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Sur les Campus La parole aux étudiantes : engagées ou désintéressées ?

Bon nombre de voix – surtout féminines – se sont élevées, à la suite de la table ronde organisée par L’Orient-Le Jour entre les étudiants de l’Université Saint-Joseph (USJ) et de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et publiée dans notre numéro en date du mercredi 24 mars, pour dénoncer l’absence des étudiantes au débat. Critique totalement justifiée, du reste, et ce même si nous avions réclamé la présence de jeunes engagées... lesquelles nous ont malheureusement posé un lapin le jour de la table ronde. Quoi qu’il en soit, pour faire amende honorable, il était nécessaire de réserver un espace pour permettre à une poignée d’étudiantes, dont certaines ont assumé des fonctions de responsabilité au niveau estudiantin, de répondre à une question qui se pose d’elle-même : les étudiantes participent-elles assez à la vie publique, tout particulièrement sur la scène estudiantine ? Et si ce n’est pas le cas, quelles sont les raisons de ce désintérêt, de ce désengagement ? Pour Nada Doumit, ex-étudiante, diplômée en droit à l’Université La Sagesse et aujourd’hui avocate stagiaire, « les jeunes femmes ne participent pas suffisamment à la vie estudiantine ». À ses yeux, il ne s’agit pas d’un phénomène exceptionnel, dans la mesure où « la scène estudiantine est à l’image de la société ». « Il n’y a pas de ministres femmes », indique-t-elle, à titre d’exemple. « C’est très bizarre, mais j’ai l’impression que les femmes s’attendent à être “désignées”, “nommées”. Elles ne prennent pas l’initiative, mais préfèrent attendre. C’est parfois un homme qui les entraîne dans la sphère politique. J’aurais préféré qu’elles soient plus énergiques dans ce sens », souligne-t-elle. « Les femmes s’engagent peut-être pour être reconnues », ajoute Mlle Doumit. « Reconnues. » En d’autres termes, il y a le regard d’un « autre » qui pèse dans la balance. Et cet autre serait l’homme, auquel la norme sociale aurait réservé la chose publique. Pour sa part, Rana Salem, étudiante an audiovisuel à l’Académie libanaise des beaux-arts (Alba), se garde de généraliser. « C’est très relatif, cela dépend des domaines. Les femmes sont très actives généralement dans le domaine privé. Dans le cadre des manifestations, les femmes participent autant que les hommes. Mais il est vrai qu’elles ne prennent pas trop souvent l’initiative. Ce sont surtout les hommes qui prennent les choses en main », dit-elle. Mais Mlle Salem reconnaît qu’en raison du domaine qu’elle a choisi au niveau des études, elle n’est pas très en contact avec la politique. Ce qui ne l’empêche pas bien évidemment d’avoir ses opinions sur les événements qui se produisent. Marilyn Jallad, actuellement étudiante en DESS d’information et communication, a été vice-présidente du bureau de l’amicale estudiantine des sciences humaines en 2001-2002. Elle affirme que son engagement découle surtout de sa personnalité, de son caractère. Selon Mlle Jallad, les étudiantes ne sont très souvent que « ponctuellement engagées », même si elle affirme qu’elles étaient présentes au sein de l’amicale et que certaines d’entre elles étaient partisanes. Marilyn Jallad explique que le désengagement des jeunes femmes découle surtout de facteurs socioculturels et éducatifs. « Très souvent, les filles ne reçoivent pas une éducation politique. On est dans un pays où les femmes sont encore un peu soumises », dit-elle. « Mais elles ont souvent d’autres soucis », ajoute-t-elle, en toute franchise. Marianne Béchara, diplômée en droit de l’USJ, rappelle qu’elle a été « la première étudiante à être élue au sein d’une amicale politique à l’USJ depuis la reprise des activités estudiantines », en 2000-2001. « Depuis, la situation a évolué. Les femmes participent plus qu’avant. Chaque année, il y a des élues au sein des amicales », précise-t-elle. Cependant, Mlle Béchara évoque elle aussi le problème de la vision de la femme au sein de la société. « Parce que nous vivons dans un milieu oriental, on s’imagine que la femme n’a pas la sagesse nécessaire pour prendre des décisions. Par ailleurs, on a tendance à penser qu’elle ne pourra pas s’imposer et donc revendiquer les droits des étudiants. Enfin, elles doivent accomplir un double effort, puisqu’elles doivent aussi s’imposer par rapport aux hommes », affirme-t-elle. Dans cette optique, les hommes deviennent l’obstacle principal à une plus grande implication de la femme au plan politique, notamment au niveau estudiantin. Pour Rana el-Khoury, étudiante en DEA à l’institut de sciences politiques, qui a beaucoup travaillé sur la question de l’égalité des sexes, la participation des étudiantes est insuffisante, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. « Cela est clairement perceptible dans les manifestations, dans les réunions politiques. Les femmes ne sont pas assez politisées, elles ne s’intéressent pas assez à la politique. Cela passe pour être une affaire d’hommes. Au niveau de la société, il y a eu, avec le temps, une masculinisation de la politique. À tel point que les filles pensent désormais qu’elles n’ont plus rien à faire dans ce domaine de prédilection des hommes. Et pour cause : les figures politiques qui ont fait l’histoire du Liban sont, dans la conscience collective, tous des hommes. La socialisation s’est faite dans ce sens. Le modèle politique est masculin », affirme-t-elle. Analyse qui n’est pas démentie par les faits. En effet, on peut arguer que, indépendamment de leurs qualifications, si Myrna Boustany, Nayla Moawad, Bahia Hariri, Nouhad Souhaid, Sethrida Geagea, Solange Gemayel ou Gina Hobeika ont joué ou jouent actuellement un rôle politique, c’est bien parce qu’elles ont pris le relais d’un homme, le plus souvent de leur époux. L’initiative de Nayla Moawad de se porter candidate à la présidence de la République pourrait-elle provoquer une évolution au niveau des consciences ? « Cette initiative est très bonne. Il faut que les femmes se jettent dans l’arène. Mais je ne sais pas si cela peut réellement susciter un changement. Son statut de femme fait qu’elle n’est pas assez prise au sérieux. Pourtant, son discours est aussi bon que celui d’un Boutros Harb ou d’un Nassib Lahoud. Quelle que soit sa qualité, elle ne pourra pas aller de l’avant, en raison des préjugés négatifs : les Libanais ne sont pas assez disposés à accorder un crédit à une femme », répond Rana el-Khoury. Réalisme ou pessimisme ? Il appartient aux femmes de juger et, partant, de réagir. Michel HAJJI GEORGIOU
Bon nombre de voix – surtout féminines – se sont élevées, à la suite de la table ronde organisée par L’Orient-Le Jour entre les étudiants de l’Université Saint-Joseph (USJ) et de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et publiée dans notre numéro en date du mercredi 24 mars, pour dénoncer l’absence des étudiantes au débat. Critique totalement justifiée, du...