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Actualités - CHRONOLOGIE

DÉVELOPPEMENT - Une initiative de la Fondation René Moawad s’étend petit à petit à tout le pays L’huile d’olive libanaise, un pur jus de fruit qui essaie de se tailler une place sur le marché mondial

Le hasard fait parfois bien les choses. Pour les individus, mais aussi pour les pays où l’on est amené à compter davantage sur un heureux concours de circonstances que sur une politique bien pensée qui fait cruellement défaut. Une anodine visite effectuée par Mme Nayla Moawad, députée de Zghorta, dans un des magasins d’Olivier & Co à Paris, va bouleverser la vie des cultivateurs d’olives libanais et jeter les bases d’une coopération libano-française, qui se concrétisera par l’exportation de milliers de litres d’huile d’olive vers la France. Voici le récit d’une belle aventure au titre on ne peut plus éloquent: «Redonner ses lettres de noblesse à l’huile d’olive». Tout a donc commencé le jour où Mme Moawad constate, étonnée et navrée, lors d’un passage dans un magasin d’Olivier & Co, l’absence d’huile d’olive libanaise parmi les bouteilles provenant de l’ensemble des pays du bassin méditerranéen. Et lorsqu’elle prend contact avec Olivier Baussan, fondateur d’Olivier & Co, c’est pour s’entendre dire que l’huile libanaise a été éliminée, au même titre que celle provenant de trois autres pays de la région, parce qu’elle entre dans la catégorie des huiles difficiles, non appréciées par le consommateur français. «Que devons-nous faire pour en améliorer la qualité»? demande alors Mme Moawad. La députée voit déjà les bouteilles d’huiles libanaises exposées sur les étals des magasins français. Pour elle, une telle entreprise s’inscrit parfaitement dans le cadre des projets de développement basés sur des principes démocratiques, lancés par la Fondation René Moawad et censés maintenir les agriculteurs dans les zones rurales. Ce projet lui tient d’autant plus à cœur que l’olivier est chargé de nombreux symboles. Arbre plusieurs fois millénaire dans la région du bassin méditerranéen, l’olivier, explique Mme Moawad, est un symbole de paix, de coexistence entre les peuples et les trois religions monothéistes «et il fallait lui redonner ses lettres de noblesse» en le plaçant dans son contexte culturel et historique. Un expert, Jean-Marie Baldassari, est aussitôt envoyé par Olivier & Co au Liban pour dresser un état des lieux et proposer une sorte de plan de travail, après une étude du sol et des variétés plantées au Liban. «Il a été émerveillé par la qualité et la beauté de nos oliviers, mais il a été catastrophé par la manière avec laquelle les arbres et leurs fruits sont traités. Il y avait en effet beaucoup à faire», raconte Mme Moawad. Et c’est le début de la coopération entre la Fondation René Moawad et Olivier & Co et de la réalisation d’un projet de longue haleine à l’effet boule de neige, puisque plusieurs régions du pays, du Nord au Sud, vont progressivement profiter du know-how acquis par les experts de la FRM et inculquer aux agriculteurs de ces régions les méthodes appropriées d’extraction de l’huile d’olive. Deux ingénieurs agronomes sont engagés par la fondation. Un premier pressoir (ou moulin) moderne est installé à Kfifane. «Lorsque la USAid décide de financer un projet agricole à Batroun, nous nous sommes jetés en plein dedans. Beaucoup de terrains étaient abandonnés dans cette région, ce qui représentait un avantage, car cela favorisait les cultures organiques, sans compter que le micro-climat de Batroun est favorable aux oliviers», explique encore Mme Moawad. On apprend aux cultivateurs comment cueillir les olives – au peigne et non pas à la gaule – et élaguer les arbres. On leur inculque surtout le procédé d’extraction de l’huile. Le Liban a une longue tradition dans ce domaine. Une tradition millénaire dont il tire sa fierté et qui était d’ailleurs en vigueur dans de nombreux pays du bassin méditerranéen, mais qui ne correspond plus malheureusement aux exigences du consommateur occidental. «Les pressoirs sont généralement vieux et sales et les olives sont