CITOYEN GROGNON Député smicard ? Louable initiative !

Trois députés bulgares ont vécu pendant une semaine avec le salaire minimum hebdomadaire équivalent à 16 euros. Au terme de leur expérience, jugeant leur condition humiliante, ils ont décidé de faire des propositions en faveur de leurs compatriotes les plus modestes. Louable initiative ! Nos responsables penseraient-ils entreprendre une telle action et vivre au salaire minimum, autrement dit à 300 000 LL par mois, l’espace d’une toute petite semaine... ou même d’un seul jour ? Pourquoi ne pas essayer ? Ne serait-ce qu’en pensée ? Juste pour se mettre un tout petit peu dans la peau du citoyen le plus démuni. Avec 300 000 LL par mois, plus question de payer le mazout pour chauffer la belle villa cossue, l’électricité pour rafraîchir la résidence d’été, l’essence pour alimenter la voiture flambant neuve, le chauffeur de monsieur, « la Philippine » de madame ou les petits voyages à Paris pour se ressourcer. Avec 300 000 LL par mois, la belle paire de chaussures italienne, la chemise française de grande marque, le costume taillé sur mesure et le téléphone portable dernier cri devront attendre des jours meilleurs. Avec 300 000 LL par mois, adieu les restaurants « in » du centre-ville, les week-end à Faqra et les salles de spectacles dans toute leur splendeur. Avec 300 000 LL par mois, pas moyen d’envisager la meilleure école pour les enfants. L’école publique du quartier sera amplement suffisante. On la trouvera même excellente, faute de mieux ! Avec 300 000 LL par mois, seule une ampoule de 60 watts éclairera la veillée familiale. Quant aux menues emplettes, c’est à pied qu’il faudra les faire, soi-même, au pas de course, pour avoir le temps de retourner faire son ménage. C’est aussi de fripes achetées au marché du dimanche ou généreusement offertes par un riche bienfaiteur qu’il faudra se vêtir. Tant pis si les chaussures sont trop grandes, si le costume est dépareillé, les cols râpés ou les chemises rapiécées. Côté loisirs, la télévision deviendra le passe-temps favori, si télévision il y a, alors que les parties de cartes avec les voisins reprendront leur saveur d’antan. Mais avec 300 000 LL par mois, faudrait-il encore pouvoir se nourrir ! C’est de pain sec et d’eau que seront agrémentées les pauses de nos smicards parlementaires, les petits fours étant évidemment hors de prix... Quant au café ou au jus, n’en parlons pas ! Avec 300 000 LL par mois, le smicard ne peut, à longueur d’année, que se nourrir de lentilles, de fèves et de pain, de fruits et légumes « dernier choix », sans vraiment assouvir sa faim. Le smicard, c’est sans arrêt qu’il tire le diable par la queue, et non simplement l’espace d’une semaine, d’un jour ou d’une pensée... Anne-Marie EL-HAGE