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Actualités - OPINION

Débat orageux entre Hariri et la commission des partis

C’est aujourd’hui que la commission des six partis (Hezbollah, PSNS, Amal, Kataëb, Baas, Tachnag) – devenus sept depuis que le PSP les a rejoints – devrait décider si elle doit poursuivre ses efforts en vue de la formation d’une liste commune avec Hariri, pour les élections municipales de Beyrouth, ou mener la bataille dans les rangs de l’opposition. Selon des membres de cette commission, les débats seront longs car il s’agit d’analyser, voire de décortiquer, les entretiens effectués vendredi, entre la commission et les trois pôles sunnites de la capitale, le président du Conseil, M. Rafic Hariri, son prédecesseur, M. Sélim Hoss et M. Tammam Salam. De prime abord, les positions paraissent très éloignées les unes des autres, M. Hariri ayant posé des conditions draconiennes. Mais les membres de la commission ne désespèrent pas de la situation. Surtout si les Syriens, qui ne se sont pas encore prononcés ouvertement, donnent un mot d’ordre appelant à l’entente... Vendredi, les membres de la commission des six partis étaient encore sous le choc de ce que leur avait déclaré le Premier ministre, M. Rafic Hariri, sur un ton bien peu amène. Mais leur expérience des contacts, surtout politiques, leur a appris qu’avant d’entamer une négociation, il est toujours bon de faire monter les enchères et de durcir le ton. C’est pourquoi ils n’ont pas encore pris de décision définitive et comptent se lancer dans une nouvelle tournée auprès des différents pôles concernés par la bataille de Beyrouth au cours de cette semaine. En fait, l’idée de cette tentative de former une liste commune a d’abord germé dans l’esprit imaginatif du ministre du Développement administratif, M. Karim Pakradouni. Qui en a parlé devant le Tachnag, lequel s’est aussitôt emparé de l’idée pour en faire son cheval de bataille, ce parti n’ayant toujours pas digéré sa défaite aux législatives 2000. Au départ, il s’agissait essentiellement de pousser les sept partis à former un bloc commun. Ce qui leur permettrait avec un total de voix considérable, de peser sur l’opération de vote. La première réunion de coordination a eu lieu mercredi dernier, et le responsable du Baas, qui est aussi ministre d’État, M. Assem Kanso, n’était pas le moins favorable à l’initiative, secondé par le PSNS. Ce qui a poussé certains observateurs à déduire que la Syrie n’y serait pas hostile non plus, d’autant que les responsables de Damas ne cessent de pousser les Libanais à l’entente. M. Kanso a donc longuement développé l’idée selon laquelle l’échéance municipale a une dimension nationale, surtout à Beyrouth, qui reste la vitrine du Liban, et à un moment où le Liban a extrêmement besoin d’afficher une cohésion interne face aux développements régionaux. Au cours de cette réunion, la commission a décidé de rencontrer MM. Hoss, Hariri et Salam. En filigrane, l’échéance présidentielle Le premier rendez-vous a lieu avec Hoss. L’ancien président du Conseil a accueilli favorablement l’initiative, mais a précisé qu’il tient personnellement à la candidature de M. Abdel Hamid Fakhoury et qu’il suggère une alternance de la présidence entre ce dernier et l’actuel président de la municipalité, M. Abdel Moneim Ariss, si M. Hariri tient à la présidence de ce dernier. Selon M. Hoss, l’actuel chef du gouvernement utiliserait deux armes dans la bataille actuelle, l’argent et le confessionnalisme. « C’est d’ailleurs pourquoi il se bat contre moi et surtout contre le chef de l’État, personnalité non confessionnelle par excellence », aurait dit M. Hoss, qui estime que M. Hariri souhaite utiliser les élections municipales comme une carte pour l’échéance présidentielle, dont il voudrait à tout prix écarter l’actuel chef de l’État, le général Émile Lahoud. Chez M. Tammam Salam, la commission a entendu un langage différent, mais très opposé à l’attitude de M. Hariri. Toutefois, en homme de dialogue, Tammam bey n’a pas écarté la possibilité d’une entente, à condition qu’elle commence par de véritables consultations. « S’il veut la bataille, nous la mènerons, mais nous ne laisserons pas monopoliser la décision à Beyrouth », aurait déclaré M. Salam. La fermeté de son ton a d’ailleurs impressionné ses interlocuteurs, qui n’ont toutefois pas réussi à savoir si elle est due à sa récente rencontre avec le président syrien Bachar el-Assad ou s’il s’agit d’une réaction aux agissements de M. Hariri. En tout cas, il semble clair cette fois que M. Salam ne compte se laisser faire et qu’il voudrait avoir son mot à dire dans la formation du nouveau conseil municipal. « Allez droit au but » D’ailleurs, selon les membres de la commission, c’est au leader de Beyrouth que le président du Conseil s’en est le plus pris au cours de sa réunion avec eux. Alors qu’avec Hoss et Salam, l’entretien n’a duré qu’une demi-heure, la commission est restée chez Hariri plus de 90 minutes. Comme chez les deux précédents, l’un des deux représentants du Hezbollah, M. Mahmoud Komati, a voulu commencer par une rapide présentation de la situation, en essayant de donner à l’échéance municipale, surtout à Beyrouth, une dimension nationale. Mais il a vite été interrompu par M. Rafic Hariri, qui lui aurait sèchement demandé d’abréger en