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Débat - L’ambassadeur des États-Unis répond aux questions des étudiants de la LAU Battle : « Nous n’avons jamais eu l’intention d’imposer des changements »

Quel avenir Washington entrevoit-il pour le monde arabe ? Au moment où les débats se font de plus en plus orageux au sujet du projet dit du « Grand Moyen-Orient », définissant la vision de l’Administration américaine pour la région, l’ambassadeur américain à Beyrouth, Vincent Battle, a entrepris de répondre aux interrogations des étudiants en MBA Master in Business Administration de la LAU. Invité par le professeur Raëd Charafeddine, qui organise régulièrement depuis quelque temps des rencontres mettant face à face les universitaires et une personnalité connue, M. Battle s’est prêté au jeu de questions et réponses de son auditoire. À l’ordre du jour du débat : les enjeux des changements prévus dans la région, au regard des accusations adressées à l’Administration US de vouloir modifier la carte du Proche-Orient à l’insu des pays arabes ainsi que le conflit israélo-arabe qui continue d’alimenter la méfiance des peuples de la région à l’égard de Washington. Des questions qui prennent aujourd’hui toute leur signification après les critiques adressées par certains régimes arabes au projet du « Grand Moyen-Orient ». Ce qu’il faut retenir de ce projet, c’est son aspect « dynamique », à savoir qu’il s’agit d’« un document en évolution constante » et non d’« un fait accompli », a fait valoir l’ambassadeur américain. Le problème, a précisé M. Battle, c’est que certains leaders arabes se sont empressés de critiquer ce document, en ne retenant que le « processus lui-même » et non le « contenu », qui, selon lui, est très « proche » du projet présenté parallèlement par les Français et les Allemands. Selon le diplomate, une majorité de pays arabes assimile l’idée d’un « Grand Moyen-Orient » à l’Initiative d’Helsinki qui, dans les années 70, a abouti à la création d’une structure de coopération entre l’Est et l’Ouest. « Aux yeux des peuples arabes, ce sont les accords de Helsinki qui ont provoqué le démantèlement de l’Union soviétique », a affirmé le diplomate, en rappelant que ces accords étaient à l’origine « une bonne chose ». Pour ces régimes, le changement ne saurait être imposé de l’extérieur mais devrait être le fruit d’une concertation et d’un dialogue fructueux. « Or, soutient M. Battle, nous n’ avions jamais eu l’intention d’imposer un document et de nous attendre à des changements immédiats. Il s’agit d’un processus continu qui suppose le dialogue et une relation suivant le principe du donnant-donnant. Il revient ensuite à chaque société d’appliquer ses propres modèles. » L’ambassadeur a insisté sur le fait que les concepts de démocratie, de bonne gouvernance et de transparence, qui constituent un des piliers de la politique étrangère américaine, se mettront progressivement en place, suivant un rythme qui sera décidé par chacun des pays du Moyen-Orient. Preuve en est, a-t-il enchaîné, les changements induits par la société civile arabe représentée par les ONG réunies depuis mardi à Beyrouth, dans le cadre de la conférence sur la bonne gouvernance. « C’est à ce niveau là qu’il faut rechercher le potentiel d’un changement qui a été, pendant longtemps, d’autant plus difficile pour ces pays qu’il s’agit de sociétés extrêmement centralisées et marquées par la colonisation turque et française », a souligné M. Battle. Et le diplomate d’insister sur le fait que la politique étrangère américaine n’a pas pour objectif premier « de changer les choses ». « Notre politique étrangère est fondée sur les intérêts immédiats de notre pays », a-t-il indiqué. « Cependant, nos intérêts sont parfois définis d’une manière telle qu’ils induisent naturellement des changements, d’autant plus efficacement que nous sommes une grande puissance », a-t-il poursuivi. Dans cette optique, a ajouté l’ambassadeur, les priorités américaines se définissent comme suit : la stabilité