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Actualités - CHRONOLOGIE

Municipales - À Beyrouth, les positions demeurent floues, même si la tendance est à la bataille Face à la liste Hariri, une opposition encore en rangs désunis

À près de 40 jours des élections municipales, rien n’indique encore que la capitale s’oriente vers une bataille décisive. Excepté quelques candidats à la fonction de moukhtar, qui proposent aux électeurs, en guise de programme, leur opposition au projet du Grand Moyen-Orient (rien de moins...), les campagnes semblent plutôt calmes, comme si toutes les parties – et elles sont nombreuses à Beyrouth – attendent un mot d’ordre qui tarde à venir. La question cruciale est en fait la suivante : faut-il partir en guerre contre le président du Conseil, Rafic Hariri, et jusqu’où peut-on aller dans ce sens ? S’agit-il de réduire son influence ou de le défaire carrément – si c’est possible, bien sûr ? Les réponses à ces interrogations permettront aux différents groupes influents dans la capitale de fixer leur choix. À Beyrouth, il y a d’un côté Rafic Hariri et de l’autre presque tout le monde. Après le raz de marée dont il a bénéficié en 1998, avec le triomphe presque total de la liste qu’il avait parrainée dans les municipales, et en 2000 avec l’élection de tous ses candidats aux sièges parlementaires de la capitale, le président du Conseil s’est imposé comme le véritable leader de Beyrouth. Fort d’une popularité qui, malgré certaines rumeurs sur sa perte de vitesse, reste solide, il a choisi de rééditer l’expérience cette année. Prenant tout le monde de court, et alors que la date des élections municipales n’avait pas encore été fixée, il a proposé la reconduction de l’actuel conseil municipal (24 membres, 12 chrétiens et 12 musulmans, dont le président), sous prétexte qu’il est représentatif de toutes les parties, qu’il assure un équilibre confessionnel qui pourrait être compromis si la bataille est laissée ouverte et enfin, que l’équipe a bien fonctionné pendant les six années de son mandat. Les pôles éliminés souhaitent revenir sur scène Cette opinion ne fait pas l’unanimité dans les milieux politiques beyrouthins, notamment parmi ceux qui ont été éliminés de la scène par la victoire de M. Hariri. Les autres pôles sunnites de la capitale, en particulier l’ancien Premier ministre Sélim Hoss, et M. Tammam Salam, comptent donc opérer un retour, même si jusqu’à présent, ils n’ont pas réussi à s’entendre sur une liste commune. De même, certaines parties chrétiennes, notamment le courant aouniste, exclues de la liste d’entente parrainée par M. Hariri, comptent, elles aussi, se lancer dans la bataille, mais là aussi, les contacts vont bon train, même si rien n’a encore été conclu. Sur le terrain, les témoins sont catégoriques : la seule machine électorale qui bouge est celle de M. Hariri, qui a même donné l’ordre à ses députés de se lancer dans la bataille, en multipliant les meetings, aux côtés des membres actuels du conseil municipal. Celui-ci regroupe le courant de M. Hariri, évidemment, mais aussi un assemblage hétéroclite de grandes familles beyrouthines, un représentant du Hezbollah, un autre de la Jamaa islamiya, un représentant des Kataëb (avant l’effritement actuel), un autre des Forces libanaises, le tout négocié avec l’aide de l’ancien ministre des Affaires étrangères, M. Fouad Boutros. C’est donc la réélection de cette équipe que M. Hariri souhaite, pour éviter justement une bataille qui affaiblirait sa position à Beyrouth, car il n’est pas sans savoir que les Syriens ne souhaitent plus le voir en leader incontesté de la capitale et que les couleuvres avalées ces derniers mois au cours des Conseils des ministres successifs ont quelque peu terni sa popularité dans la rue sunnite. Sa démarche aurait pu soulager les différentes parties, elle n’a fait que provoquer la colère de certaines d’entre elles. Celles qui ont été éliminées de la scène politique souhaitent faire leur rentrée en profitant de la disgrâce (relative ?) du président du Conseil auprès des Syriens. D’autres estiment que l’équipe actuelle ne reflète plus tous les courants existants, sur la scène chrétienne notamment, et par conséquent, qu’elle doit être modifiée. D’autres encore considèrent inacceptable la menace lancée aux chrétiens, et selon laquelle une bataille électorale entraînerait forcément un déséquilibre confessionnel. D’autres enfin, et c’est sans doute l’élément le plus important, estiment que le conseil municipal actuel a montré les limites de son action en se soumettant entièrement à la volonté de M. Hariri, au lieu de tenir compte des intérêts des électeurs. Les municipales, un véritable défi démocratique Ce courant, qui regroupe d’importantes familles beyrouthines, cite en exemple la guerre larvée et stérile entre le mohafez de Beyrouth et le conseil municipal, qui a abouti à un blocage quasi total des mécanismes. Si, comme le dit le conseil actuel, la loi comporte des lacunes, pourquoi n’y avait-il aucun problème avec le mohafez précédent, Nicolas Saba, nommé à ce poste à la demande de M. Hariri lui-même ? C’est dire qu’en définitive, il ne s’agit pas d’une question de prérogatives, mais d’un problème de personnes. Pour ce courant, il est indispensable d’élire un conseil municipal dont l’allégeance irait aux électeurs et non à une personne, aussi importante soit-elle. L’échéance municipale est donc, dans ce cadre, un véritable