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Place de l’Étoile - Le budget 2004 adopté à 67 % des voix Moawad, Harb, Husseini, Fleyhane, Fneiche : les opposants font leur baroud d’honneur

Comme une lettre à la poste. Le Parlement a adopté hier à 67 % des voix le projet de budget 2004 avec un déficit de 36,6 %, supérieur à celui de 2003 (26,08 %). Les dépenses s’élèvent à 6,23 milliards de dollars et les recettes à 4,56 milliards de dollars ; quant au service de la dette, il accapare à lui seul 47 % des dépenses budgétaires. La dette du Liban avoisine les 34 milliards de dollars (soit environ 180 % du PIB). Le déficit prévu est supérieur aux 25 % promis par le Liban lors de la conférence de Paris II, tenue en novembre 2002. Sauf que le budget 2004 ne contient aucune référence aux réformes financières et aux privatisations auxquelles le Liban s’était engagé l’an dernier. Un point que la majorité des intervenants d’hier n’a pas manqué de relever en long, en large et en travers. Ces intervenants étaient haririens (l’ancien ministre de l’Économie Bassel Fleyhane, dont le laïus fera certainement date) ; hezbollahis (Mohammed Fneiche, qui n’a pas manqué, même avant de voter contre, de relever certains signes de rétablissement de la santé économique et financière du pays) ou membres du Front national pour la réforme (Nayla Moawad, Boutros Harb et Hussein Husseini ont été les héros de la troisième et dernière séance du débat budgétaire). Les députés se sont distingués hier par un absentéisme relativement important : seuls 97 parlementaires sur 128 (soit 75 %) ont jugé bon de se déplacer pour sanctionner le débat sur la loi de finances 2004. Et sur ces 97 députés, 31 ont voté non : Hussein Husseini, Omar Karamé, Nayla Moawad, Boutros Harb, Nassib Lahoud, Misbah Ahdab, Farès Souhaid, Antoine Ghanem, Mansour el-Bone, Pierre Gemayel, Nehmetallah Abi-Nasr, Farid el-Khazen, Ghassan Moukheiber, Abdallah Cassir, Massoud Houjeïry, Ibrahim Bayan, Mohammed Yaghi, Georges Najm, Mohammed Berjaoui, Nazih Mansour, Ali Ammar, Ammar Moussawi, Mohammed Raad, Mohammed Fneiche, Maurice Fadel, Mohammed Kabbara, Mohammed Safadi, Oussama Saad, Georges Kassarji, Nicolas Fattouche et Robert Ghanem. Quant à celui qui s’est abstenu, il s’agit du député de Kesrouan-Jbeil Nazem Khoury. Le renvoi des responsabilités Premier à ouvrir le bal à la tribune de l’hémicycle, le hezbollahi Mohammed Fneiche qui a commencé par énumérer les sobriquets dont a été affublé le budget 2004 – « budget des événements », « dépôt de bilan », « budget de l’échec », etc. – pour ensuite affirmer sans ambages que la loi de finances 2004 est « le budget du déficit ». Mais il prévient d’emblée qu’il ne s’agit pas du déficit qui correspond à la différence entre dépenses et recettes, ni celui de la non-application du programme de réformes financières adopté par le gouvernement, ni l’incapacité de ce dernier à tenir ses engagements envers les pays donateurs, ni... Le déficit évoqué par Mohammed Fneiche est « bien plus grave et dangereux ». Il équivaut à « l’incapacité de gérer les institutions de l’État et à la propension des dirigeants à entrer en conflit les uns avec les autres ». Le député de Bint Jbeil pose alors tout haut une question à laquelle bon nombre de Libanais pensent tout bas : « Que peut souhaiter l’opposition de plus, dans le cadre de son combat contre le pouvoir, que ces critiques et ces agressions échangées entre eux par les gens du pouvoir afin de prouver la véracité de leurs propos sur la performance du gouvernement et du régime politique ? » s’est ainsi demandé Mohammed Fneiche. Il a ensuite relevé que si les indices financiers et économiques ont connu une légère embellie, cela n’a pas empêché l’indice du déficit d’augmenter de dix points par rapport à ce qui était prévu (37 % au lieu de 27 %). « La stabilité financière ne se réalise pas uniquement par le biais d’une politique monétaire ni par la décision politique tout court : elle a besoin pour cela d’une politique financière saine, d’une économie prospère, basée sur la motivation de l’investisseur », a-t-il dit, mettant en garde contre tout changement de la politique monétaire, qui n’aurait que des répercussions négatives sur le plan socio-économique. « Mes propos sur l’absence de vision, de volonté et de réformes, qu’elles soient financières, administratives, juridiques ou économiques, ne visent pas à distiller le pessimisme, mais à braquer les projecteurs sur les dangers de ce que laisse prévoir le budget de cette année, sans compter ceux qui vont suivre, à la lumière des tiraillements politiques à propos des échéances à venir, que mêmes les cadres constitutionnels n’arrivent pas à résorber », a souligné le député hezbollahi. « Et rien ne sert de se renvoyer les responsabilités, cela ne résout rien, cela fait sans doute empirer les choses », a-t-il ajouté. Soulignant que la responsabilité est définie par les prérogatives constitutionnelles, la pratique effective et les positions de chaque pôle politique qui participe à la prise de décision de l’Exécutif. Le Sisyphe de Fleyhane C’était ensuite au tour de l’ancien ministre de l’Économie (et actuel député haririen de Beyrouth) Bassel Fleyhane de prendre la parole, pour raconter en plein hémicycle que la première chose à laquelle il avait pensé en parcourant pour la première fois le projet de budget 2004 était... Sisyphe. Ce fils d’Éole condamné, aux Enfers, à rouler éternellement un rocher sur une pente ; sauf que parvenu au sommet, le rocher retombait et il devait recommencer sans fin. « Fouad Siniora est le Sisyphe des finances publiques : il essaie depuis 1993 de pousser le rocher jusqu’au plus haut point de la montagne, sauf que ce rocher ne fait que dégringoler au fond du fossé. Il me semble que le ministre Siniora a décidé, en préparant le budget 2004, de cesser de pousser le rocher », a annoncé Bassel Fleyhane. « Cela me fait mal de dire que le Parlement examine aujourd’hui le pire projet de budget depuis dix ans. Un budget qui montre que l’Exécutif a abandonné les réformes structurelles et les mesures nécessaires et effectives visant à réduire la dette, à résorber son gonflement, à assurer davantage de croissance durable. Sans compter, et c’est le plus important, que le budget 2004 ne comprend aucun des engagements contractés auprès des pays donateurs lors de la conférence de Paris II », a-t-il déploré. « Où en sommes-nous aujourd’hui dans nos engagements à l’égard de la communauté internationale », s’est demandé Bassel Fleyhane, avant de souligner que le but ultime de Paris II est d’arriver à un équilibre du budget en 2006. « Sauf que les tiraillements politiques nous ont malheureusement éloignés de ce but. Aujourd’hui, nous avons des ministres qui se vantent d’avoir économisé quelques millions de dollars au Trésor, alors que nous devons faire face à deux milliards de dollars de déficit. Nous ne sommes pas contre le fait d’économiser de l’argent et de maîtriser les dépenses, mais pas au détriment de la ligne économique générale ni au détriment du règlement du problème fondamental dont pâtissent les finances publiques. » Pour lui, le projet de budget 2004 « est la preuve par neuf que la vision qu’a le pouvoir exécutif de l’économie nationale et la solution qu’il a envisagée pour régler le problème économique condamnent purement et simplement les effets de Paris II et ses répercussions positives sur l’économie du pays. Le problème fondamental est simple : nos façons de concevoir et de gérer l’économie libanaise sont radicalement opposées. Quelle économie souhaitons-nous et quelle politique économique suivons-nous ? Le désaccord à propos de tout cela engendre des décisions arbitraires qui nous ramènent bien loin en arrière », a poursuivi Bassel Fleyhane, qui s’est répandu en exemples : « Nous ne pouvons pas défendre la politique du ciel ouvert et en même temps renforcer et rendre plus strictes les demandes de visas d’entrée au Liban. Nous ne pouvons pas nous engager dans le cadre du partenariat avec l’UE et ensuite proposer d’annuler ces engagements. Il est illogique de se vanter de notre politique économique basée sur l’ouverture alors que bon nombre de secteurs productifs continuent d’être gérés par l’État. Nous ne pouvons pas continuer à assurer que l’initiative personnelle et la simplification du quotidien du secteur privé sont au cœur de nos priorités alors que le secteur public continue de prendre du volume et constitue un obstacle de taille pour le secteur privé... ». Et tout est à l’avenant. « Nous regrettons de voir que certains membres du gouvernement essaient de justifier le non-respect du Liban des engagements contractés lors de Paris II, en prétendant que ces promesses et leur application n’aideront pas le pays à sortir de sa crise financière. Nous regrettons que ces propos soient tenus par de grands responsables qui participaient au Conseil des ministres, au cours duquel a été présentée la “feuille de route” du Liban à Paris II : ils l’ont lue et approuvée. Nous regrettons également de voir ces responsables installés au gouvernement douter de l’efficacité des réformes comprises dans cette “feuille de route”, qui avait reçu l’approbation des chefs d’État et de gouvernement arabes et étrangers, ainsi que celle des experts économiques de haut niveau », a tonné l’ancien ministre. Qui a aussi estimé ques les efforts constants de Fouad Siniora visant à comprimer « le plus possible » les dépenses « peuvent contribuer à réduire la dépense publique dans son ensemble jusqu’à un volume inférieur aux crédits adoptés » par le budget. Signalons qu’au cours de l’intervention de Bassel Fleyhane sur Paris II, Nabih Berry l’a interrompu pour affirmer