régionale, qui passe évidemment par l’établissement d’un État palestinien et d’un Irak souverain. Viennent ensuite les questions sécuritaires, et à leur tête la lutte contre le terrorisme, les notions de démocratie, de bonne gouvernance et de transparence, et, enfin, le soutien aux économies de marché avec son pendant institutionnel, à savoir l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce. Autant d’éléments qui se trouvent à la base de la politique du département d’État et qui, sans chercher à provoquer délibérément les changements, les présument logiquement, précise-t-il. À la question de savoir quels ont été les changements apportés par la présence américaine en Irak, notamment sur le plan de la lutte contre le terrorisme, M. Battle a rappelé que la violence qui sévit dans ce pays n’est pas dirigée uniquement contre les forces de la coalition, mais également contre les Arabes eux-mêmes. « Bien sûr qu’il existe encore des problèmes énormes », a-t-il reconnu en rappelant qu’il ne faut pas occulter les transformations positives qui ont eu lieu, notamment sur le plan des nouvelles opportunités offertes au peuple irakien, longtemps privé de son pouvoir de décision. C’est toutefois la question de la définition du terrorisme qui enflammera le débat, notamment lorsque les étudiants reprocheront à l’Administration américaine sa politique « de deux poids, deux mesures concernant le conflit israélo-palestinien ». Le diplomate a défendu la politique étrangère de son pays en rappelant que l’absence d’une définition « internationalement codifiée » du terrorisme « n’est pas un problème. Il a estimé que « la violence n’apportera jamais une solution », accusant le Hamas, de refuser de reconnaître l’État d’Israël et le principe de la terre contre la paix. Sur les relations privilégiées entre les États-Unis et Israël, M. Battle a souligné qu’il s’agissait d’une « amitié » qui remonte à de longues années de même qu’il existe une amitié entre Washington et certains pays arabes. « Jusqu’ici, aucun pays n’a déployé autant d’efforts que nous pour trouver une solution au problème du Proche-Orient », a encore souligné Battle, en indiquant que le succès de ces initiatives ne dépend pas des États-Unis, mais de l’environnement régional et du soutien effectif qu’accordera le monde arabe à l’Autorité palestinienne ». « Pourquoi le monde arabe a-t-il l’impression que la politique étrangère des États-Unis est exclusivement mue par ses intérêts économiques et par ceux d’Israël ? » lui a demandé un étudiant. « Cela n’est pas vrai », rétorque le diplomate en rappelant que les intérêts économiques ne sont certes pas absents. « Je ne dirai pas que le pétrole ne nous intéresse pas», mais que cela ne constitue pas la seule et unique motivation, en soulignant au passage que le peuple américain ne tolérerait jamais une vision bâtie uniquement sur des intérêts économiques. « Je vous rappelle que nous sommes une société démocratique et ouverte, et que les Américains ont un libre accès à l’information », a-t-il dit, en réponse à un étudiant qui lui disait que l’Administration pratique un black-out informationnel total. « Le problème du Moyen-Orient est qu’il ignore tout de la vie américaine », a cru bon de souligner M. Battle. Prié de commenter l’avenir du Syria Accountability and Lebanon Sovereignty restoration Act, le diplomate répondra ironiquement que cette loi, qui a été votée par le Congrès à une très forte majorité, « entrera prochainement en vigueur. Figurez-vous que nos lois sont toujours appliquées », a-t-il dit. « Toutefois, je ne peux pas me prononcer sur ses modalités d’application », a-t-il conclu. Jeanine JALKH
Quel avenir Washington entrevoit-il pour le monde arabe ? Au moment où les débats se font de plus en plus orageux au sujet du projet dit du « Grand Moyen-Orient », définissant la vision de l’Administration américaine pour la région, l’ambassadeur américain à Beyrouth, Vincent Battle, a entrepris de répondre aux interrogations des étudiants en MBA Master in Business...