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Actualités - OPINION

EN DENTS DE SCIE Le monopole du cœur

Dixième semaine de 2004. Ces sept derniers jours ont remis sur le tapis, brusquement, nécessairement et plus ou moins directement, la séculaire primauté de la raison sur le cœur – à moins que ce ne soit l’inverse... Un conflit immémorial et jamais véritablement résolu entre la connaissance, la pensée, le jugement et les principes d’une part ; l’émotion, le sentiment, l’inclination, la tendresse de l’autre. Dixième semaine de 2004. « Unissez-vous, parce que ce qui vous attend est important ; faites pression pour que tout le monde marche main dans la main, pour que les cœurs ne soient plus qu’un. Je suis personnellement prêt à me mettre au service de chaque membre d’Amal et de chaque hezbollahi », a dit le vice-président du Conseil supérieur chiite, au cours de la commémoration du deuil de la Achoura organisée par le mouvement de Nabih Berry. Abdel-Amir Kabalan, comme n’importe lequel de ses coreligionnaires, aura certes besoin de deux cents ans pour récupérer un peu, un tout petit peu, de l’immense sagesse de Mohammed Mehdi Chamseddine, son prédécesseur, mais sa toute husseinienne exhortation à l’unité et à la solidarité au sein de la plus importante communauté libanaise – même si probablement pensée par le maître de Aïn el-Tiné en personne –, aura donné à réfléchir. Et à l’heure où commencent à frémir les nouveaux dessins et autres desseins de la cartographie chiite du Proche et du Moyen-Orient, cheikh Kabalan a préféré laisser parler sa raison. L’écoutera-t-on ? D’autant qu’il n’y a, finalement, qu’une seule deuxième présidence. Sauf que cette invitation, cette supplique pour l’union sacrée, ne devrait être en rien l’apanage des seuls chiites. Les aounistes, les FL, les chehwanistes, les chamouniens, les gemayelistes, les nassibiens, les harbistes, les moawadiens, les démocrates de gauche, les communistes, les progressistes ; bref, tous ceux qui aspirent à voir l’opposition au pouvoir, tous ceux qui aspirent à vérifier qu’elle ne sera en rien inspirée par l’actuel régime devraient nécessairement profiter des municipales à venir – parce qu’elles viendront, n’est-ce pas... – pour parler d’une seule voix, marcher d’un seul pas, et ne plus jouer, comme au cours de la partielle de Baabda-Aley, avec des feux bien mal éteints. Dixième semaine de 2004. « Certains candidats à la présidentielle semblent insensibles aux aspirations populaires exprimées par des fractions patriotiques libres, qui réclament la fin de la tutelle et la prise en charge par le pays de sa propre destinée, sans le recours à des procédés reflétant servilité ou suivisme », ont dit les évêques maronites réunis mercredi dernier sous la présidence de l’indispensable Nasrallah Sfeir. Dont la maestria pour doser entre raison et cœur a donné naissance à une véritable ligne politique : le sfeirisme. Une maestria parfois poussée jusqu’au climax, à tel point que même ses (jeunes) fils spirituels et politiques ont parfois du mal à cacher leur impatience, leurs piaffements face à ce qu’ils nomment la frilosité du père. Une prudence maximale qui n’existe désormais plus : le maître de Bkerké a clairement brisé l’omerta, en définissant, en imposant ce que Samir Frangié a appelé « les caractéristiques » du successeur tant attendu d’Émile Lahoud : pas de reconduction, et libanitude exigée. Et s’il n’a pas rendu publiques ses préférences, ses affinités électives, Nasrallah Sfeir n’a pas tourné autour du pot : ainsi, Sleimane Frangié, Jean Obeid et Mikhaïl Daher devront revoir leurs copies respectives. Sauf que ce que le patriarche demande à toute personne susceptible de passer les six – pas quatre, pas cinq : six – prochaines années à Baabda n’a absolument pas à être exclusivement réservé aux seuls maronites, et devrait figurer en première place du cahier des charges de chaque élu de la nation. Même si, pour cela, il faudrait des siècles d’éducation civique. Ou alors tout simplement une transfusion. Ce que Carlos Eddé a estimé, à l’instar de bien d’autres avant lui, comme étant l’urgence du sang neuf. Dixième semaine de 2004. Le locataire du palais Bustros a fixé hier les conditions pour une adhésion du Liban à un accord international sur les armes de destruction massive. Sauf que Jean Obeid a omis, volontairement sans doute, de préciser que notre pays dispose des pires ADM qui soient : l’incapacité et l’inutilité du pouvoir actuel. À ce niveau-là, plus besoin de parler de monopole : c’est un trust, un cartel en bonne et due forme. Ziyad MAKHOUL

Dixième semaine de 2004.
Ces sept derniers jours ont remis sur le tapis, brusquement, nécessairement et plus ou moins directement, la séculaire primauté de la raison sur le cœur – à moins que ce ne soit l’inverse... Un conflit immémorial et jamais véritablement résolu entre la connaissance, la pensée, le jugement et les principes d’une part ; l’émotion, le...