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ÉCLAIRAGE - Minimiser les recettes de la téléphonie mobile pour dédouaner de hauts responsables La guerre des chiffres sur le cellulaire prend une dimension plus politique que technique

Dans cette guerre des chiffres que se livrent ouvertement le ministère des Télécommunications et le ministère des Finances au sujet des recettes réelles de la téléphonie mobile, le Libanais en vient, évidemment, à perdre son latin, et à ne plus savoir à quel saint se vouer. La polémique sur ce plan peut se résumer en ces termes : le ministre des Télécoms, Jean-Louis Cardahi, souligne que les recettes du gouvernement provenant du cellulaire ont sensiblement augmenté depuis que la propriété du réseau a été transférée à l’État, le 31 août 2002. Le ministre des Finances, Fouad Siniora, conteste ce bilan et soutient que les revenus supplémentaires perçus par l’État depuis le 1er septembre 2002 ne sont pas aussi élevés que ne l’affirme M. Cardahi. Le débat aurait pu rester cantonné au sein d’un cercle limité d’initiés et d’experts si sa portée était exclusivement technico-financière. Mais en réalité, l’importance de ce débat réside précisément dans sa dimension essentiellement politique. Pour quelle raison le ministre des Finances (et avec lui les milieux et les médias haririens) s’obstine-t-il ainsi, depuis plusieurs mois, à vouloir minimiser les recettes de la téléphonie mobile ? Cherche-t-il à dédouaner certains hauts responsables accusés par l’opposition d’avoir couvert et favorisé (dans les négociations avec l’État pour l’exploitation et la gestion du réseau) les deux opérateurs LibanCell et FTML-Cellis ? M. Siniora a clairement annoncé la couleur à ce propos lors de la dernière séance parlementaire consacrée à l’interpellation sur le cellulaire, présentée par les députés du « Front national pour la réforme ». Il a, en effet, achevé son exposé devant les députés en soulignant que les points qu’il avait soulevés, pour prouver que les revenus ne sont pas aussi élevés que l’on pense, laissent planer des doutes sur le sérieux des « allégations selon lesquelles il y a eu dilapidation ou un laisser-faire de la part du gouvernement qui se serait employé à couvrir un détournement de fonds publics ». C’est ce point précis qui est au cœur du débat et qui sous-tend toute la polémique sur les chiffres des recettes de la téléphonie mobile. Les deux opérateurs auraient-ils bénéficié dès le départ de conditions trop avantageuses, au détriment du Trésor ? La gravité d’une telle interrogation soulevée par l’opposition réside dans le fait que les deux sociétés en question sont détenues totalement ou partiellement par le chef du gouvernement, Rafic Hariri, et le ministre Négib Mikati, soit directement (dans le cas de M. Mikati), soit par le biais de parents et alliés (dans le cas de M. Hariri). Dans un autre pays que le Liban ou en d’autres circonstances, une telle situation aurait provoqué un véritable séisme sur la scène politique. MM. Hariri et Mikati ont-ils pu concilier leurs intérêts dans ce secteur avec l’intérêt du Trésor ? Le problème qui se pose à ce niveau se complique davantage lorsqu’on sait qu’un grave litige oppose les deux opérateurs au gouvernement. Et de surcroît, il paraît établi que ces sociétés ont commis des irrégularités entraînant une perte substantielle pour l’État. Les députés de l’opposition ont réclamé des explications à ce sujet lors du débat sur l’interpellation. M. Boutros Harb a notamment posé dans ce cadre une question précise sur les raisons pour lesquelles la part des revenus du cellulaire due à l’État a été réduite de 30 à 20 pour cent lors de la négociation du contrat d’exploitation et de gestion du réseau. Mais les responsables gouvernementaux concernés ont totalement éludé ces questions et se sont livrés, plutôt, à une vaste opération de diversion en se lançant dans une argumentation politique et comptable tortueuse. Le « Front national pour la réforme » a réaffirmé hier sa détermination à aller de l’avant pour obtenir des réponses à ses interrogations. Des interrogations qui posent tout le problème de l’imbrication des intérêts privés et publics dans les hautes sphères du pouvoir. Des interrogations qui resteront sans doute, longtemps encore, sans réponse. Michel TOUMA
Dans cette guerre des chiffres que se livrent ouvertement le ministère des Télécommunications et le ministère des Finances au sujet des recettes réelles de la téléphonie mobile, le Libanais en vient, évidemment, à perdre son latin, et à ne plus savoir à quel saint se vouer. La polémique sur ce plan peut se résumer en ces termes : le ministre des Télécoms, Jean-Louis...