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Actualités - interview

Interview - Le secrétaire général de l’Alde procède à une évaluation des municipales Ziyad Baroud : « Une loi électorale qui ne gère pas le pluralisme est anticonstitutionnelle »

Depuis peu, Ziyad Baroud est secrétaire général de l’Association libanaise pour la démocratie des élections (Alde). Une ONG réputée pour sa crédibilité, au niveau du suivi et de l’évaluation du processus électoral en fonction de normes bien établies : celles de la démocratie et des droits de l’homme. L’association prépare d’ailleurs un rapport sur les dernières élections. Selon M. Baroud, la tenue des élections municipales était en elle-même un point positif, dans la mesure où la périodicité de ces élections n’a pas été respectée entre 1967 et 1997. Dans ce cadre, il insiste sur un point précis, à savoir la nécessaire mise au place progressive, selon lui, d’une véritable culture de la participation. « Les Libanais, précise-t-il, ont intérêt à cumuler les expériences électorales. La preuve, c’est que les violations en 2004 étaient de loin plus réduites que lors des échéances de 1996 ou de 2000. Cela est dû principalement à un cumul d’expérience électorale, qui a permis aux Libanais de se tenir au courant du déroulement technique des élections, même si les choix politiques ne sont pas encore suffisamment bien fondés. » Et s’il faut distribuer des satisfecit, c’est aux Libanais, forces politiques, citoyens, et ministère de l’Intérieur confondus, qu’il faudrait le faire, dit-il, déplorant toutefois le foisonnement d’irrégularités qui a précédé le scrutin proprement dit. Parce que, selon le secrétaire général de l’Alde, les irrégularités se sont déroulées en grande majorité durant la campagne électorale. La loi électorale et le testament de Chamseddine Ziyad Baroud commence par évoquer la tare principale du processus électoral: la loi électorale, et tout particulièrement le découpage administratif. « Il faut savoir, déclare-t-il, qu’au niveau des municipalités, la loi en vigueur est une combinaison de deux textes législatifs : la loi municipale et la loi électorale, notamment au niveau de la procédure et du déroulement des élections. Au niveau de la loi municipale, les textes qui ont trait au déroulement de la campagne ne sont pas nombreux. Par contre, ils sont importants au niveau du découpage administratif. Et, dans des cas comme celui de Beyrouth, cela fait toute la différence. C’est la loi municipale qui fait que la capitale est considérée comme une seule circonscription électorale. Alors qu’en l’an 2000, pour les législatives, la loi électorale a divisé Beyrouth en trois circonscriptions. Il était d’ailleurs particulièrement aberrant de voir, au niveau municipal, une seule circonscription très large, alors qu’au niveau législatif, les circonscriptions étaient plus réduites ! Il s’agit d’une double aberration au niveau politique et au niveau technique », indique-t-il. « Le mieux aurait été d’aller dans le sens d’une division axée sur les douze quartiers historiques de Beyrouth, qui permet une meilleure représentation. La loi municipale, et la loi électorale, en général, ont une seule fonction, une seule finalité : aboutir à une meilleure représentation. La démocratie ne signifie plus actuellement le gouvernement de la majorité, celui du nombre. Au contraire, la démocratie est devenue participative. Elle invite le plus de citoyens possible et le plus de corps politiques ou confessionnels à se sentir impliqués dans la gestion de la chose publique », précise M. Baroud. « Cela est tout à fait valable au Liban », dit-il, citant les dernières recommandations de l’imam Mohammed Mehdi Chamseddine, qui, après avoir plaidé durant des années en faveur de la démocratie numérique, avait fini par se rallier aux principes du consensualisme. « La traduction de cette idée de feu Chamseddine doit s’opérer au niveau d’une loi électorale équitable et représentative, souligne M. Baroud. Cela devait être le cas, notamment à Beyrouth, et pas uniquement au plan formel, en garantissant l’accès de douze chrétiens et de douze musulmans au conseil municipal, mais en permettant une représentation effective et réelle des factions présentes sur le terrain », ajoute-t-il. Depuis 1992, des élections plutôt illégitimes Qu’en est-il de la véritable frénésie qui gagné le pays au moment des élections concernant la nécessité de faire quasiment du consensus la norme et de la bataille l’anomalie ? « Le consensus n’est pas mauvais et antidémocratique tant qu’il est délibérément choisi, précise M. Baroud. Mais un consensus imposé n’en est pas un, à l’exemple de ceux imposés par les services de renseignements, les notables d’une région déterminée, par des pressions ou des menaces indirectes. Le principe même de la démocratie est de rendre le conflit civilisé, de doter