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Rencontre - Le président du Parlement belge confie ses impressions libanaises à un groupe de journalistes De Croo : Toutes les parties sont attachées à l’équilibre actuel, quelles que soient les réalités démographiques

En dépit de l’heure matinale, les journalistes mal réveillés (moi en l’occurrence) sont vite sortis de leur léthargie, tant les propos du président du Parlement belge étaient passionnants, loin de la langue de bois habituelle des responsables locaux et de leurs hôtes officiels, en général. Au bout d’une visite de près de trois jours à Beyrouth, au cours de laquelle, avec la délégation qui l’accompagne et qui est composée des différents courants au sein du Parlement belge, il a rencontré les responsables, les groupes parlementaires et des hommes d’affaires, M. Hermann De Croo a reçu les journalistes autour d’un petit déjeuner où les paroles ont avantageusement remplacé les nourritures terrestres. Un bilan percutant où la sincérité des propos témoigne d’un réel intérêt pour le Liban et les pays de la région. La priorité étant donnée aux journalistes libanais, leurs collègues ont dû s’asseoir à une autre table, quitte à brancher leurs enregistreurs. Très en forme et en verve, M. De Croo, siégeant sans interruption depuis 36 ans au Parlement belge, dont il est actuellement le président et plusieurs fois ministre, a commencé par exposer le contexte de son voyage. Principal promoteur dans son pays de ce qu’on appelle la « diplomatie parlementaire », qui dérange parfois les diplomates de carrière mais donne certainement une impulsion aux échanges internationaux, puisque les parlementaires sont en contact avec les différents groupes au sein des parlements d’autres pays, M. Hermann De Croo explique ce que sont, selon lui, les principales fonctions du Parlement : légiférer, contrôler l’action du gouvernement et la fonction budgétaire, et développer les échanges internationaux. Bruxelles devenant de plus en plus une capitale internationale puisqu’elle abrite plus d’ambassadeurs que Washington et que l’on y parle 104 langues, il est facile d’y nouer des relations internationales. Le conflit israélo-palestinien, une cause centrale Mais en plus de ce contexte favorable, le Parlement actuel s’intéresse particulièrement au Moyen-Orient et aux pays où l’islam joue un rôle important. C’est pourquoi des délégations parlementaires se sont déjà rendues en Égypte, en Arabie saoudite, au Maroc, en Tunise, en Algérie et en Iran. Aujourd’hui, la délégation est au Liban, avant de se rendre en Syrie, et M. De Croo s’empresse de préciser qu’il ne faut voir dans ce circuit qu’une question géographique. L’objectif de ces visites étant de mieux comprendre la situation et de voir ce qui peut être fait pour faire avancer la paix. En Iran par exemple, la délégation du Parlement belge a clairement appuyé le courant réformateur et M. De Croo reste convaincu que son recul actuel n’est que temporaire. De tous ces voyages dans les pays de la région, M. De Croo et ses compagnons ont dégagé l’impression générale que le conflit israélo-palestinien reste la cause centrale toujours évoquée en premier par les responsables et par les représentants des courants d’opposition. Parfois même, la délégation belge a eu le sentiment que ce problème est évoqué pour justifier l’inertie des responsables et est ainsi utilisé comme alibi pour bloquer des réformes qu’au fond ils ne souhaitent pas. M. De Croo affirme d’ailleurs avoir tenu ce langage à certains responsables arabes qu’il a déjà rencontrés et qu’il continuera à le faire s’il l’estime nécessaire. On l’aura compris, le franc-parler n’est pas la moindre des qualités de M. De Croo. À l’issue de ses entretiens avec les responsables libanais (MM. Lahoud, Berry, Hariri et Obeid), sans oublier les groupes parlementaires – sauf celui du Hezbollah, mais c’est un hasard, précise l’ambassadrice, Mme Françoise Gustin –, le président du Parlement belge déclare avoir senti que le Liban est et se veut différent des autres pays arabes. « Il y a un travail d’autolibanisation, surtout auprès des émigrés, pour que le Liban reste différent », affirme-t-il, ajoutant toutefois que les Libanais ont l’ambition d’être un pont, mais entre quoi et quoi, ce n’est pas très clair, selon lui. Si les Palestiniens ont des passeports, cela facilitera la solution Avec ses interlocuteurs libanais, il