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Actualités - REPORTAGE

GUIDE DES MÉTIERS - Relations internationales, langues et sociabilité pour devenir diplomate La carrière ne nourrit pas son homme

Devenir diplomate. Représenter le Liban à l’étranger. Œuvrer pour que le petit pays qui est le nôtre soit entendu. Pour être diplomate, consul, attaché d’ambassade ou ambassadeur, il faut avant tout aimer le Liban, parler des langues étrangères, être versé dans la politique internationale, avoir du charisme… Mais si vous êtes têtu, trop indépendant, égoïste ou encore si vous rêvez de devenir riche, ne lisez pas ceci. Choisissez-vous une autre carrière, présentée chaque jeudi dans cette rubrique. Un diplomate est avant tout un fonctionnaire de l’État qui représente son pays à l’étranger. Il se doit d’adopter et de défendre – face au monde entier et malgré sa propre opinion, s’il le faut – la politique de son pays. Sachez donc avant tout que diplomatie et insubordination ne vont pas de pair. Si vous voulez rencontrer un chef d’État, par exemple, pour lui raconter ce que vous pensez personnellement de la présence syrienne, de l’absence de l’armée à la frontière du Liban-Sud, ou encore du processus de paix au Proche-Orient, optez pour un autre métier. Si vous tenez malgré tout à promouvoir le Liban à l’étranger, à le servir avec les moyens de bord, à améliorer un tant soit peu sa situation (avec la mise en place par exemple d’accords bilatéraux), ou encore à faire sentir à la diaspora libanaise que même si elle est partie, son pays tient encore à elle, vous êtes sur la bonne voie. Continuez la lecture. Comment devenir ambassadeur ou consul général ? Pour être diplomate, point n’est besoin de faire des études particulières. Il vous faut un bac + 4, soit une licence dans le système libanais. Il est préférable – mais pas nécessaire – d’opter pour une spécialisation en droit ou en sciences politiques. Il faut aussi maîtriser au moins deux langues, dont l’arabe. Et surtout, pour entrer dans le corps diplomatique libanais, il faut réussir au concours, qui se fait en trois langues et qui porte, bien évidemment, sur des sujets relatifs au droit et aux relations internationales. Afin de s’inscrire au concours, il faut avoir plus de 21 ans et moins de 35 ans, être libanais depuis plus de dix ans et avoir un casier judiciaire vierge. De plus, la présentation d’un dossier auprès du Conseil de la fonction publique est nécessaire. Le contenu de ce dossier est similaire à beaucoup d’autres qu’on présente pour adhérer à des syndicats ou des ordres professionnels, ou pour se présenter à n’importe quel autre emploi de la fonction publique. Ainsi, il vous faut, entre autres, un extrait d’état civil, deux photos passeport et une copie du diplôme, le tout certifié par les autorités compétentes. Le concours en question n’est pas organisé chaque année, ni une fois tous les deux ou trois ans, mais «selon le besoin». Ainsi, durant la guerre et pendant plusieurs années, il ne s’est pas tenu, le dernier remontant à 2003. Sur un millier de participants, seuls 25 ont été retenus. Et comme partout dans la fonction publique au Liban, l’équilibre confessionnel doit être respecté. Pourtant, au ministère des Affaires étrangères, on vous le répétera : «Seuls les meilleurs sont sélectionnés.» Ainsi en 2003, parmi les 25 candidats retenus, on comptait 15 chrétiens (un peu plus que la moitié), dont 13 maronites. Mais pour être nommé ambassadeur et faire partie de la première catégorie des fonctionnaires de l’État, on tient compte du système du quota confessionnel, tout à fait comme au Parlement. Sachez aussi que le système privilégie les confessions minoritaires. On a plus de chance d’avancer rapidement si on appartient à une communauté qui a peu ou pas de place au Parlement (syrien-orthodoxe, chaldéen, latin…). Dix-huit ans pour devenir ambassadeur Évidemment, il est impossible de réussir au concours et se réveiller ambassadeur le lendemain. Le chemin est très long, et tous les ambassadeurs sont nommés au bout d’une dizaine d’années de carrière diplomatique par un décret pris du Conseil des ministres. Donc, si vous rêvez de devenir ambassadeur, vous devez être patients. Le parcours prend généralement dix-huit ans. Comme cette carrière fait partie de la fonction publique, le candidat, une fois qu’il réussit au concours, est considéré comme un fonctionnaire de troisième catégorie. Il débute en tant que consul (faire la différence avec consul général) ou secrétaire d’ambassade. Au bout de six ans en moyenne, il est promu à la deuxième catégorie. Il est nommé par exemple conseiller d’ambassade. Il faut qu’il attende encore six ans en moyenne pour être désigné ambassadeur. Parfois beaucoup plus… C’est simple : on nomme de nouveaux ambassadeurs quand les plus anciens prennent leur retraite, tout en préservant le quota confessionnel. De plus, le Liban – qui n’est pas une grande puissance