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Actualités - REPORTAGE

SUCCESS STORY - Anthony Shadid, grand reporter au « Washington Post » Le prix Pulitzer 2004 pour un fils de Marjeyoun

WASHINGTON – Irène MOSALLI Grand reporter au Washington Post, Anthony Shadid a récemment obtenu le prix Pulitzer 2004 pour la meilleure couverture de guerre (celle de l’Irak). Depuis sa création en 1917 par Joseph Pulitzer, qui a été l’éditeur du journal américain World, ce prix revient pour la première fois à un Américain d’origine arabe, et qui plus est d’origine libanaise. Le Pulitzer, qui récompense l’excellence journalistique, est considéré comme étant l’équivalent du prix Nobel dans le domaine de la presse. Nous avons rencontré Anthony Shadid dans un café de Washington. Il a 35 ans, un visage ouvert, des yeux souriants et il parle bien l’arabe. Au cours d’une conversation à bâtons rompus, il a évoqué sa profession, sa libanité et celle de ses parents. Il avait été blessé en couvrant, il y a deux ans, les événements dans les territoires occupés. C’était à Ramallah en 2002, le jour de Pâques. Alors qu’il se trouvait au quartier général de Yasser Arafat, il avait été blessé au dos par la balle d’un franc-tireur. Après les premiers secours sur place, il a été transporté à l’hôpital Johns Hopkins, aux États-Unis, où il a été longuement soigné. « Depuis, dit-il, je n’ai plus été dans les territoires occupés. La situation était plus dangereuse que dans l’Irak d’avant ces derniers mois. » Problème palestinien et « Mléhi » à Oklahoma City Ce qui ne l’a pas empêché de se rendre en Irak sur le terrain au moment de l’entrée des troupes américaines, il y a un an. Le prix Pulitzer a récompensé « son extraordinaire habileté à capturer, en prenant de grands risques, les réactions des Irakiens au moment où leur pays était envahi, leurs leaders destitués et leur vie bouleversée ». C’est parce que même au plus fort des combats, ce journaliste est resté déterminé à ne pas être étranger à tout ce qui est humain qu’il vient de prendre six mois de congé pour rédiger un livre sur l’histoire de l’Irak avant et après l’invasion américaine, à travers la vie de plusieurs familles. À son actif, un premier ouvrage publié sous le titre Islam: Legacy of the Prophet and Democracy, (Islam: l’héritage du Prophète et la démocratie), qui est la somme de son travail de reporter couvrant notamment l’Égypte, le Liban, les territoires occupés, les pays du Golfe, l’Afghanistan et le Pakistan. Faisant partie de la troisième génération d’émigrés libanais, donc totalement imprégné de culture américaine, il se dit néanmoins très fier de ses origines, que l’on n’a pas du tout occulté dans sa famille où pourtant on ne parlait pas arabe. Cependant, on avait à cœur le problème israélo-palestinien et on discutait ferme de ce sujet, car son père, Buddy (l’américanisation de Badih), a toujours été un nationaliste arabe. Outre la politique, la mère-patrie était vécue grâce à la traditionnelle messe du dimanche et les spécialités culinaires dont un plat propre à Marjeyoun (village des Shadid) appelé « Mléhi »: du yaourt cuit avec de la viande et des choux-fleurs. Au dessert, on parlait aussi du meilleur moyen de faire de l’argent. Parmi les autres souvenirs d’enfance du journaliste, le rassemblement des oncles, tantes, cousins et cousines durant les fêtes de Noël et de Pâques. Et voici comment les ancêtres de Tony Shadid ont été transplantés de Marjeyoun à Oklahoma City, où ils se sont ancrés. Le grand-père, Abdallah (devenu Albert), a d’abord débarqué à Ellis Island comme la plupart des émigrés libanais, dans les années 20, puis il a choisi de se fixer à Oklahoma City. Là, il rencontre Raïfa Samara, une émigrée libanaise du Mexique, venue voir ses oncles aux États-Unis. Il l’épouse et ouvre une épicerie. Ils auront plusieurs enfants, dont Buddy, qui sera dentiste et qui épousera Randa Shadid. Ce sont les parents du journaliste Tony Shadid et de deux autres enfants : Damon (avocat) et Shanon (hygiène dentaire). Sans doute pour garder un lien avec leur environnement originel, les habitants de Marjeyoun, désireux de se rendre outre-Atlantique, avaient opté pour Oklahoma City où se trouvaient déjà les premiers émigrants de ce village. C’est ainsi que se sont retrouvées un grand nombre de familles, dont les Shadid, les Homsi, les Samara, les Gholmié et les Khoury. Leur point de rencontre a commencé par être une église grecque-orthodoxe. Aujourd’hui, ces Américains d’origine libanaise constituent une riche communauté dont les membres ont opté pour des carrières libérales et l’immobilier. Les parents de Tony Shadid vivent toujours à Oklahoma City et gardent des liens étroits avec leurs enfants et leurs parents. Le Liban, ils l’avaient visité dans les années 90. Eux qui avaient gardé le souvenir de Beyrouth des années 30 ont quand même retrouvé des sites familiers, malgré les changements survenus et ils ont été émerveillés par le développement de la ville. Pour sa part, Tony Shadid a connu Beyrouth en tant que journaliste. Il n’a pas encore été à Marjeyoun, car pour lui cela doit être un moment très spécial qu’il veut prendre le temps de vivre pleinement. Peut-être avec sa fille Leila, âgée de deux ans, et la seule du clan d’Oklahoma City à avoir un nom arabe.
WASHINGTON – Irène MOSALLI

Grand reporter au Washington Post, Anthony Shadid a récemment obtenu le prix Pulitzer 2004 pour la meilleure couverture de guerre (celle de l’Irak). Depuis sa création en 1917 par Joseph Pulitzer, qui a été l’éditeur du journal américain World, ce prix revient pour la première fois à un Américain d’origine arabe, et qui plus est...