allant droit au but. Selon les membres de la commission, le président du Conseil semblait tendu. « Que voulez-vous au juste? » aurait-il demandé à ses interlocuteurs. « Tenter de trouver une entente entre les divers protagonistes », a répondu M. Komati. Et M. Hariri aurait rétorqué : « Cette entente, je l’ai déjà réalisée, dans la liste actuelle. Si Tammam Salam ne veut plus du représentant qu’il avait lui-même désigné en 1998 (le Dr Ammar Houry), parce que celui-ci s’est rallié à moi, qu’il en désigne un autre. Il se ralliera aussi à moi, comme vous tous d’ailleurs si vous me rencontrez à plusieurs reprises. En fait, il veut donner l’impression de participer à la formation de la liste et se faire photographier à mes côtés pour gagner de la popularité. Mais je ne compte pas participer à cette mise en scène. S’il veut nommer un autre représentant, qu’il m’envoie son nom. C’est tout ce que je peux faire pour lui. Mais s’il veut changer le Dr Houri, qu’il prenne la décision lui-même. Je n’ai pas l’intention de me disputer avec cette honorable famille. » Toujours selon les membres de la commission, M. Hariri se serait élevé contre les critiques adressées par M. Salam suite à son meeting électoral à Beyrouth. « Pakradouni, fer de lance du chef de l’État » Le président du Conseil aurait ensuite évoqué la seconde entrave à l’entente, selon lui, à savoir les Kataëb de M. Pakradouni. « Pourquoi le ministre du Développement administratif souhaite-t-il être représenté au conseil municipal alors qu’il est contre Beyrouth ? » aurait demandé M. Hariri, évoquant ainsi le projet de construction d’écoles gouvernementales dans la capitale, celui de l’édification de l’hôpital gouvernemental de Beyrouth et celui des abattoirs, projets qui ont fait l’objet de vives discussions en Conseil des ministres. Le représentant des Kataëb, M. Ibrahim Richa, s’est alors senti obligé de demander : « M. Pakradouni est donc suffisamment puissant pour bloquer tous ces projets ? » Et M. Hariri aurait répondu : « Non, bien sûr. Mais il est le fer de lance du président de la République. C’est lui qui mène les batailles au nom du chef de l’État. D’autres ministres sont aussi proches du président, mais ils ne font pas comme M. Pakradouni. En tout cas, je ne veux pas d’un Kataëb de Pakradouni dans ma liste. » Le second représentant du Hezbollah, M. Ghaleb Abou Zeinab, aurait alors pris la parole : « Si je comprends bien, les Forces libanaises se sont retirées de la liste. » « Tant mieux, aurait dit M. Hariri. Je demanderai à Mgr Boulos Matar de choisir quelqu’un. » « Oui, mais vous ne voulez pas non plus des Kataëb, aurait poursuivi M. Abou Zeinab. Qui voulez-vous donc comme chrétiens ? Vous voulez les choisir vous-mêmes et les imposer à la population ? » M. Hariri lui aurait sèchement répondu de ne pas s’en soucier puisqu’il est en mesure de régler le contentieux avec les chrétiens. « Par contre, parlons du Hezbollah, aurait ajouté le président du Conseil. Si vous me combattez, la bataille pourrait avoir de graves conséquences sur la scène populaire. » « Nous voulons l’entente, mais pas celle qui est imposée, celle que nous aurons choisie ensemble », aurait répondu M. Abou Zeinab. Le président du Conseil lui aurait alors demandé s’il accepte, dans les bourgades où son parti est fort, de partager le pouvoir avec d’autres formations chiites. M. Abou Zeinab aurait répondu par l’affirmative sans réussir à convaincre son interlocuteur, qui aurait répété : « Je peux gagner seul. Pourquoi devrais-je partager la victoire ? » La discussion se serait poursuivie, notamment avec les représentants du Tachnag, et en conclusion, le président du Conseil aurait entrouvert quelques lucarnes, tout en restant intraitable sur son désir de ne pas rencontrer M. Salam et son refus de laisser le Dr Hoss nommer un représentant au sein du conseil municipal. De cet entretien orageux, où le président du Conseil a voulu visiblement faire monter les enchères, les représentants des partis sont sortis avec l’impression que la bataille est inévitable. Ont-ils une chance de la gagner ? Les membres de la commission interrogés sont sûrs de pouvoir percer la liste de M. Hariri, sans pour autant remporter une victoire totale. Ils comptent dès à présent entamer des contacts avec les formations sunnites, notamment la Jamaa islamiya, les Ahbache, le groupe de Kamal Chatila et les familles traditionnelles. Mais ils excluent pour l’instant toute possibilité d’entente avec le groupe de Najah Wakim. Toutefois, ils restent nombreux à croire que la porte de la médiation n’est pas totalement fermée, surtout si les Syriens qui, jusqu’à présent, n’ont envoyé que de vagues signaux, décident de devenir plus précis et de demander au président du Conseil de ne pas monopoliser la représentation des sunnites au sein du conseil municipal de Beyrouth. La semaine qui commence devrait permettre de clarifier de nombreux points encore obscurs. Scarlett HADDAD
C’est aujourd’hui que la commission des six partis (Hezbollah, PSNS, Amal, Kataëb, Baas, Tachnag) – devenus sept depuis que le PSP les a rejoints – devrait décider si elle doit poursuivre ses efforts en vue de la formation d’une liste commune avec Hariri, pour les élections municipales de Beyrouth, ou mener la bataille dans les rangs de l’opposition. Selon des membres de...