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Actualités - ANALYSE

analyse - Le Premier ministre se rappelle au bon (ou mauvais) souvenir de Lahoud et des sunnites Hariri ressort en terre saoudienne son masque de Zorro

Rafic Hariri aurait presque embrassé celui qui a eu (ou à qui l’on a soufflé) l’excellente idée de lui poser la question suivante : « Est-il vrai que la Syrie contrôle le Liban et que toutes les décisions libanaises naissent à Damas ? » Sauf qu’il s’est contenté de le remercier chaleureusement de lui avoir donné, enfin, l’occasion de dire réellement ce qu’il avait sur le cœur, de démentir une information parue en décembre dernier dans « le journal libanais au plus grand tirage (ndlr : le Premier ministre désignait an-Nahar) », qui avait assuré, entre autres, qu’il avait été « convoqué » à Damas. Un démenti que Rafic Hariri a souhaité publier au moment même, sauf qu’il a changé d’avis « pour une raison x ». Ainsi, grâce à ce participant au Forum économique libano-saoudien, dont la deuxième édition s’est tenue avant-hier à Ryad, grâce à la réponse qu’il a donnée, le Premier ministre est sorti d’un mutisme politique presque autistique et dans lequel il s’était enfermé depuis son fameux voyage fantôme à Damas, en décembre dernier. Rafic Hariri a certes levé le mystère hitchcockien qui entourait cet aller-retour sacerdotal chez le tuteur syrien, imposé à la quasi-totalité des hommes politiques libanais, mais il s’est surtout rappelé au bon (ou mauvais) souvenir de son ennemi intime, Émile Lahoud, de sa propre communauté, les sunnites en général et ceux de Beyrouth en particulier, ainsi que du landernau politique qui salive depuis des mois sur son sort, et... des Libanais dans leur ensemble. Tout en braquant – intelligemment et presque ingénument – les spots sur ses rapports particulièrement atypiques avec Damas. D’une pierre cinq coups. « Je n’ai jamais été convoqué et je n’ai reçu d’ordres de personne. Le Premier ministre libanais n’a aucun ordre à recevoir – de qui que ce soit. Il est uniquement responsable devant le Parlement qui, seul, peut lui demander des comptes. (...) Ce sont les Libanais qui choisissent leur président, par le biais de la Chambre des députés... » Et tout est à l’avenant... À Émile Lahoud – c’est somme toute au chef de l’État que ce message s’adresse d’abord –, le maître de Koraytem rappelle qui est Rafic Hariri et quelles sont (ou devraient être) les prérogatives du Premier ministre libanais. Aux sunnites, le Terminator des législatives 2000, qui avait tout balayé sur son passage, dit tout simplement de ne pas s’en faire, de ne pas s’inquiéter. Que son charisme personnel, et celui de sa fonction, n’ont perdu en rien de leur aura dans un pays où le rapport de forces maronito-sunnite est un paramètre fondamental dans toute équation politique. À quelques mois des municipales, à un peu plus d’un an des prochaines législatives, Rafic Hariri n’a rien perdu de son légendaire sens (tactique) des affaires. Aux Libanais ensuite, le Premier ministre fait l’injure de les prendre pour de gentils simplets en essayant de les convaincre qu’eux seuls choisissent, par le biais de leurs députés (encore faut-il que ceux-ci les représentent véritablement...), le président de la République libanaise. Entende et comprenne qui voudra, à commencer par Émile Lahoud, qui n’a, si l’on abonde dans la démonstration haririenne, qu’à bien se tenir. Aux Syriens enfin, et à Bachar el-Assad en particulier (qu’il a néanmoins soigné et complimenté très professionnellement), Rafic Hariri rappelle enfin – de Ryad, et c’est loin d’être innocent – qu’il n’est pas comme les autres hommes politiques libanais, que sa relation avec Damas restera toujours sinon ambiguë du moins particulière, et qu’il reste, quoi qu’on dise, la seule aspirine valable et disponible dès qu’il s’agit de la situation financière et économique du Liban. À moins que la Syrie ne lui ait courtoisement demandé de réaffirmer, en écho à l’interview du n° 1 syrien au Charq el-Awsat, que seuls les Libanais décident de leur président... Les Libanais auraient bien voulu applaudir sans réserves leur Premier ministre. Pour son courage d’avoir dit haut et fort ce qu’ils auraient souhaité être une vérité inaliénable – qu’ils sont maîtres de leur destin –, mais qui n’est, somme toute, qu’un pieu et mensonger vœu. Ils se contenteront donc d’assister au retour de Zorro, mi-justicier mi-homme providence, tout en sachant pertinemment que leur pays n’a besoin ni de l’un ni de l’autre. Ziyad MAKHOUL
Rafic Hariri aurait presque embrassé celui qui a eu (ou à qui l’on a soufflé) l’excellente idée de lui poser la question suivante : « Est-il vrai que la Syrie contrôle le Liban et que toutes les décisions libanaises naissent à Damas ? » Sauf qu’il s’est contenté de le remercier chaleureusement de lui avoir donné, enfin, l’occasion de dire réellement ce qu’il avait sur le...