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Actualités - ANALYSE

analyse - Une reconversion à l’instar du Sinn Féin devient nécessaire pour le Hezbollah, aujourd’hui plus qu’hier Étincelant ou en demi-teinte, le succès n’est qu’à court terme

Il y a une semaine pile, le Hezbollah détruisait un bulldozer israélien qui s’était aventuré en territoire libanais, s’attirant une riposte militaire aérienne quasi immédiate de l’État hébreu. Au-delà de l’évidente provocation israélienne, le Hezbollah se devait d’essayer de trouver des réponses, même provisoires, à des questions purement existentielles que les responsables du parti se posent depuis quelques semaines, quelques mois. Des questions sur l’avenir même de leur formation au moment où Damas et Téhéran ne cachent plus leur meilleure volonté envers Washington, comme sur la lenteur effarante à leurs yeux des négociations que le parti intégriste menait, par Ernst Uhrlau interposé, avec le gouvernement Sharon, sur l’échange des prisonniers. Parce que, hasard ou coïncidence, les prisonniers seront échangés après-demain jeudi à Francfort. Dix jours après la destruction du bulldozer. Et si l’unanimité est de mise pour dire que c’est une réussite plus ou moins étincelante pour toutes les parties concernées à la retentissante exception de l’État libanais, n’en déplaise à ses dirigeants, il n’en reste pas moins que ce succès risque de n’être savouré, toutes dents dehors, que sur le (trop) court terme. Un terme qui sera vraisemblablement réduit à sa portion congrue pour le Premier ministre israélien. Certes, malgré les divisions et la satisfaction aigre-douce de la population, des médias et du gouvernement israéliens, Ariel Sharon aura réussi à détourner l’attention de ses démêlés judiciaires, de sa politique bouchère dans les territoires palestiniens, il aura réussi à sortir de l’immobilisme stérile dans lequel son équipe et lui-même sont engoncés depuis des lustres. Sauf que tout cela sera bien bref : Ariel Sharon se souviendra très vite que l’on ne peut pas gouverner l’État hébreu simplement en attendant les résultats de l’élection présidentielle américaine. Le rôle joué par l’Iran est sans aucun doute incontournable ; sa « capacité de persuasion » et surtout de pression sur le parti intégriste indéniable, et sa part du contrat – convaincre le patron du Hezbollah, ou exiger de lui de revenir sur son niet au moment où Israël a mis son veto sur la libération de Samir Kantar – pleinement remplie. Consciente que tout cela boostera sans aucun doute ses actions dans le boursicotage régional, l’Iran jouira pendant quelque temps de cet acquis. Mais après ? Il y a quelques semaines, à Paris, Hassan Rohani a été clair, trop clair pour Hassan Nasrallah : « Un jour ou l’autre, les relations avec les États-Unis seront rétablies. » Idem pour la Syrie, dompteuse en chef du Hezbollah, et qui, une fois les prisonniers retournés au bercail, une fois achevées les cérémonies de part et d’autre de la ligne bleue, devra bien retrouver la réalité : les pressions US qui vont crescendo. C’est d’ailleurs justement dans ces prochaines semaines, ces prochains mois, que se devineront nécessairement les nouvelles tendances, la restructuration des relations entre Téhéran et le Hezbollah, Damas et le Hezbollah. Justement : le Hezbollah. Le succès est, là, brillant, même si Samir Kantar ne fait pas partie, du moins pour l’instant, du lot. Inscrit par les États-Unis, au lendemain de l’effondrement des Twin Towers, sur la liste des organisations terroristes ; voué aux gémonies et au quotidien par Israël qui a toujours refusé de traiter « avec des terroristes » et qui s’est vu obligé, dans ce dossier, de laisser aux vestiaires son arrogance et sa fatuité, le Hezb aura réussi, avec beaucoup de pragmatisme, à asseoir plus que confortablement une présence et un rôle régionaux, à conforter une reconnaissance politique publique, à diminuer les pressions qu’il subit sans relâche et à faire baisser le volume des accusations US lancées avec une régularité de métronome contre lui. Mais pour combien de temps ? Maintenant que le dossier des prisonniers est pratiquement blouclé – à moins que le parti intégriste ne décide, sur un mauvais coup de tête, de renouer avec les enlèvements d’Israéliens –, maintenant que commence à s’esquisser, très doucement, une sorte de règlement au bourbier des fermes de Chebaa, quelle(s) nouvelle(s) raison(s) pourrait-on bien trouver pour continuer à justifier la non-démilitarisation du Hezbollah ? « La lutte aux côtés des frères palestiniens » ? Certes, personne n’a oublié les portraits de Hassan Nasrallah brandis par un nombre incalculable de bras, il y a près d’un an, à Gaza et en Cisjordanie, mais serait-ce là bien raisonnable ? L’Iran et la Syrie peuvent en toute légitimité se satisfaire l’un de son « instrument » et l’autre de son « outil de pression », mais iraient-ils, surtout Téhéran, jusqu’à faire du Hezbollah un Hamas bis ? Sans compter que les différents responsables palestiniens, tout en applaudissant à la libération de 400 prisonniers qui retourneront en Cisjordanie et à Gaza, ont relevé avec un sourire bien jaune qu’ils n’avaient été aucunement consultés, à aucune étape des négociations. Ni l’État libanais d’ailleurs, totalement démissionnaire pour cause de concomitance des volets libanais et syrien, et qui continue de refuser le déploiement de l’armée le long de la ligne bleue, malgré les conseils européens, les résolutions onusiennes, les objurgations américaines. Émile Lahoud est sans doute le seul des trois dirigeants, pour l’instant, à savourer le triomphe d’une formation qu’il a soutenue sans discontinuer – volontairement ou pas, peu importe. Mais jusqu’à quand ? Quant à Rafic Hariri, il devra sans doute revoir l’électrogramme plus que plat de ses relations avec le Hezbollah, et Nabih Berry désormais appréhender le pire. Parce que la reconversion du parti intégriste semble inéluctable. La matière est là, le tremplin tout prêt. La vie politique, le Parlement (douze députés hezbollahis en occupent les travées), les municipalités, le gouvernement même, un jour, en toute logique. Au lendemain de la libération des prisonniers, à l’instar du Sinn Féin, le Hezbollah va être amené, aujourd’hui plus qu’hier, à repenser fondamentalement son rôle local, à s’inclure, harmonieusement, sereinement, dans le landernau des parties et autres forces politiques, sans chercher à se distinguer, encore, en s’accaparant, poussé ou non par l’État, la fonction et la mission de l’armée nationale. Ziyad MAKHOUL

Il y a une semaine pile, le Hezbollah détruisait un bulldozer israélien qui s’était aventuré en territoire libanais, s’attirant une riposte militaire aérienne quasi immédiate de l’État hébreu. Au-delà de l’évidente provocation israélienne, le Hezbollah se devait d’essayer de trouver des réponses, même provisoires, à des questions purement existentielles que...