que « personne n’avait prétendu que Paris II n’a pas été une étape positive et importante. Sauf que nous n’avons pas su profiter, et cela est bien bête, des résultats escomptés par cette conférence », a regretté le n° 2 de l’État. Le Mur des lamentations De loin le plus virulent, le député de Batroun, Boutros Harb, a tout de suite mis le couteau dans la plaie. « Contrairement aux années précédentes au cours desquelles nous débattions des orientations économiques et financières du gouvernement, et du bilan de l’année écoulée, nous n’avons cette année qu’un inventaire des recettes et des dépenses prévues pour 2004. Le gouvernement traite la Chambre des députés comme si elle était un Mur des lamentations : il pleure son échec, pleure le ratage monumental de cette opportunité historique qu’a été Paris II, (...), invoque, à l’instar du ministre des Finances, des circonstances politico-sociales qui ont empêché la mise en marche des réformes pour lesquelles le gouvernement s’était engagé auprès des pays donateurs », a-t-il asséné. « Quel drôle de gouvernement... Comme si la crédibilité et la réputation du Liban, son respect des engagements contractés, étaient choses futiles. Le gouvernement entend très bien les plaintes formulées un peu partout sur sa politique et son incapacité à tenir ses promesses. Et malgré cela, il continue de se noyer dans ses conflits internes, sans pouvoir se mettre d’accord sur un seul dossier, sans réussir, la plupart du temps, ne serait-ce qu’à se réunir. Je me demande bien comment ce gouvernement arrive à se justifier auprès du FMI, de la Banque mondiale, de l’UE, des pays donateurs... », s’est demandé le bouillonnant député. Boutros Harb va ensuite plus loin et pose toute une série de questions dont il a le secret. « Qui est-ce que le ministre des Finances critique dans son rapport sans oser le nommer ? Est-ce que le programme du gouvernement comportant les réformes promises au cours de Paris II, a-t-il été débattu ? Si oui – et il semble bien que oui – quelles raisons ont poussé la majorité du gouvernement à refuser les propositions du Premier ministre et du ministre des Finances faites en Conseil des ministres ? » Il dresse ensuite un véritable état des lieux : « Le président de la République et le Premier ministre sont incapables de s’entendre sur n’importe quel sujet, et cela a atteint des proportions personnelles : ils sont désormais incapables de gérer leur propre conflit. De plus, chacun des deux hommes a une logique, une conception de la chose publique et de l’intérêt général, une mentalité, une méthode, différentes. Rien ne les réunit, à part les circonstances cruelles et la volonté syrienne. Comment est-il possible que les responsables continuent à supporter tout cela et à se cramponner au pouvoir malgré tous les dommages qu’ils infligent au pays ? » s’est -il demandé. Boutros Harb demande ensuite à Fouad Siniora si ce qu’il entend par « amélioration du climat politique capable d’engendrer une circonstance adéquate « pour des réformes et un sursaut économico-financier équivaut à dire que le ministre des Finances « attend la fin du mandat, le changement de président de la République et l’arrivée au pouvoir d’un homme qui adopterait son programme, conditions incluses ». Il lui demande si l’adjudication du cellulaire qui a permis aux plus grands opérateurs du monde de participer et de gagner « n’est pas une circonstance adéquate ». Il lui demande si les réformes doivent impliquer un « oui » inconditionnel à la privatisation, sans la prise en compte des conditions que cette opération impose. Il lui demande s’il n’estime pas avoir transformé les réformes en « outil de provocation ». Il lui demande enfin s’il pense réellement s’être innocenté en affirmant que le chef de l’État et le gouvernement sont également responsables de l’augmentation de la dette publique. Boutros Harb dresse enfin un impitoyable constat d’échec des gouvernements Hariri : échec de l’entente nationale, mise en place d’une fédération d’» influents qui se partagent le fromage de l’État », implosion des institutions et des administrations, politique « mégalomaniaque » de reconstruction, absence de toute politique de développement, généralisation du clientélisme, etc. Quant à l’ancien président de la Chambre, Hussein Husseini, il a souligné, au cours d’un discours-fleuve un tantinet déconstruit, que la schizophrénie politique et confessionnelle dont souffre le pays a détruit les assises de l’État.
Comme une lettre à la poste. Le Parlement a adopté hier à 67 % des voix le projet de budget 2004 avec un déficit de 36,6 %, supérieur à celui de 2003 (26,08 %). Les dépenses s’élèvent à 6,23 milliards de dollars et les recettes à 4,56 milliards de dollars ; quant au service de la dette, il accapare à lui seul 47 % des dépenses budgétaires. La dette du Liban avoisine les...