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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Chaos,emballage cadeau

Le sens du timing, tout homme d’État devrait en avoir dans son bagage. Pas George W. Bush qui, faut-il le rappeler, ne s’est jamais encombré du moindre bagage. Que le président des États-Unis n’arrête pas de nous dire combien le monde est un endroit plus sûr depuis son équipée irakienne relève seulement de l’idée fixe. Mais que pour resservir ce ridicule mensonge il choisisse le jour le plus apocalyptique de la sanglante chronique irakienne (près de cent morts jeudi, trois fois plus de blessés) devient une insulte à l’intelligence des gens : à commencer par celle de ses propres concitoyens dont une majorité, selon les sondages, vient tout juste de découvrir que cette guerre a été une erreur, laquelle est loin d’avoir mis l’Amérique à l’abri du terrorisme. C’est à l’évidence non point un transfert de pouvoir et de souveraineté, mais de chaos, qui aura lieu dans quelques jours en Irak. Maintenant qu’ont volé en éclats les utopiques visions des faucons de Washington – des Marines accueillis en libérateurs, un gouvernement d’amis sûrs, une démocratie rayonnant de l’Irak sur l’ensemble de la région –, une nouvelle règle du jeu, non moins meurtrière que celle qui prévalait depuis un an, a cours dans cet infortuné pays. Un gouvernement intérimaire aux commandes à Bagdad, pour préparer d’hypothétiques élections ? C’est autant de responsabilités de moins pour le colosse américain dont les déboires militaires n’avaient d’égal que l’enlisement politique. La guerre continue ? Certes ; mais de coloniale qu’elle était, cette guerre a le bon goût de devenir civile : ce qui, de la force occupante, fait une force d’appoint agissant au gré de sa propre évaluation. Si bien que la nouvelle guerre d’Irak va opposer surtout, désormais, des Irakiens à d’autres Irakiens : d’un côté les « terroristes », ce terme englobant pêle-mêle toutes les factions qui ont pris les armes contre l’occupation US ; et de l’autre la police locale, reconstituée à la va-vite et pour l’entraînement de laquelle même les pays de l’Otan se font tirer l’oreille. Pas encore assez civile, cette foireuse guerre ? Une bonne pincée de sectarisme, et l’explosif cocktail est prêt : au nord, des Kurdes sunnites mais non arabes qui n’accepteront rien moins qu’une officialisation de l’autonomie dont ils jouissent de facto depuis des années ; au centre, un triangle sunnite actuellement en pleine ébullition ; et au sud, une majorité numérique chiite naguère marginalisée mais bien décidée à se tailler la part du lion dans le pouvoir central. Significative, à cet égard, est la volte-face du rebelle Moqtada Sadr, ancienne bête noire des Américains qui, non content de décréter une trêve dans son réduit de Bagdad, veut collaborer désormais à la lutte antiterroriste. Outre les derniers attentats à la bombe en Turquie, où est attendu aujourd’hui même George Bush, les dernières exécutions d’otages et opérations policières d’Arabie saoudite ne font que souligner la précarité ambiante qui s’installe au Moyen-Orient. Spectaculaire et futile tout à la fois est l’offre d’amnistie faite il y a quelques jours par le Trône aux activistes d’el-Qaëda. On voit mal en effet tous ces sanguinaires exaltés, commandos-suicide et autres coupeurs de têtes faire acte de repentir afin d’avoir la vie sauve. Pour une monarchie longtemps laxiste et maintenant prise à la gorge, cette clémence semble être plutôt un moyen de se dédouaner aux yeux du très puissant clergé wahabite, et cela à la veille d’un assaut général contre les réseaux d’Oussama Ben Laden. C’est en s’alliant aux puritains du désert qu’Abdel-Aziz Ibn Saoud avait unifié, par l’épée, le royaume qui porte encore son nom. C’est en choyant à profusion, en inondant de pétrodollars les ulémas wahabites que les potentats de Ryad et leurs pléthoriques familles ont pu, des décennies durant, gouverner et puiser à leur gré dans la caisse. Et c’est encore par le canal des organisations caritatives islamiques que les émirs, par calcul, par veulerie – empochez-moi ça, mon brave, et allez vous faire voir ailleurs –, sinon en certains cas par conviction, ont nourri une vipère qui se retourne finalement contre eux. Plus sûr, tu meurs : tout compte fait il ne mentait pas trop, l’inquiétant illuminé de Washington.
Le sens du timing, tout homme d’État devrait en avoir dans son bagage. Pas George W. Bush qui, faut-il le rappeler, ne s’est jamais encombré du moindre bagage.
Que le président des États-Unis n’arrête pas de nous dire combien le monde est un endroit plus sûr depuis son équipée irakienne relève seulement de l’idée fixe. Mais que pour resservir ce ridicule mensonge il...