et qui, malgré la présence de ses émigrés dans beaucoup de pays d’Amérique et d’Afrique – ne possède que 83 représentations diplomatiques, entre ambassades, consulats généraux (Rio, São Paulo…) et délégations au sein d’organismes internationaux (Onu – Genève et New York, Unesco Paris, etc.). Dans d’autres pays, nombre de membres du corps diplomatique ne deviennent jamais ambassadeurs, les équipes des représentations de ces pays à l’étranger étant fort importantes, notamment en nombre. Pour cela, il faut être porteur d’une nationalité de quelques pays européens. Vous rêvez de voyage? Sachez que vous ne choisirez jamais le pays où vous effectuerez votre mission et parfois vous resterez sept ans dans une même capitale. Et après sept ans à l’étranger, il vous faut passer deux ans au sein de l’administration centrale à Beyrouth. Et comme il faut représenter le Liban sous son meilleur jour, que vous soyez nommé à Stockholm ou dans un pays difficile (Afrique et Golfe, désignés ainsi notamment à cause de la chaleur), il vous faut remplir votre tâche avec le sourire et beaucoup de bonne volonté. De plus, un membre du corps diplomatique en mission à l’étranger ne peut jamais voyager, même pour un week-end, sans notifier par lettre le ministère des Affaires étrangères. Ne croyez pas que si vous êtes au Brésil, vous passerez votre temps à danser la samba sur les plages de Copacabana. La tâche d’un ambassadeur du Liban est de préparer des projets de coopération (qui sont ensuite signés par les ministres mais qui sont entièrement préparés par l’équipe de l’ambassade) et de s’occuper des émigrés qui peuvent faire face à des problèmes. Une belle carrière… pas très rentable L’argent enfin. Si vous voulez vous enrichir, tournez-vous vers un autre métier. Car s’ils sont au Liban, les diplomates sont payés, selon leur catégorie, autant que les membres de la fonction publique. Une fois qu’ils sont nommés à l’étranger, l’échelle des salaires change pour rester dans la norme, permettant une vie correcte, sans plus. Ainsi, depuis 1999, le salaire de base dans la troisième catégorie est de 1500 dollars. Faites la parité avec l’euro pour les pays de l’UE. Piètre consolation : ce salaire augmente de 100 dollars tous les deux ans. Pour un membre du corps diplomatique appartenant à la deuxième catégorie et établi à l’étranger, le salaire de base se chiffre à 2000 dollars, pouvant être augmenté de 120 dollars tous les deux ans. Enfin, un ambassadeur est payé 2600 dollars, avec une augmentation de 140 dollars tous les deux ans. Il bénéficie d’allocations spéciales, calculées selon le pouvoir d’achat dans le pays où il est nommé. Ainsi, un diplomate de première catégorie nommé au Nigeria ne perçoit pas autant que son collègue nommé à Paris. Mais il faut savoir aussi qu’en général, les ambassadeurs ne peuvent se permettre d’être chiches. C’est qu’ils représentent leur pays et qu’à se titre, ils sont tenus d’avoir un train de vie nettement plus élevé que la moyenne, avec des réceptions, des déjeuners et des dîners, une garde-robe adéquate. Faites vos comptes, les sommes qui leur sont allouées sont dérisoires. De plus, comme tout le monde ne saurait être domicilié à l’ambassade ou dans des maisons qui sont la propriété de l’État libanais à l’étranger, des sommes sont versées tous les mois aux attachés et aux consuls qui louent des appartements dans les pays où ils sont nommés. Dans ce cadre, à New York par exemple, un attaché d’ambassade touche 900 dollars par mois. Mais à New York, 900 dollars ne suffisent pas pour assumer les dépenses d’une demeure correcte dans les beaux quartiers. Signalons d’autres aberrations. Les membres du corps diplomatique établis à l’étranger ne bénéficient pas d’une assurance médicale internationale versée par l’État. La quasi-totalité d’entre eux souscrivent à une assurance privée, capable de les couvrir quand ils tombent malades à l’étranger. Au Liban, comme tous les fonctionnaires de l’État, ils bénéficient de la Sécurité sociale. De plus, les diplomates, qui ont des enfants en bas âge et qui sont parfois obligés de vivre dans des pays où le français ou l’anglais ne font pas partie des langues enseignées dans les écoles publiques sont obligés d’assumer les frais de scolarisation de leur progéniture, l’État ne couvrant que le montant des bourses scolaires accordées au Liban, soit un million de livres par enfant, alors que les frais d’une école privée à l’étranger se chiffrent à plusieurs milliers de dollars. Certains diplomates choisissent donc, même s’ils sont à l’étranger, de vivre loin de leur famille au Liban. Mais alors, ils doivent assumer les dépenses de deux foyers. Si un diplomate est nommé dans un pays difficile, il ne bénéficie qu’une fois tous les deux ans d’un billet d’avion gratuit lui permettant de revenir se ressourcer au Liban. Tout cela, croyez-vous, n’est que vétille et tenez toujours à servir votre pays. Vous estimez que vous êtes