHRONOLOGIE

Séminaire - Des parlementaires, des universitaires et des consultants pour lutter contre le fléau Vers une stratégie nationale anticorruption du Pnud

«Vers une stratégie nationale contre la corruption », tel est le thème d’un séminaire organisé par le Pnud à la Maison des Nations unies. C’est pour la première fois que l’organisme onusien invite à une rencontre sur ce thème. L’événement, un « séminaire informel de consultation », tel que qualifié par le Pnud, devrait constituer un prélude à d’autres activités à venir. Hier, à la Maison des Nations unies, la corruption au Liban a été examinée sous toutes ses coutures. Des parlementaires, des universitaires, des journalistes, des consultants et des avocats étaient présents pour se pencher sur la corruption qui s’étend à tous les domaines. Il fallait présenter un état des lieux, évaluer l’impact de la corruption sur divers secteurs et proposer – si c’est possible – des solutions. Évidemment, c’est avant tout une décision politique qui devrait mettre un terme à la corruption, phénomène vieux comme Hérode mais toujours en plein essor au Liban, où l’on paie le prix de ce fléau sur les plans politique, financier, juridique et social. Une quinzaine d’intervenants ont pris la parole, notamment le représentant permanent du Pnud au Liban, Yves de San, les députés Ghattas Khoury, Nassib Lahoud et Bassel Fleyhane, les spécialistes et universitaires Waddah Nasr (AUB), Hassan Krayem (Pnud), Ahmed Beydoun (UL), Youssef el-Khalil (BDL) et Adib Nehmé (Pnud, ministère des Affaires sociales). Étaient également présents Nada Nashef, représentante permanente adjointe du Pnud, les députées Nayla Moawad et Bahia Hariri, le secrétaire général de l’Association libanaise pour des élections démocratiques Ziad Baroud, le rédacteur en chef du Daily Star, Jamil Mroué, ainsi que plusieurs personnalités, représentants des agences onusiennes, des organismes étatiques et des ONG. Au cours de la séance d’ouverture, présidée par Mme Nashef, Yves de San a pris la parole pour définir la corruption comme étant l’utilisation d’un poste public pour l’obtention d’un gain privé. Elle inclut également le népotisme, le vol de biens publics et la dilapidation des ressources de l’État. « Corruption ne va pas de pair avec la transparence et porte préjudice au développement durable et à la justice sociale », a-t-il dit. Relevant que dans des cas extrêmes la corruption peut rendre un pays ingérable et politiquement instable, il a indiqué que le Liban, à l’instar d’autres États, « fait face à un grave problème de corruption ». Soulignant que « la convention des Nations unies pour la lutte contre la corruption constitue le premier instrument mondial et légal pour combattre ce fléau », il a indiqué qu’elle « encourage les pays à adopter des lois qui pénalisent les activités qui découlent de la corruption, notamment les pots-de-vin et le blanchiment d’argent ». « Le Pnud est impliqué avec le gouvernement libanais pour promouvoir la lutte contre la corruption », a relevé M. de San soulignant l’importance « du rôle qui devrait être également joué dans ce cadre par le secteur privé, les médias et les ONG. » Prenant la parole, Hassan Krayem, spécialiste de la bonne gouvernance au sein du Pnud, a présenté une étude préliminaire effectuée par l’organisme qu’il représente. Cette étude dresse brièvement un état des lieux de la lutte contre la corruption au Liban et des initiatives prises par les secteurs public et privé et les ONG. Certes beaucoup d’efforts sont effectués dans ce cadre. Sur le plan étatique par exemple, des lois et des organismes ont été mis en place spécialement pour lutter contre la corruption. Mais il est inutile de souligner que, la plupart du temps, la pratique est bien loin des belles théories et des bonnes intentions... De plus, M. Krayem, qui a évoqué quelques articles publiés dans la presse sur de grands dossiers relatifs à la corruption, a pris l’exemple du Daily Star qui avait créé une rubrique sur les plaintes des citoyens. « Les journalistes n’ont reçu aucun coup de fil, aucune lettre, aucune plainte », a-t-il indiqué. C’est dire l’état