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Actualités - REPORTAGE

« La Passion », selon Mel Gibson : les lecteurs partagés « Jésus est en agonie jusqu’à la fin du monde »

Ce n’est pas le moindre mérite du film de Mel Gibson que d’avoir poussé des hommes et des femmes de tous horizons spirituels et culturels à chercher à mieux savoir qui est ce Jésus auquel croient plus d’un milliard d’êtres humains et qui a été le point d’inflexion de l’histoire. On a reproché au film son hyperréalisme. Or ce réalisme est non seulement historique, mais aussi prophétique. Expliquons-nous: on ne peut comprendre la mission du Christ en dehors de l’unité de l’Ancien et du Nouveau Testament. Jésus est venu accomplir les prophéties de l’Ancien Testament, dont certaines des plus impressionnantes de réalisme figurent dans la dernière partie du livre d’Isaïe. Ce sont les chants du Serviteur souffrant. En voici des extraits frappants : « Voici mon Serviteur que je soutiens, mon élu que préfère mon âme. J’ai mis sur lui mon Esprit pour qu’aux nations il apporte le droit (...). Le Seigneur m’a donné une langue de disciple pour que je sache répondre à l’épuisé (...). Quant à moi, je n’ai pas résisté, j’ai tendu le dos à ceux qui me frappaient, les joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats. « Voici que mon Serviteur prospérera, s’élèvera et grandira beaucoup! Alors que les multitudes avaient été épouvantées à sa vue, tant son aspect était défiguré. Il n’avait plus d’apparence humaine (...) homme de douleur et connu de la souffrance (...). Or c’étaient nos souffrances qu’il supportait et nos douleurs dont il était accablé. Et nous autres, nous l’estimions châtié, frappé par Dieu et humilié. Il a été transpercé à cause de nos péchés, écrasé à cause de nos crimes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui et c’est grâce à ses plaies que nous sommes guéris. » On ne peut comprendre Jésus en dehors de l’image du Serviteur. La mission de Jésus s’inscrit dans l’histoire et transcende l’histoire. Jésus est venu servir et il est venu accomplir. Le prophétisme Le prophétisme a joué un rôle considérable dans l’histoire religieuse du peuple de l’Ancien Testament, nous dit la Bible de Jérusalem. Les prophètes ont été les instruments principaux du progrès de la révélation. Leurs contributions se rejoignent selon trois lignes maîtresses qui distinguent la religion de l’Ancien Testament : le monothéisme, le moralisme et le messianisme. C’est ce dernier aspect qui nous intéresse ici. L’attente d’un Messie a traversé toute l’histoire du peuple de l’Ancien Testament et elle a soutenu sa foi. Mais son expression restera mystérieuse jusqu’à la venue de Celui qui réalisa pleinement ces prophéties et accorda leur caractère disparate : Jésus, le Christ, c’est-à-dire le Messie, celui qui a reçu l’onction, le descendant de David, né à Bethléem, le Roi pacifique du prophète Zacharie, le serviteur d’Isaïe, l’enfant Emmanuel annoncé par Isaïe, et aussi le Fils de l’Homme d’origine céleste vu par Daniel. Le Nouveau Testament a rapporté à Jésus tous ces textes prophétiques qui parlent aujourd’hui aux chrétiens infiniment plus qu’à leurs premiers auditeurs. Sans cet accomplissement, la personne du Christ ne peut être ni comprise ni représentée. Le christianisme est une religion de l’incarnation. Dieu s’est laissé voir et toucher. Il est normal que dans sa représentation, il soit donné à voir et à toucher. Et quel art, plus que le cinéma, possède aujourd’hui la capacité de rendre les choses visibles, palpables ? Ceux qui ont aimé le film de Mel Gibson confient avoir été sensibles à une présence qui en émane, à une paix dont ils ont fait l’expérience. Une spectatrice a même avoué avoir eu envie d’assister au film debout, en signe de révérence. L’Esprit-Saint, croyons-nous comme chrétiens, est venu parachever ce que Jésus a commencé. C’est Lui qui est témoin dans nos cœurs de la vérité de ce que nous voyons. Sur le parti pris de réalisme de Mel Gibson, sur sa décision de montrer le supplice enduré par Jésus, il n’y a rien à dire d’autre que cela: c’est un choix. À l’heure où le monde entier parle de mémoire, à l’heure où l’on parle du devoir de mémoire, du génocide au Rwanda à la Shoah, du Goulag à Hiroshima, en passant par la guerre du Liban, il est étonnant que la seule chose que le monde veuille oublier, ce sont les souffrances réelles du Christ. De ces douleurs physiques, la plus paroxistique est celle de la crucifixion, après la flagellation et le couronnement d’épines, qui sont là comme des expédients auquel Pilate songe pour tenter de sauver Jésus, note le théologien René Laurentin dans son ouvrage La vraie vie du Christ. Et de poursuivre : « Les soldats dépouillent Jésus de ses vêtements, l’attachent à une colonne et le cinglent de leurs fouets composés de deux ou trois lanières terminées à leur extrémité par des osselets de mouton ou des balles métalliques jumelées. Chez les juifs, le supplice était limité à 49 coups (7 fois 7, chiffre d’achèvement). Les Romains ne connaissaient pas cette butée. Les experts ont relevé sur le linceul des empreintes d’environ 120 coups. C’était donc bien, conformément à l’Évangile, une flagellation romaine particulièrement acharnée. » S’il faut reprocher quelque chose au film, c’est de n’avoir pas été fidèle au mode de crucifixion des condamnés. Le clou, et cela aussi, les empreintes du suaire de Turin l’attestent, n’était pas planté dans la paume de la main, qui n’aurait pas supporté le poids du corps, et se serait déchirée, mais sur le poignet. René Laurentin cite à ce propos un ouvrage du chirurgien P. Barbet. La Passion de Jésus-Christ selon le chirurgien (Issoudun, 1950). Le clou, précise l’ouvrage, a été planté dans un creux, au centre des osselets. Anatomiquement, ce centre mou du poignet est désigné comme l’espace de Destot. Il se situe au milieux des petits os du métacarpe. Il provoque la plus terrible des douleurs imaginables, car en cet endroit favorable, le clou sectionne le nerf médian qui transmet à la main toute sa sensibilité. « C’est pire que du feu, c’est une fournaise intérieure », souligne Laurentin. Mais ces souffrances ne sont là que pour donner une vague idée des peines intérieures que vit le Christ. Le film décrit son combat ultime (c’est le sens étymologique du mot grec agonie). Combat dont la dimension physique n’est en rien comparable à sa dimension spirituelle. Celui qui le livre est un homme dans la plénitude de sa maturité humaine. Il livre un combat contre un univers spirituel tissé de doute et de désespoir, au point de faire l’expérience de la déréliction, un sentiment d’abandon total que partageront avec lui nombre de grands mystiques, y compris Thérèse de Lisieux. Sur la Croix, dit saint Paul, Jésus va mystérieusement « devenir péché ». Il va faire l’expérience d’un homme banni à jamais de la présence de Dieu. Or nous dit Pascal : « Jésus est en agonie jusqu’à la fin du monde. » Il était bon de le voir. Fady NOUN
Ce n’est pas le moindre mérite du film de Mel Gibson que d’avoir poussé des hommes et des femmes de tous horizons spirituels et culturels à chercher à mieux savoir qui est ce Jésus auquel croient plus d’un milliard d’êtres humains et qui a été le point d’inflexion de l’histoire.
On a reproché au film son hyperréalisme. Or ce réalisme est non seulement...