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Actualités - REPORTAGE

Ce qu’elles en pensent - FORUM DE LA FEMME ARABE

Elle n’a pas seulement une classe folle, elle a aussi la noblesse du cœur. Mme Mona Hraoui, Première dame du Liban pendant neuf ans, a marqué le mandat de son mari et l’image du Liban. Mais elle est aujourd’hui écartée de la commission nationale pour la femme libanaise, qu’elle a pourtant contribué à fonder, alors qu’elle s’appelait encore le comité national, né à la suite du sommet de Pékin auquel Mme Hraoui avait participé. Pourtant, elle se garde bien de montrer de l’amertume ou de critiquer l’actuel forum. Elle continue simplement à militer, dans le cadre du Chronic Care Center et des nombreuses associations locales et internationales dont elle est membre, toujours aussi impliquée dans ce qui touche à l’évolution des mentalités et aux droits de la femme et de l’enfant. Mme Mona Hraoui, ancienne Première dame du Liban Q. : Lorsque vous étiez Première dame, on n’entendait pas beaucoup parler des droits de la femme... R. : « Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Je crois plutôt que nous avons été des pionnières. En fait, tout a commencé avec le sommet de la femme qui s’est tenu à Pékin, en 1995. J’ai d’ailleurs prononcé un discours dans ce sommet, initialement prévu en arabe, mais qui a été traduit en anglais, pour que je sois bien comprise. Il s’agissait là de la première action collective en faveur de la femme. Et, dès lors, chacune des participantes a commencé à travailler dans son pays. Ce n’était pas évident car il n’y avait pas encore une grande mobilisation dans ce domaine de la part des États arabes notamment. Au Liban, nous avons formé un comité national pour la femme, chargé de dresser d’abord un état des lieux, puis de définir les priorités. Plusieurs ateliers de travail ont été créés et nous avons voulu que ce comité devienne une institution, avec un statut pour les membres, un siège et un fonds spécial. Cela a été accompli et nous avons remis à nos successeurs un siège que la commission occupe toujours et la somme de 200 000 dollars dans les caisses. C’est grâce à notre comité que la femme a obtenu certains acquis, notamment la possibilité d’ouvrir seule un commerce, sans l’autorisation de son époux, ou de son père. Je suis en fait convaincue que la femme ne devrait pas avoir besoin d’autorisation pour travailler et étudier. Je constate d’ailleurs qu’il y a de plus en plus une prise de conscience à ce sujet chez les gens de condition modeste. Ce qui constitue un grand pas en avant. Il y a certes beaucoup à faire encore, surtout que la femme doit toujours déployer plus d’efforts que l’homme, pour que ses compétences soient reconnues. Je suis, bien sûr, un peu triste de voir qu’on cherche à occulter notre rôle. Pour moi, le pouvoir est une continuité et ce serait tellement plus utile de ne pas devoir à chaque fois faire comme si on commençait de zéro. Mais je souhaite de tout cœur que ceux qui nous ont succédé fassent mieux que nous. » Q. : On a l’impression qu’au sein de ce forum les interventions restent théoriques, loin des problèmes réels des femmes… R. : « Je ne suis pas de près les travaux de ce forum, mais je crois que le rôle de la commission est d’aller sur le terrain chez les femmes dans les milieux défavorisés et dans les coins reculés, puisque ce sont elles qui ont le plus besoin d’aide. Il est important que les ONG coopèrent étroitement avec la commission officielle. Dans ce domaine, il y a tant à faire qu’il faudrait que tous les efforts se conjuguent ensemble. À mon avis, ce forum est quand même très important, puisqu’il permet à chaque délégation qui y participe d’exposer son expérience et les échanges ne peuvent être que profitables. » Q. : Lorsque vous étiez Première dame, aviez-vous essayé de faire nommer une dame ministre ? R. : « J’ai tout fait pour obtenir la nomination d’une femme à un poste ministériel, notamment aux Affaires sociales ou à la Santé. Mais j’ai échoué. Je dois malheureusement reconnaître que le système continue de reposer sur des considérations familiales et qu’on continue à ne pas avoir une vision précise de l’égalité entre l’homme et la femme. Même lorsqu’une femme est performante, elle se heurte rapidement à des obstacles et se rend compte qu’il y a des limites qu’elle ne pourra pas franchir. Ce n’est pas seulement le cas dans le monde arabe. Regardez comment Mme Hillary Clinton est combattue. Mais, ici, les femmes le ressentent plus. Pour avancer, elles ont besoin de l’appui des hommes. Moi-même, si mon époux ne m’avait pas appuyée, je n’aurais rien pu faire. Mais, en définitive, dans n’importe quelle contrée du monde, l’homme a toujours besoin de se sentir supérieur. C’est à la femme de savoir doser son action. » Myrna Bassil Khalifé, mère et journaliste Q. : En tant que femme, vous sentez-vous concernée par les réunions du forum sur la femme arabe et les conflits armés ? R. : « Sincèrement, non. Je suis d’ailleurs en train de lire les grands titres des journaux sur le sujet sans pousser plus loin. Le thème choisi me paraît restrictif. C’est vrai qu’il y a une guerre en Palestine et en Irak, sans parler du Soudan, mais la condition de la femme ne dépend pas seulement de ces situations exceptionnelles. Même dans les pays où il n’y a pas de guerre au vrai sens du terme, la femme n’a pas les mêmes droits que les hommes. Au Liban, par exemple, le nombre de femmes au Parlement ou dans les postes importants, administratifs ou autres, est dérisoire. Ce qui signifie qu’il y a bien un problème quelque part. Même au niveau de la loi, la femme est privée de droits essentiels. Une mère par exemple ne peut ouvrir un compte en banque pour son enfant sans l’approbation de son mari. Si, par malheur, il arrivait quelque chose à ce dernier, la femme n’a pas la tutelle de son enfant qui revient à un homme du côté de la famille de son mari, qu’il s’agisse du grand-père ou de l’oncle. C’est quand même terrible. Même si, sur le plan du crime d’honneur ou de l’annulation de l’autorisation obligatoire du mari lorsque son épouse doit voyager, les choses ont un peu évolué. Je n’ai pas eu l’impression que ces thèmes-là qui m’intéressent aient été au cœur des débats. » Q. : Pensez-vous que le forum s’est transformé en concours d’élégance entre Premières dames ? R. : « Non, je ne le crois pas. C’est normal après tout que les Premières dames soient élégantes. Elles sont l’autre visage de leur pays et ont accès aux beaux vêtements. Je n’y vois rien de répréhensible. De plus, les Premières dames sont toujours élégantes, qu’il y ait ou non un forum. C’est aussi leur devoir. Je souhaite simplement que leur présence n’occulte pas les vrais problèmes de la femme. » Scarlett HADDAD
Elle n’a pas seulement une classe folle, elle a aussi la noblesse du cœur. Mme Mona Hraoui, Première dame du Liban pendant neuf ans, a marqué le mandat de son mari et l’image du Liban. Mais elle est aujourd’hui écartée de la commission nationale pour la femme libanaise, qu’elle a pourtant contribué à fonder, alors qu’elle s’appelait encore le comité national, né à...