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À l’auditorium Émile Boustany Alfredo Perl : un art consommé du clavier

Un concert exceptionnel avec Alfredo Perl, maître incontesté et inspiré du clavier, quoique les récitals de piano (et pas des moindres !) abondent dans notre capitale. Un des premiers concerts pour clavier (un splendide Steinway) du Festival al-Bustan avec un public sélect (oui, pas d’applaudissements impromptus entre deux mouvements !) et absolument recueilli (personne ne toussote ou se racle la gorge ! Et surtout pas de sonneries de mobile : c’est bien simple, le réseau est interrompu. Ici on ne badine pas avec la maîtresse de céans!) avant d’attaquer les premières phrases d’un adagio ou d’un allegro. Un programme somptueux à faire rêver tout « pianophile » digne de ce nom. Jugez plutôt de la teneur de ce menu riche conciliant rigueur classique, éclats romantiques et flamboyantes couleurs hongroises avec des pages de Haydn, Schubert, Dohnanyi, Bartok et Frant Liszt. Le tout joué fort et clair avec un tempérament chilien familier aux vifs emportements d’un sang chaud... Splendide ouverture, en tonalités « beethoveniennes » avant termes, avec la Sonate hob XVI/52 en trois mouvements (allegro, adagio et presto) de Haydn qui connut fort bien la Hongrie pour avoir travaillé à la cour des princes Esterhazy. Longue narration aux timbres variés, mais aux notes d’une remarquable architecture droite et nette, qualité de jeu aussi d’un pianiste qui sert admirablement une partition d’un compositeur qui n’hésitait pas à déclarer : « Puisque Dieu m’a donné un cœur joyeux, il me pardonnera de l’avoir joyeusement servi... » Pour prendre le relais, une autre sonate, celle en c mineur D958 de Franz Schubert. Assombri et miné par la maladie (il mourra bien jeune à l’âge de 31 ans !), le musicien, après avoir passé deux étés auprès de la famille princière hongroise, les Esterhazy, en tant que prof de piano, écrit cette œuvre d’une fiévreuse agitation aux éclats profondément romantiques. Entre ombre et lumière, entre vie tourmentée et mort prochaine, entre chromatismes rêveurs et cadences accélérées, entre passion et résignation, le piano a des accents émouvants et impressionnants qui frôlent un pathos grandiloquent. Pour cette partition ardue, Alfredo Perl a décidé d’un jeu fort et marqué d’où cette atmosphère de puissance et de poigne beethoveniennes... Œuvre volcanique Après un bref entracte, place à Erno Dohnanyi, considéré par sa virtuosité comme le Rachmaninov hongrois. On écoute ici de lui le meilleur presque de son cru, c’est-à-dire la première Rhapsodie en G mineur op 11 n° 1 où il trouve avec brio ses racines hongroises en usant de l’improvisation, de la couleur, de la rythmique et de la respiration propre aux traditions du pays magyar... Dans la même veine d’un farouche et ardent nationalisme, mais sur un style beaucoup moins onctueux et romantique, et toujours dans le même sillage d’école musicale (et de virtuosité) de Dohnanyi, est la saisissante et volcanique œuvre de Bela Bartok, la suite Out of doors sz 81 BB89. Musique conciliant ouvertement les audaces et les stridences de la modernité, avec un souffle d’une délirante poésie empruntant au folklore sa sève la plus parfumée. Déroutant Bartok, qui secoue le spectateur comme on secoue un prunier chargé de fruits mûrs... Sonorités étranges, inquiétantes, parfois orientalisantes où les aigus tintent comme des grelots apeurés et les graves résonnent comme un splash de cymbales frappées à outrance... Trémolos tziganes et feu des rythmes Pour conclure, de Franz Liszt, ces œuvres qui ont envoûté et fait se pâmer l’auditoire des romantiques qui allait les applaudir, avec dévotion, de concert en concert. Ces oeuvres qui n’en continuent pas moins deux siècles plus tard à peu près de nous fasciner. On parle bien entendu de ces redoutables (quelles contorsions de doigts pour les interpréter !) et superbes Rhapsodies hongroises dont on écoute ici la n° 13. Trémolos tziganes et feu des rythmes sur fond de mélodies langoureuses, voilà un des joyaux du répertoire pianistique interprété par Alfredo Per, dont l’art consommé pour faire jaillir toutes les nuances d’un clavier habité de féerie est au-dessus de tout éloge. On ne dira jamais assez la beauté de cette soirée où le piano a subjugué littéralement l’auditoire. Ma jolie voisine me murmure a l’oreille, avec un large sourire et en applaudissant à tout rompre à la fin du récital : « Croyez-vous qu’on puisse avoir une attaque cardiaque de plaisir en écoutant pareils jeu et partitions ? » Propos que n’auraient guère désavoué Marie d’Agoult pas plus que les dandies, les Brummel et les chevelus de l’hystérique ère romantique. Tout cela pour dire que c’était brillantissime. E.D.
Un concert exceptionnel avec Alfredo Perl, maître incontesté et inspiré du clavier, quoique les récitals de piano (et pas des moindres !) abondent dans notre capitale. Un des premiers concerts pour clavier (un splendide Steinway) du Festival al-Bustan avec un public sélect (oui, pas d’applaudissements impromptus entre deux mouvements !) et absolument recueilli (personne ne...