d’esprit des citoyens libanais qui sont désabusés et ont décidé depuis longtemps de baisser les bras et de faire avec la corruption. Le clientélisme de l’État Ghattas Khoury, député de Beyrouth, a indiqué que le Liban ne pourra pas faire face aux défis à venir s’il ne règle pas le problème de la corruption, fléau qui a des répercussions sur les plans politique, économique et juridique. « Au fil des ans, ce problème est en train de creuser le fossé entre l’État et les citoyens », a-t-il dit, soulignant que « c’est aux parlementaires et aux hommes politiques de régler une fois pour toutes une situation due essentiellement au clientélisme. » C’est ce clientélisme qui a occupé la place la plus importante de la deuxième session, présidée par Nayla Moawad, députée de Zghorta, et qui avait pour thème l’impact de la corruption sur le système politique et économique. Virulent, Nassib Lahoud, député du Metn, s’est penché sur le système mis en place après Taëf, « système qui a enferré le pays dans un cercle vicieux », a-t-il dit. Poursuivant sur sa lancée, il a relevé que l’État a transformé le citoyen en client et ce en misant sur l’allégeance politique, le confessionnalisme et, bien sûr, le clientélisme. « De plus, pour bien installer son pouvoir, l’État s’est doté d’un bras armé, juridique et administratif », a poursuivi M. Lahoud. Dans son intervention, l’universitaire Ahmed Beydoun a souligné que « la lutte contre la corruption est impossible sans réforme politique ». Comme cette réforme prendra bien du temps pour arriver, il faut tenter à moyen terme de changer les choses, notamment en modifiant les lois et en encourageant la transparence. Youssef el-Khalil, responsable à la BDL, a souligné qu’il est impossible que la corruption puisse toucher un seul secteur en gardant un autre intact. Elle a des répercussions sur tout le système mis en place. Et M. Khalil de prendre en exemple l’électricité au Liban. « Pour réhabiliter le secteur de l’électricité après la guerre, l’administration de l’EDL avait acheté du matériel à un prix exorbitant ; le prix du fuel était également fort élevé, ce qui a mené au surendettement. Un surendettement qui surcharge le trésor et qui se répercute sur les citoyens qui paient des taxes exorbitantes et un service trop cher », a-t-il indiqué, poursuivant qu’il « faut également compter les coupures de courant qui mènent aux abonnements à des générateurs collectifs... et donc des charges supplémentaires. » C’est en des termes simples que Bassel Fleyhane, député de Beyrouth, a parlé de son expérience d’ancien ministre. L’illustrant de plusieurs exemples, M. Fleyhane a relevé que dans le service public, les employés les plus motivés sont les plus corrompus. « Ceux qui décident de garder les mains propres perdent leur motivation », a-t-il dit. L’ancien ministre a également évoqué son expérience aux douanes du port de Beyrouth. « Avant l’informatisation et la construction des nouveaux locaux, tout le monde était témoin des pots-de-vin que l’on payait, au comptoir, aux employés des douanes », a-t-il raconté. « La veille de l’inauguration du nouveau bâtiment, comme par enchantement, toutes les caméras de surveillance sont tombées en panne », a-t-il dit, poursuivant : « Nous avons cependant pu contrôler les comptoirs, les employés travaillaient beaucoup plus et ne recevaient plus des pots-de-vin. » L’équipe du ministère était très surprise, elle a voulu se renseigner sur ce miracle libanais... C’est aux transitaires du port que M. Fleyhane s’est adressé. « Vous avez interdit les pots-de-vin dans le périmètre du port de Beyrouth, les employés sont en train de recevoir de nos entreprises leurs salaires à la maison », avait expliqué un transitaire à M. Fleyhane. Mieux vaut en rire qu’en pleurer... Patricia KHODER
«Vers une stratégie nationale contre la corruption », tel est le thème d’un séminaire organisé par le Pnud à la Maison des Nations unies. C’est pour la première fois que l’organisme onusien invite à une rencontre sur ce thème. L’événement, un « séminaire informel de consultation », tel que qualifié par le Pnud, devrait constituer un prélude à d’autres...