dignes de donner la meilleure image du Liban face à des États plus riches et plus puissants. Vous n’êtes pas de nature insubordonnée, vous pouvez faire des compromis et des concessions ; vous êtes intelligents, capables de choisir vos termes sans blesser ou choquer quiconque. Vous êtes débrouillards. Vous avez le don de vous faire entendre tout en restant discrets et bien élevés. Vous aimez surtout le Liban, un pays qui devrait un jour retrouver la place qu’il mérite, sur les plans culturel, artistique, économique, politique. Vous croyez dur comme fer que parfois les petites choses peuvent compter, à la longue, et influer sur des affaires plus importantes. Alors, voilà : intéressez-vous aux langues étrangères, faites des études en droit ou en sciences politiques, attendez vos vingt et un ans et informez-vous des dates du concours qui – rappelons-le – n’est pas organisé tous les ans. Et enfin méditez cette maxime de La Fontaine : «Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.» Patricia KHODER Trente-sept femmes, dont cinq ambassadrices Le corps diplomatique libanais compte actuellement 260 membres, de la troisième, deuxième et première catégorie. Sur ce chiffre, on compte 37 femmes, dont 28 appartiennent à la troisième catégorie (consuls et secrétaires d’ambassade) et quatre à la deuxième catégorie (conseillers d’ambassade). Cinq seulement bénéficient du titre d’ambassadrice (première catégorie), dont l’une occupe un poste actuellement au ministère des Affaires étrangères, les quatre autres étant en mission à Paris, à Sofia, à Berne et auprès de l’Unesco. Même si la profession se féminise, le concours reste discriminatoire envers les femmes. Ainsi, afin qu’elles puissent se présenter aux épreuves, les femmes qui rêvent d’entrer au corps diplomatique libanais ne doivent pas être mariées au moment du concours. Les hommes, eux, peuvent être célibataires ou mariés. Selon des diplomates, le mariage d’une femme appartenant au corps diplomatique pourrait affecter sa carrière. On ne lui donnera pas les pays jugés difficiles et puis… elles devraient trouver des hommes capables de les suivre jusqu’au bout du monde et ainsi de mettre en veilleuse leur propre carrière. Jeunes filles intelligentes et désireuses de vous lancer dans la diplomatie, sachez qu’il n’est pas facile d’exercer une profession récemment féminisée ou qui se féminise petit à petit : ambassadeur, chirurgien, pilote de ligne, journaliste de la presse écrite, avocat pénal. Il vous faudra travailler beaucoup plus que les hommes pour faire vos preuves. Mais cela est une autre histoire… Ambassadeur hors cadre Avant le début du mandat du président Lahoud, le Conseil des ministres nommait des ambassadeurs hors cadre. Ces personnes n’appartiennent pas au corps diplomatique. Considérées à tort ou à raison, à un moment donné et dans un pays donné, plus aptes à remplir la fonction d’ambassadeur que les hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, elles sont nommées, comme leurs pairs du corps diplomatique, par un décret pris en Conseil des ministres. Ces ambassadeurs sont considérés comme démissionnaires de facto, deux mois après la fin du mandat du chef de l’État à qui ils doivent leur nomination, à moins que leur mission ne soit prolongée par un décret du nouveau président. Même s’ils remplissent leurs fonctions jusqu’à l’âge de 64 ans, ils ne bénéficient pas de la retraite versée aux membres du corps diplomatique. Cette tradition d’ambassadeur hors cadre, très en vogue en Amérique latine, existe dans tous les pays. Au Liban, depuis le début du mandat Lahoud, aucun ambassadeur hors cadre n’a été nommé. Consul et consul général Contrairement à d’autres pays, le Liban n’a pas de corps consulaire mais un corps diplomatique uniquement. Il importe de faire la différence entre un consul d’ambassade et un consul général. Un consul d’ambassade est un fonctionnaire de la troisième catégorie. Un débutant. Comme le secrétaire d’ambassade, il travaille sous la supervision directe de l’ambassadeur. Un consul général appartient à la première catégorie des fonctionnaires. Son travail est semblable à celui de l’ambassadeur, il est chef de mission dans une ville donnée. Dans une petite dizaine de pays du monde, le Liban a plusieurs représentations : une ambassade dans la capitale et un ou deux consulats dans les villes principales. C’est le cas par exemple pour le Brésil, qui compte une ambassade à Brazilia et deux consulats, à São Paulo et à Rio. Aux États-Unis, le Liban, qui est représenté à Washington, possède un consulat à New York.
Devenir diplomate. Représenter le Liban à l’étranger. Œuvrer pour que le petit pays qui est le nôtre soit entendu. Pour être diplomate, consul, attaché d’ambassade ou ambassadeur, il faut avant tout aimer le Liban, parler des langues étrangères, être versé dans la politique internationale, avoir du charisme…
Mais si vous êtes têtu, trop indépendant, égoïste ou...