défi démocratique que ce courant souhaite relever. Toutes ces forces aspirent donc, chacune pour des raisons différentes, à une bataille, qui aboutirait à l’affaiblissement du président du Conseil. Un affaiblissement d’autant plus important que M. Hariri a tenu à se présenter en leader beyrouthin, d’abord parce que la capitale est le cœur du pays et ensuite parce qu’il a fait du centre-ville l’épine dorsale de son projet. Mais comment mener une bataille contre un homme aussi puissant, qui a jeté tant de moyens dans la balance ? Toutes les forces souhaitant se lancer dans l’arène sont d’accord pour affirmer qu’elles n’ont aucune chance de marquer des points si elles ne s’unissent pas dans une même liste qui ferait face à celle de M. Hariri. Le problème, c’est qu’à cinq semaines de l’échéance, elles ne parviennent pas encore à s’entendre. Et le président du Conseil profite de leurs dissensions pour chercher à les diviser encore plus. M. Abdel-Hamid Fakhoury, candidat du Dr Hoss et le seul à avoir percé la liste Hariri en 1998, s’est rendu récemment auprès du président du Conseil, dans le cadre d’une tournée protocolaire auprès des responsables. Mais M. Hariri l’a exploitée différemment, tout comme il s’est empressé de rendre lui-même visite à son prédécesseur, M. Sélim Hoss, pour faire croire que ce dernier a été « récupéré ». Ce qui a obligé l’ancien président du Conseil à multiplier les démentis dans la presse. Sans trop de succès, l’impression générale restant celle d’un certain cafouillage. À côté de M. Fakhoury, on parle d’une éventuelle candidature de l’ancien président de l’Ordre des ingénieurs, M. Assem Salam. Personnalité respectée à Beyrouth, bénéficiant de l’appui de grands pôles de l’opposition, M. Salam donnerait certainement de la crédibilité à toute liste en gestation. Mais comme M. Fakhoury s’est déjà présenté en tête de liste, M. Salam devrait donc passer en second. Les efforts se concentrent aujourd’hui sur la nécessité de regrouper les deux hommes au sein d’une même liste, quitte à décider ultérieurement qui la présidera. M. Bachar Kouatly, héritier du respect dont jouissait son père, ancien secrétaire général de Dar el-Fatwa, et opposant indépendant, prône avec vigueur la liste unique face à celle de M. Hariri. Mais pour qu’elle voie le jour, il faudrait que beaucoup d’obstacles soient surmontés. Plusieurs inconnues et des susceptibilités Outre les susceptibilités entre M. Assem Salam et M. Abdel-Hamid Fakhoury, il y a aussi des divergences entre M. Salam et son cousin, Tammam bey. Ce dernier se déclare officiellement pour la bataille électorale, tout en affirmant ne pas avoir de candidat précis, mais il n’est pas d’accord avec certaines déclarations de son cousin. M. Assem Salam bénéficie de l’appui de Najah Wakim, du courant aouniste et, globalement, du Cénacle de l’action nationale, dont le président Hoss est le moteur. Malgré cela, il ne peut affronter la liste Hariri sans la participation de M. Abdel-Hamid Fakhoury, qui, en menant la bataille sur une liste séparée, puisera dans les voix de la seconde liste d’opposition. Il a aussi besoin de l’appui du Hezbollah, qui n’a pas encore décidé s’il maintiendra son candidat (membre de l’actuel conseil municipal) au sein de la liste Hariri ou s’il le retirera pour mener la bataille dans les rangs de l’opposition. La Jamaa islamiya, qui a jusqu’à présent apporté son appui à la liste Hariri, pourrait calquer sa position finale sur celle du Hezbollah, d’autant que la récente rencontre entre ses dirigeants et le président syrien Bachar el-Assad la pousse à modifier ses options. Il y a aussi l’inconnue Tachnag, qui officiellement se situe aux côtés de l’opposition, mais M. Hariri cherche à se rapprocher de ce parti. Sur le plan chrétien, la liste d’opposition, qui peut compter sur les voix des Kataëb de M. Pakradouni et sur celles des partisans de l’ancien député Michel Sassine, souhaiterait aussi obtenir celles de Kornet Chehwane. Mais l’entente sans cesse reportée entre le courant aouniste et le rassemblement d’opposition ne favorise pas le regroupement dans une liste unique. Pour l’instant, le Rassemblement de Kornet Chehwane ne s’est pas encore prononcé, même si certaines de ses figures semblent favorables à la réélection du conseil actuel. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut agir vite, car les électeurs potentiels des forces d’opposition sont pour l’instant peu mobilisés. Si tous les courants affirment vouloir former une liste unique face à celle du conseil municipal actuel, celle-ci tarde à naître, comme si les forces, au moins musulmanes, concernées, attendent encore un mot d’ordre qui fixerait l’enjeu véritable de la bataille. Quoi qu’il en soit, c’est le rôle et la dimension du président du Conseil qui sont sur la sellette. Quelle que soit l’issue de la bataille et même si l’échéance municipale est en principe une simple question de développement, à Beyrouth, elle donnera un avant-goût d’une autre échéance, plus importante celle-là : la fameuse présidentielle. Scarlett HADDAD
À près de 40 jours des élections municipales, rien n’indique encore que la capitale s’oriente vers une bataille décisive. Excepté quelques candidats à la fonction de moukhtar, qui proposent aux électeurs, en guise de programme, leur opposition au projet du Grand Moyen-Orient (rien de moins...), les campagnes semblent plutôt calmes, comme si toutes les parties – et elles...