a bien sûr évoqué les liens, volontaristes ou non, avec la « grande sœur syrienne », mais il a surtout été impressionné par la volonté absolue de toutes les parties de préserver l’équilibre actuel, en dépit des réalités démographiques. Pourtant, si on ajoute le facteur palestinien, on ne pourra plus cacher ces réalités. Malgré cela, cette volonté est louable. Au sujet de la situation des Palestiniens, M. De Croo se déclare surpris de la façon dont ils sont traités dans les camps. Il comprend toutefois la position des Libanais qui considèrent que tant que les camps existent, il faut garder la présence militaire syrienne, afin d’éviter les débordements. Il affirme avoir senti chez les responsables un souhait que les Palestiniens obtiennent un passeport, auquel cas ils seront traités au Liban comme les autres frères arabes. M. De Croo reconnaît ne pas avoir été vraiment convaincu par la thèse qui veut que si l’on résout le conflit israélo-palestinien, cela mettra un terme au terrorisme, celui-ci ayant, selon lui, d’autres bases. À l’issue de son séjour au Liban, quatre idées principales lui restent en tête : d’abord, le Liban est un pays singulier, unique dans cette partie du monde, et il faut l’encourager à le rester. « Même si certains procédés nous paraissent peu clairs, et nous pouvons avoir des réserves sur certaines attitudes, nous pensons qu’il s’agit d’une expérience unique, qui a surmonté avec brio une guerre civile, et qu’il faut la poursuivre », ajoute-t-il. Ensuite, la délégation belge a perçu chez ses interlocuteurs libanais une grande sincérité dans la recherche d’une solution au conflit israélo-arabe. La troisième idée qui ressort des entretiens avec les Libanais est que le Liban ne peut pas survivre seul, sans une influence, proche ou lointaine. « Dans le monde globalisé, les autorités souveraines n’existent plus, précise M. De Croo. Et les petits pays, la Belgique en sait quelque chose, doivent toujours négocier plus que les autres. » Attirer autant de capitaux, c’est un signe d’optimisme Enfin, M. Hermann De Croo affirme avoir été impressionné par les projets de construction. « C’est quand même un immense symbole d’optimisme de pouvoir attirer autant de capitaux, dans une ville qui, il n’y a pas si longtemps, était encore en guerre. » Aux journalistes qui veulent savoir si l’échéance présidentielle a été évoquée au cours des entretiens avec les responsables libanais, M. De Croo répond avoir senti chez les députés qu’il sera très difficile d’obtenir l’accord des deux tiers d’entre eux pour voter un amendement de la Constitution. Ce qui fait dire à un journaliste que, comme il se rend à Damas, c’est sans doute là-bas qu’il pourra obtenir l’avis des deux tiers des députés. M. De Croo ne se laisse pas entraîner dans des polémiques. Il veut surtout comprendre pour aider. Il reconnaît que son pays a en partie cédé aux pressions américaines, mais surtout aux pressions internes, pour modifier la loi sur la compétence universelle des tribunaux pour juger les crimes de guerre, car, dit-il, « si on veut être le justicier du monde, il faut en avoir les moyens. Or, nous nous sommes retrouvés face à des situations incroyables dans l’impossibilité de vérifier les faits, etc. ». Ce qui l’intrigue le plus, c’est la raison pour laquelle les Arabes se sentent humiliés par les développements du conflit israélo-palestinien, mais il reconnaît avoir entendu un son de cloche tout à fait différent de ce qu’on entend généralement en Europe ou aux États-Unis, notamment sur la distinction entre le terroriste et le résistant. Bref, son bilan est plutôt positif, les entretiens ayant permis un échange sincère et franc. Dans l’espoir de relancer un jour pas si lointain un processus de paix à l’agonie et, en attendant, d’aider à la réalisation de réformes. « Peut-être faudrait-il cesser de dire aux Arabes qu’ils doivent changer, sinon ce sera le chaos », lance-t-il en guise de conclusion. Les Libanais ont reçu le message. Mais sera-t-il entendu par les décideurs de ce monde ? Scarlett HADDAD
En dépit de l’heure matinale, les journalistes mal réveillés (moi en l’occurrence) sont vite sortis de leur léthargie, tant les propos du président du Parlement belge étaient passionnants, loin de la langue de bois habituelle des responsables locaux et de leurs hôtes officiels, en général. Au bout d’une visite de près de trois jours à Beyrouth, au cours de laquelle,...