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Actualités - CHRONOLOGIE

NATURALISATIONS - L’affaire risque d’être politisée Hariri souhaite former une nouvelle commission pour vérifier les dossiers

Les propos du chef du gouvernement, Rafic Hariri, sur les naturalisations ont dû décevoir tous ceux qui attendent avec impatience la publication du décret de retrait de la nationalité libanaise, accordée en 1994 à des milliers de personnes qui ne la méritent pas. Tout en se disant favorable à cette procédure, le Premier ministre a fait montre d’une prévoyance qui avait fait cruellement défaut en 1994 lorsque, sous son mandat, la citoyenneté libanaise avait été accordée d’une manière aujourd’hui jugée inconsidérée, à nombre de personnes. « Ce qui est établi sur de fausses bases est considéré comme étant lui-même faux. Il ne faut pas maintenir une erreur commise. Au contraire, il est impératif de la corriger », a déclaré hier le Premier ministre aux journalistes qui lui demandaient, à sa sortie du Sérail, de commenter l’annonce faite la veille par le ministre de l’Intérieur, Élias Murr, de la prochaine publication d’un décret de retrait de la citoyenneté libanaise. Prié de dire s’il compte signer ce décret, qui concerne, selon le ministre, 3 000 à 4 000 personnes, M. Hariri a répondu : « Un mécanisme doit être appliqué avant qu’une personne naturalisée ne perde sa nationalité. Dès que le secrétariat de la présidence du Conseil recevra le décret, une commission spécialisée sera formée pour examiner chaque dossier. Si cette commission constate des transgressions juridiques ou la présence de faux documents, le décret de retrait de la nationalité libanaise sera approuvé. Si elle trouve, au contraire, que le dossier est conforme aux lois, il ne le sera pas. La présidence du Conseil est soucieuse au plus haut point de ne pas porter préjudice à une personne naturalisée qui n’a pas enfreint les lois, pour éviter les fâcheuses conséquences d’une telle mesure et les répercussions qu’elle peut avoir sur l’avenir de cet individu. » Et lorsqu’un journaliste lui a demandé de commenter la concomitance de la relance du dossier des naturalisations et des élections municipales, M. Hariri s’est abstenu de répondre, se contentant de rire avant de se diriger vers la sortie. La prise de position du chef du gouvernement traduit-elle seulement un souci de justice ? Il est difficile dans la conjoncture politique actuelle de ne pas lui donner une lecture plus politique que technique et de ne pas la situer dans le prolongement des tiraillements continus avec Baabda sur les dossiers sensibles. Pour M. Nehmetallah Abi Nasr, ancien président de la Ligue maronite – qui avait présenté au Conseil d’État un recours en annulation du décret de naturalisation – cela est même évident, surtout que le chef de l’État encourage la procédure de révision des dossiers des naturalisés. M. Abi Nasr a été virulent à l’encontre du Premier ministre, stigmatisant sa réaction qu’il juge injustifiée aux travaux de la commission chargée de vérifier les dossiers des naturalisés, surtout que cette commission, dit-il, a été formée par les deux ministères de la Justice et de l’Intérieur. « On se demande à quoi sert le ministère de l’Intérieur si le chef du gouvernement doit former une commission pour reprendre le travail qu’il a effectué », a-t-il déclaré à L’Orient-Le Jour. « Un naturalisé remplace chaque Libanais qui émigre » Il s’est étonné du souci de M. Hariri de préserver les droits des naturalisés. « Si sur les 4 000 personnes qui doivent perdre leur nationalité, quelques-unes se considèrent victimes d’une injustice, elles peuvent toujours saisir le Conseil d’État », a-t-il ajouté, accusant sans détours M. Hariri d’avoir été l’auteur du décret de naturalisation contesté par la communauté chrétienne. « Tout le monde se rappelle de la déclaration qu’il avait faite lorsqu’il a été question de proroger le mandat du président Élias Hraoui. Il avait dit : “ Pourquoi pas ? C’est un homme aux décisions courageuses. Il suffit qu’il a signé le décret de naturalisation ”. Il faut que cessent les manipulations sur l’identité libanaise. Il faut qu’on comprenne une fois pour toutes qu’un naturalisé prend la place de chaque Libanais qui émigre », a-t-il encore dit en mettant en garde contre tout déséquilibre démographique au Liban. D’autres ont voulu s’exprimer sous le couvert de l’anonymat, en réponse aux questions de L’Orient-Le Jour, « pour ne pas s’impliquer dans la polémique entre Baabda et Koraytem ». Sur le plan politique, ils n’ont pas hésité à lier la position de M. Hariri, non seulement aux tiraillements avec Baabda, mais aussi à l’échéance muncipale. Ils ont ainsi laissé entendre qu’il peut s’agir, à la veille des élections, d’une tentative de mobilisation de la rue sunnite, puisque le bruit court que ce sont en majorité des sunnites qui vont perdre la nationalité acquise il y a dix ans. Ce groupe n’a pas non plus hésité à désigner la proposition de M. Hariri comme étant « une hérésie politique », d’autant que le ministère de l’Intérieur, explique-il, a été officiellement mandaté par le Conseil d’État pour vérifier les dossiers des naturalisés et se prononcer sur l’opportunité de chaque citoyenneté accordée en 1994. Ce point de vue a été répercuté en soirée sur la LBCI par l’éminent juriste Hassan Rifaï, pour qui le chef du gouvernement n’a pas le droit de s’opposer au décret publié par le ministère de l’Intérieur du moment que ce département ne fait qu’exécuter une décision de justice. Il faut cependant préciser que ce point de vue ne fait pas l’unanimité dans les milieux des juristes. De sources juridico-parlementaires, on estime que le Premier ministre a parfaitement le droit de former une nouvelle commission s’il n’est pas convaincu par les résultats auxquels celle qui a été formée par les ministères de l’Intérieur et de la Justice serait parvenue. Celle-ci, rappelle-t-on, est composée de dix officiers et de dix juristes. Elle est assistée par des fonctionnaires de l’état civil. Le chef du gouvernement a ce droit discrétionnaire tant qu’il s’agit d’un décret ordinaire pris par un ministre et non pas d’un décret émanant du Conseil des ministres, selon ces sources. À ce moment-là, expliquent-elles, M. Hariri est tenu de signer le texte.
Les propos du chef du gouvernement, Rafic Hariri, sur les naturalisations ont dû décevoir tous ceux qui attendent avec impatience la publication du décret de retrait de la nationalité libanaise, accordée en 1994 à des milliers de personnes qui ne la méritent pas. Tout en se disant favorable à cette procédure, le Premier ministre a fait montre d’une prévoyance qui avait fait...