le conflit de mécanismes pour, en quelque sorte, le gérer et le légitimer. À partir du moment où cette conception est annulée, le consensus devient une manière détournée d’empêcher les citoyens de s’exprimer par le biais des élections. » Le secrétaire général de l’Alde pense, par ailleurs, que la bataille réelle aurait dû être menée au niveau de la loi électorale. Le cas s’est posé à Beyrouth, notamment, où il aurait fallu mener une bataille au sujet de la loi plutôt qu’une bataille perdante d’avance, dit-il. « La bataille pour une loi électorale doit être menée au niveau national, surtout au niveau des législatives. Elle conditionne la gestion du pays durant quatre ans : elle produit le Parlement, lequel élit le chef de l’État, qui nomme à son tour le Premier ministre après des consultations, etc. Une loi électorale partiellement représentative a des incidences directes sur la gestion du pays. Et l’une des causes principales de la crise se situe au niveau d’une classe politique reproduite par elle-même. Ceux qui font la loi électorale constituent la majorité parlementaire, la même qui, en 1997, a choisi de proroger les conseils municipaux, dans l’esprit du pouvoir central », dit-il. Concernant l’échec des candidats chrétiens à Tripoli, M. Baroud déclare : « Il s’agit là de l’incidence du système de suffrage et du découpage électoral sur les résultats. La question qui se pose est la suivante : le Liban est un pays pluraliste, qui repose sur la diversité à tous les niveaux. Comment gérer ce pluralisme pour en faire une source de richesse, et pour éviter les conflits intérieurs, résultats d’une mauvaise gestion de ce pluralisme ? Toute loi électorale dont la finalité n’est pas la bonne gestion du pluralisme et la consécration de la démocratie participative doit être considérée comme anticonstitutionnelle, dans la mesure où elle viole l’alinéa (j) du préambule : “Tout pouvoir qui viole le pacte de coexistence devient illégitime”. » Ce qui équivaut à dire, pour lui, que, depuis 1992, toutes les élections sont « imprégnées d’irrégularités au niveau de la légitimité ». C’est pourquoi, notamment dans le cas de Tripoli, il vaut mieux adopter le système de la représentation proportionnelle, plus adapté à la réalité libanaise, ajoute-t-il. Et, au niveau législatif, cela correspond à l’adoption des petites circonscriptions. Le souvenir de la MTV En vrac, Ziyad Baroud évoque, en outre, les autres violations, au niveau de la campagne électorale, notamment la partialité de la plupart des médias dans la bataille, notamment « celle du Liban-Sud, où quasiment chaque chaîne avait ses préférences, avec une campagne nette et beaucoup d’agressivité ». Ce qu’il trouve étrange, dans la mesure où la MTV a été punie pour le même crime, la publicité électorale. « Les Libanais ont le droit de se demander pourquoi est-ce que cela est permis quelque part et interdit ailleurs. Cela ne fait qu’accentuer les frustrations », souligne-t-il. Il évoque également les dépenses et l’usage de l’argent électoral – « aides et assistances à des associations en masse un mois avant les élections » –, de sorte « qu’il était inutile qu’il y ait des violations le jour même du scrutin ». Il note quand même un chaos dans certaines régions où « tous les moyens étaient permis pour certaines parties », des problèmes au niveau de la livraison des cartes électorales et de l’utilisation de l’isoloir. M. Baroud déplore aussi « le grand laps de temps injustifié et inadmissible » qui a précédé les résultats des élections, plaidant en faveur de l’élection des présidents de municipalité au suffrage direct pour éviter les incidents, « d’autant que le président est doté de compétences importantes ». Estimant enfin que les résultats des municipales n’auront pas les répercussions que l’on croit sur les législatives, Ziyad Baroud évoque des critères de sélection différents et des différences au niveau du découpage des circonscriptions. Il pense que l’opposition doit repenser ses alliances et ses stratégies, et que les municipales constituaient peut-être un bon test avant les législatives. « C’est la lecture du terrain qui doit changer, et tenir compte des disparités au niveau des critères entre municipales et législatives », souligne M. Baroud. Et d’appeler tout au moins à un débat public sur la loi électorale : « Si elle va être importée, comme il est de coutume, la représentativité va demeurer bafouée, et les résultats des élections de 2005 seront viciés. » Michel HAJJI GEORGIOU
Depuis peu, Ziyad Baroud est secrétaire général de l’Association libanaise pour la démocratie des élections (Alde). Une ONG réputée pour sa crédibilité, au niveau du suivi et de l’évaluation du processus électoral en fonction de normes bien établies : celles de la démocratie et des droits de l’homme. L’association prépare d’ailleurs un rapport sur les dernières...