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Actualités

perspective La realpolitik pèse de tout son poids sur le choix du successeur de Lahoud Les limites de l’impact de Washington sur la présidentielle

La realpolitik a, par essence, quelque chose de cynique, voire de cruel à l’égard des populations qui la subissent. Les Libanais sont bien placés (ou plutôt mal placés) pour le savoir. Ils en sont venus – au terme du noyautage de l’appareil étatique auquel s’est attelé patiemment le tuteur syrien – à banaliser l’aliénation de la décision politique nationale. Il ne s’agit pas là d’une simple soumission au fait accompli. Cette banalisation représente, en réalité, l’une des manifestations de la nature même de la classe politique qui détient les rennes du pouvoir. À l’exception d’une poignée de parlementaires et de leaders qui ont refusé de prendre le train en marche, la plupart des responsables actuels doivent, en effet, leur place au soleil au seul bon vouloir de Damas. Cette amère réalité constitue, certes, une lapalissade. Mais indépendamment du fait qu’il est vital de la dénoncer sans relâche, elle acquiert aujourd’hui une importance renouvelée à la faveur de l’échéance présidentielle. Reflétant en toute franchise le climat ambiant qui règne à ce propos, le ministre d’État Abdel Rahim Mrad a déclaré hier sans s’embarrasser de scrupules qu’il était « satisfait » de voir que le choix du futur président sera le fruit d’une « décision syrienne » car il est opposé à toute « décision américaine » sur ce plan. Bien avant lui, son collègue de la Békaa, Élie Ferzli, déclarait il y a quelques jours que la décision concernant la présidentielle sera « à cent pour cent syrienne ». Une façon d’écarter implicitement toute influence US à ce sujet. Les réflexions de MM. Ferzli et Mrad relancent un débat auquel se plaisent de nombreux analystes locaux et qui porte sur la part respective qui reviendra à Damas et à Washington dans le choix du successeur du président Lahoud. Des réalités objectives s’imposent à cet égard : à moins d’un profond bouleversement géopolitique qui remettrait sérieusement en cause la position prépondérante de la Syrie sur la scène libanaise, il demeure acquis que l’écrasante majorité du « corps électoral » appelé à se prononcer lors de l’échéance présidentielle est inféodée à Damas. Certains observateurs émettent l’hypothèse que le régime syrien puisse, sous la pression des événements, ne pas trancher et laisser le jeu électoral présidentiel prendre son libre cours. Mais même dans ce cas de figure, il s’agirait, là aussi, d’une décision... syrienne, qui n’aurait été prise que si les maîtres de Damas ont l’intime conviction – ou plus précisément la garantie – que l’issue de la présidentielle, quelle qu’elle soit, sera conforme à leurs intérêts propres. Quelle pourrait être, dans un tel contexte, l’influence des États-Unis sur ce plan, si tant est que l’Administration US porte un quelconque intérêt à cette échéance libanaise ? Le tuteur syrien demeurant, jusqu’à preuve du contraire, seul maître de la carte présidentielle, on voit mal comment Washington pourrait avoir un impact direct et décisif sur le vote des députés libanais. À l’ombre des données actuelles, le seul moyen pour les dirigeants US d’influer sur le cours de la présidentielle serait d’entamer des tractations avec Damas. Mais cela reviendrait, pour eux, à se placer en position de demandeurs. Or cela est contraire, à l’évidence, à leur politique actuelle, du fait qu’ils cherchent plutôt à imposer, eux, leurs conditions aux Syriens. Ils ne peuvent donc se permettre de composer avec eux sur un dossier aussi ponctuel que la présidentielle au Liban. Reste que Washington pourrait se contenter d’imposer son veto sur certains noms et faire parvenir à ce sujet, en temps opportun, un message ferme et sans appel au décideur syrien. L’état actuel du rapport de forces illustre ainsi les limites du jeu électoral qui pointe à l’horizon. Et face aux calculs des grands et des moins grands, la marge de manœuvre des parties libanaises demeure, pour l’heure, particulièrement réduite. Cela ne devrait pas, pour autant, empêcher les frondeurs de clamer, encore et toujours, leur refus du fait accompli, leur rejet de la realpolitik à laquelle est soumis le Liban. Les débats d’hier à Saydet el-Jabal prouvent, à cet égard, que malgré tout, les perspectives d’une renaissance authentiquement libanaise sont loin d’être négligeables. Michel TOUMA
La realpolitik a, par essence, quelque chose de cynique, voire de cruel à l’égard des populations qui la subissent. Les Libanais sont bien placés (ou plutôt mal placés) pour le savoir. Ils en sont venus – au terme du noyautage de l’appareil étatique auquel s’est attelé patiemment le tuteur syrien – à banaliser l’aliénation de la décision politique nationale. Il ne...