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perspectives La politisation du scrutin de mai incontournable à Beyrouth et dans certaines grandes localités Les municipales donneront lieu à deux types d’élections, de nature et de portée différentes

À deux semaines de la première phase des élections municipales, qui débuteront le 2 mai au Mont-Liban, les véritables enjeux pointent déjà à l’horizon. Ceux qui s’obstinent à limiter ce scrutin à sa seule dimension locale et municipale s’obstinent à pratiquer la politique de l’autruche. Du moins en ce qui concerne certaines grandes localités qui ont valeur de symbole, plus particulièrement au Metn et, évidemment, dans la capitale (où les électeurs se rendront aux urnes le 9 mai, en même temps que ceux de la Békaa). Force est de reconnaître que c’est en réalité deux types d’élections – de nature et de portée fondamentalement différentes – qui auront lieu tout au long du mois de mai. Dans les petits villages, d’abord, la dimension exclusivement locale sera prépondérante. Là, les alliances et les listes se feront sur base de considérations familiales et claniques qui laisseront peu de place aux manœuvres politiques et aux grands principes nationaux. Dans ce cas de figure, les enjeux seront d’ordre purement municipal, liés parfois aux impératifs du développement rural ou, le plus souvent, aux ambitions personnelles et aux simples querelles de clocher. Par contre, à Beyrouth et dans certaines grandes localités, l’enjeu politique paraît incontournable, et la consultation populaire aura la même portée que des élections législatives. Dans la capitale, à titre d’exemple, c’est le leadership sunnite qui est, en quelque sorte, en jeu. Pour le Premier ministre, Rafic Hariri, il s’agit en effet de consolider et d’affirmer sa stature de ténor et de « numéro un » sunnite qu’il a acquise à la faveur du raz-de-marée réalisé à Beyrouth lors du scrutin parlementaire de l’an 2000. S’il parvient à rééditer cet exploit, en imposant et en faisant élire « sa » liste, il confortera sans aucun doute son positionnement dans la perspective de la présidentielle prévue en automne. Ce sont ces mêmes considérations qui expliquent le sursaut actuel des familles traditionnelles sunnites de Beyrouth, combiné à celui de certaines fractions politiques proches de Damas, qui tentent de mettre à profit les municipales pour rogner les ailes à M. Hariri et entamer quelque peu son leadership. Carrément laminées et marginalisées par le raz-de-marée haririen de l’an 2000, ces familles beyrouthines (les Salam en tête), qui ont longtemps constitué le vivier du leadership sunnite de la capitale, attendent l’occasion de récupérer le terrain perdu. Elles pourraient profiter à cet égard d’une conjoncture politique favorable. À en croire certaines sources, Damas chercherait à réduire sensiblement la part de M. Hariri dans une éventuelle liste loyaliste à Beyrouth. Les démarches entreprises à la fin de la semaine dernière par le « comité des six » (représentant les Kataëb de M. Karim Pakradouni, le Tachnag, le Hezbollah, le mouvement Amal, le Baas prosyrien et le PSNS, auquel pourrait se joindre sous peu le PSP de M. Walid Joumblatt) s’inscriraient dans cette tentative de « déharirisation » du conseil municipal de Beyrouth. Sans pour autant affaiblir de façon trop démesurée le camp du Premier ministre. Comme dans Le Prince de Machiavel, il s’agit, pour mieux « gouverner » et « contrôler », d’affaiblir une partie sans jamais l’éliminer totalement. Autre enjeu politique de ces municipales : la stature nationale de l’opposition chrétienne, plus précisément du courant aouniste et des diverses fractions et personnalités du Rassemblement de Kornet Chehwane. Dans ce cas de figure, c’est principalement avec les milieux proches du président Émile Lahoud que l’opposition sera appelée à croiser le fer, notamment dans certaines grandes agglomérations du Metn et de Baabda. Largement défavorisés par une loi électorale conçue, précisément, depuis 1992, pour les marginaliser au maximum, privés par le régime d’une victoire indéniablement méritée lors du scrutin partiel du Metn, les opposants de Kornet Chehwane et le courant aouniste ont aujourd’hui l’occasion d’apporter la preuve que les élections législatives de la décennie passée sont loin d’avoir reflété leur véritable audience populaire et leur force électorale réelle. Ils sont donc confrontés à un défi majeur : celui d’unifier leurs rangs et de présenter des listes communes non pas dans les petits villages, mais dans les grandes localités des différents cazas de la montagne et des régions périphériques où la bataille peut revêtir une portée politique évidente. À défaut de loi électorale équitable et de scrutin législatif reflétant réellement la volonté des électeurs, Kornet Chehwane et le courant aouniste se doivent donc de faire leurs preuves à la faveur des municipales. Les réunions se sont intensifiées ces derniers jours pour relever un tel défi. L’aboutissement de ces tractations constituera le baromètre du degré de maturité politique de ce front d’opposition. Pour certains, ces enjeux foncièrement politiques, aussi bien à Beyrouth que dans les zones où Kornet Chehwane et les aounistes ont une influence bien établie, dénaturent l’esprit même du scrutin municipal. Cela est sans doute partiellement vrai. Mais cela illustre aussi les méfaits des lois électorales taillées sur mesure et parachutées de l’extérieur dans le seul but d’occulter purement et simplement les réalités sociocommunautaires du pays. Michel TOUMA
À deux semaines de la première phase des élections municipales, qui débuteront le 2 mai au Mont-Liban, les véritables enjeux pointent déjà à l’horizon. Ceux qui s’obstinent à limiter ce scrutin à sa seule dimension locale et municipale s’obstinent à pratiquer la politique de l’autruche. Du moins en ce qui concerne certaines grandes localités qui ont valeur de...