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«Statue» quo

Face au port, à l’intersection de deux voies rapides, bien exercés que nous sommes au strabisme divergent qui permet de voir arriver les voitures de tous les côtés, on prend le risque quant même de dévier le regard pour contempler la nouvelle statue de l’émigré libanais, érigée sur un bout de trottoir. On se refuse de croire que la représentation sculptée de ce personnage au visage triste ait pu être édifiée par nos gouvernants en hommage à ceux qui quittent leur terre natale pour toujours. Ce serait un motif peu louable en effet, ne justifiant pas une statue en pied comme celles que l’on dresse sur les places publiques à des héros nationaux authentiques, présidents de Conseil des ministres ou présidents de la Chambre des députés par exemple. Heureusement ce n’est pas le cas. Le monument a été voulu et payé par de riches émigrés qui cherchaient à prouver leur attachement à la patrie d’origine, convaincre leurs concitoyens restés au pays qu’ils ne sont pas des déserteurs et leur rappeler que sans le rapatriement régulier d’argent, l’économie du Liban serait encore plus moribonde qu’elle ne l’est actuellement. Entre-temps, la statue a changé subrepticement de message. Aujourd’hui, elle exprime silencieusement notre compassion à l’égard des centaines de demandeurs de visas, jeunes pour la plupart, qui rejoignent dès les premières lueurs de l’aube les interminables files d’attente aux portes des consulats. Il faudrait que les responsables qui ont l’obligation d’inverser cette déplorable situation en constatent au moins l’anomalie. Mais ce ne sont pas des lève-tôt, hélas ! Et pour cause, les somptueuses ripailles de la veille les épuisent. Aux futurs émigrés, on redira que compter sur les héros nationaux est illusoire, et que c’est dans les pays d’accueil que des statues, pour le mérite celles-là, pourraient éventuellement leur être érigées. Chez nous, statu quo : depuis longtemps déjà, un système de valeurs plus terre à terre règne sans partage. G. SÉROF

Face au port, à l’intersection de deux voies rapides, bien exercés que nous sommes au strabisme divergent qui permet de voir arriver les voitures de tous les côtés, on prend le risque quant même de dévier le regard pour contempler la nouvelle statue de l’émigré libanais, érigée sur un bout de trottoir.
On se refuse de croire que la représentation sculptée de ce...