laissées des heures durant dans des sacs avant d’être apportées aux moulins, ce qui altère le goût de l’huile, qui devient forte et difficile à goûter», explique M. Baussan, de passage à Beyrouth, à l’invitation de la FRM. «Dans le passé, on appréciait l’huile extraite suivant les méthodes traditionnelles, mais le marché a changé. La demande internationale a évolué vers une huile un peu plus verte et plus fruitée», ajoute-t-il. «Le critère de base d’une bonne huile est qu’elle doit être un jus de fruit qu’on n’obtient que lorsque les olives sont pressées une heure après leur cueillette, alors qu’elles sont encore fraîches. Il ne faut surtout pas extraire l’huile d’olives tombées et ramassées par terre», ajoute-t-il. « Un caviar libanais » Avec la Fondation Moawad, le travail principal s’est articulé autour de ce point. M. Baussan se dit favorable à l’installation de plusieurs petits moulins dans une région, ce qui facilite l’extraction de l’huile dans l’heure qui suit la cueillette. «L’année dernière, nous avons obtenu une première récolte suivant le nouveau procédé appliqué. Nous avons obtenu 1000 litres d’huile, ce qui n’était pas énorme mais qui s’est avéré très encourageant. Nous avons mis en vente les bouteilles à Olivier &Co. Le consommateur a goûté l’huile et l’a aimée. Nous leur avons raconté l’hitoire de l’huile du Liban et leur réaction a été la suivante: “L’huile du Liban, c’est un peu comme le caviar”. Nous avons tout vendu et nous sommes passés à la vitesse supérieure», raconte Olivier Baussan. L’idée de base, ajoute-t-il, est qu’il ne faut pas se contenter du marché assuré par les magasins Olivier & Co, mais qu’il faut parvenir à obtenir une huile capable de s’exporter et de rapporter des revenus plus substantiels. Les médias, surtout français, ont joué un rôle fondamental dans la promotion de l’huile libanaise auprès des consommateurs français. Un groupe de journalistes avait été en effet invité l’été dernier à Beyrouth, pour mieux connaître le pays et prendre connaissance, sur le terrain, de la coopération établie entre la FRM et Olivier & Co. Selon la Fondation René Moawad, ce sont 15000 tonnes qui sont aujourd’hui exportées vers la France. L’huile d’olive libanaise a également trouvé son chemin vers d’autres pays. Dans le quartier de Soho, à New York, le stock de ce que M. Baussan appelle «un jus de fruits» a été épuisé en quatre jours, indique Mme Moawad. Une question se pose cependant: l’huile libanaise peut-elle concurrencer celle qui est produite et exportée par d’autres pays du bassin méditerranéen? «On ne peut pas être compétitif sur le plan de la quantité. Cela est sûr, mais il y a quand même une niche pour le Liban. Elle concerne les produits de haute qualité et c’est à ce niveau que nous pouvons être compétitifs», assure-t-elle, en expliquant que la Fondation René Moawad a commencé avec l’aide de l’Union européenne le processus de mise en route d’une AOC (appellation d’origine contrôlée), qui sera en quelque sorte le passeport officiel de l’huile d’olive libanaise vers l’Occident, puisqu’elle permet d’éviter la fraude et de rassurer le consommateur étranger. Mme Moawad fait montre d’une confiance à toute épreuve. Une confiance contagieuse puisqu’elle a réussi à la passer à tous ceux qui ont voulu copier son modèle et l’appliquer dans leurs régions respectives. Au Liban-Sud, dans le Akkar, à Bsous, de nombreux propriétaires d’oliveraies suivent les nouveaux procédés d’extraction de l’huile d’olive. «Nous avons réussi à redonner foi aux agriculteurs. Ils savent maintenant qu’il y a un marché mondial pour les produits de qualité et cela les encourage à poursuivre la production et à demeurer dans leurs terres», déclare Mme Moawad. Tilda ABOU RIZK
Le hasard fait parfois bien les choses. Pour les individus, mais aussi pour les pays où l’on est amené à compter davantage sur un heureux concours de circonstances que sur une politique bien pensée qui fait cruellement défaut. Une anodine visite effectuée par Mme Nayla Moawad, députée de Zghorta, dans un des magasins d’Olivier & Co à Paris, va bouleverser la vie des...