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Actualités - OPINION

ÉCLAIRAGE - Beyrouth mise tout sur le Conseil ministériel du Caire Pas de sommet plutôt qu’un sommet raté

C’est à Beyrouth que le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a confirmé la proposition tunisienne faite au cours de la semaine dernière : la tenue le 22 mai prochain, toujours à Tunis, du sommet arabe, en remplacement de celui prévu initialement les 29 et 30 mars, et qui avait été reporté in extremis par le pays hôte. Les raisons officielles étaient les divergences entre Arabes sur la question des réformes démocratiques – en réalité, le véritable motif était l’assassinat d’Ahmed Yassine, le leader ultracharismatique du Hamas. Et au-delà, l’incapacité des pays arabes à adopter une position unie vis-à-vis des États-Unis, de plus en plus enclins à signer au Premier ministre israélien Ariel Sharon des chèques en blanc et, souvent, sans provision. Amr Moussa a dit à ses interlocuteurs libanais que, d’ores et déjà, presque douze pays lui ont donné leur accord. C’est de Beyrouth, aussi, que la réaction a été la plus rapide. Dans un parfait et plutôt rare unisson, le chef de l’État et le ministre des Affaires étrangères ont clairement annoncé leur opposition à la tenue du sommet sans consensus préalable entre les pays arabes. L’équation telle qu’envisagée par Beyrouth est en effet très simple : pas d’accord interarabe, pas de résolutions fermes, équivalent à pas de sommet – et dans ce cas-là, inutile d’en préciser dès maintenant la date. « Et ce n’est pas du tout une demande ou une injonction de Damas, nous en sommes pleinement convaincus, tout autant que nos amis Syriens », a confirmé Jean Obeid, interrogé par L’Orient-Le Jour. Ce consensus, seuls les chefs de la diplomatie des 22 pays membres de la Ligue pourraient y arriver : ils se réuniront les 8 et 9 mai dans la capitale égyptienne, a annoncé le ministre bahreïni des AE, dont le pays assure la présidence sortante du sommet. Manama, qui a toujours fait en sorte de modérer, au sein du Conseil de cooépration du Golfe, ses amitiés américaines, a d’ailleurs emboîté le pas à Beyrouth en affirmant que la décision de fixer la date et le lieu du sommet arabe relève justement du Conseil ministériel du Caire. Que veut concrètement le Liban ? Et de quel consensus s’agit-il effectivement ? La réponse est simple : entre les deux sommets, il y a eu les déclarations tonitruantes du président américain, dans le cadre d’un nouvel et ahurissant épisode du soutien aveugle de l’Administration Bush en faveur de la politique d’Ariel Sharon. Et cette nouvelle donne implique automatiquement, pour Beyrouth, de nouvelles priorités pour le monde arabe. Il devrait donc y avoir les naturelles et strictissimes condamnations de la façon de faire US : volonté unilatérale de redessiner les frontières en Palestine et en Israël ; gel, voire même rejet, du droit au retour des réfugiés palestiniens (un droit sacré aux yeux des dirigeants libanais) ; légitimisation des assassinats de leaders palestiniens – une flagrante violation du droit international, a rappelé il y a quelques jours le ministre français des AE, Michel Barnier – ; occupation de l’Irak et éventuelle participation arabe dans la future force onusienne telle que souhaitée par Lakhdar Brahimi ; disparition de la « feuille de route » ; exportation mort-née de la démocratie au Moyen-Orient, et, last but not least, mépris total de l’initiative arabe adoptée il y a deux ans lors du sommet de Beyrouth. La diplomatie libanaise compte sur le Conseil ministériel du Caire pour prouver que cette réunion peut déjouer les pires appréhensions des oiseaux de mauvais augure, qui parient sur l’impossibilité d’un accord à 22 sur ces points majeurs de divergence, sur l’improbabilité de voir les pays arabes se décider à privilégier la volonté populaire au détriment de leurs intérêts proaméricains. Condamnations mais aussi (ré)actions : la diplomatie libanaise tentera au Caire, avec d’autres, de braquer les projecteurs sur les dangers d’éventuels remodelages, qui ne se contenteront pas des seuls tracés frontaliers israélo-palestiniens ; insistera sur l’importance d’une mise en garde solennelle aux États-Unis sur les dangers incommensurables d’éventuels renversements de régimes arabes modérés ; insistera également sur la nécessité de coordonner et d’agir avec l’Union européenne et les Nations unies. Ce qui a d’ailleurs déjà été fait : le bloc des pays arabes ayant déposé lundi devant le Conseil de sécurité onusien un projet de résolution condamnant l’assassinat de Abdel-Aziz al-Rantissi et dénonçant la politique US au Proche-Orient. Fort de sa conviction selon laquelle la réussite du sommet arabe est bien plus importante que sa tenue même, sa régularité, son annualité, et malgré le fait que Rafic Hariri ait estimé à juste titre, avant-hier à Paris, que si quelqu’un s’opposait à la tenue du sommet arabe, « cela serait bien bizarre », le Liban, rasséréné quelque peu par le coup de froid ex abrupto entre Amman et Washigton, attend de pied ferme le Conseil ministériel du Caire, sur lequel il mise tout. Même s’il risque de manquer, pour garantir à Tunis 2004 un succès au moins équivalent à celui de Beyrouth 2002, les indispensables tractations de coulisses d’un Ghassan Salamé. Ziyad MAKHOUL
C’est à Beyrouth que le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a confirmé la proposition tunisienne faite au cours de la semaine dernière : la tenue le 22 mai prochain, toujours à Tunis, du sommet arabe, en remplacement de celui prévu initialement les 29 et 30 mars, et qui avait été reporté in extremis par le pays hôte. Les raisons officielles étaient les...