Actualités - OPINION
La réintégration, condition première pour un échange fructueux
Par ABI AKL Philippe, le 17 février 2004 à 00h00
Sept ou huit millions de Libanais (d’origine) au Brésil. Deux fois plus de Libanais qu’au Liban. On le répète déjà beaucoup, à l’occasion de la visite présidentielle, mais on ne le répétera jamais assez : ce réservoir, ce potentiel, il ne faut pas le laisser en friche. Ni pour le bien des résidents ni pour le bien-être des détachés. Dont le chiffre, il faut vite le souligner, est trompeur. Car bien peu d’entre eux, sauf au niveau du troisième âge, ont encore quelque chose à voir avec le Liban géographique. Ils gardent cependant ce pays dans leur cœur, en connaissent souvent les traditions, transmises de père en fils. Ce cordon ombilical affectif et culturel ne peut toutefois prendre un sens concret, c’est évident, que par le rétablissement du droit à la nationalité.
On sait en effet que par un terrible défaut de communication, les ressortissants exilés ou émigrés des pays asservis par l’ancien Empire ottoman (il y avait eu une vague massive de départs lors de la famine de 1915) n’avaient pas été informés, après la Grande Guerre, qu’ils devaient demander la nationalité de leurs origines libérées. Une deuxième notification, lancée dans les années trente, était également restée sans grand effet. Ce qui fait que la plupart des Libanais émigrés de la première génération (et par conséquent leur descendants) n’ont jamais été... Libanais. Sur le papier. Contrairement aux Syriens dont le gouvernement a pris la précaution de déclarer que ses émigrés restaient automatiquement ses ressortissants, par droit du sang, et se verraient délivrer une carte d’identité sur simple demande dans n’importe quel consulat.
S’inspirant de cet exemple fraternel, l’ancien président de la République, Élias Hraoui, qui avait visité le Brésil (pépinière de Zahliotes, dont Paulo Maalouf, ancien candidat à la présidence) en 1997, avait fait approuver en Conseil des ministres une décision reconnaissant le droit aux Libanais de souche de recouvrer leur nationalité libanaise. Mais comme cela aurait signifié qu’ils auraient récupéré en même temps leurs droits civiques, dont celui de voter, Rafic Hariri avait bloqué l’écluse. On sait en effet que la diaspora libanaise dans le monde (plus de 12 millions d’âmes) se compose bien plus de chrétiens et de chiites que de sunnites, sans doute moins persécutés par les Turcs en raison d’une communauté d’appartenance spirituelle.
Bref, soi-disant pour ne pas rompre les équilibres démographiques (ce que l’on n’a pas hésité à faire en 94 avec le décret sur les naturalisations), les Libanais du dehors restent dehors. Il est dès lors un peu violent de leur demander de s’investir dans une mère patrie qui ne les reconnaît pas. Mais le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. Et il n’est pas exclu que la mission présidentielle revienne avec des résultats globalement positifs, même sans promettre la réintégration aux Libanais d’origine. À cette nuance près que dans de telles conditions, autre évidence, ils ne peuvent songer à aider que s’il règne dans le pays (lui-même tributaire des circonstances régionales) une sereine confiance.
L’idéal serait sans doute de donner corps à l’idée avancée naguère par l’avocat-député Nehmétallah Abinasr. Connu pour sa lutte, au nom de la Ligue maronite, contre le décret des naturalisations et les déséquilibres, il propose que 12 sièges supplémentaires, répartis à parité égale entre chrétiens et musulmans, soient prévus pour les expatriés à la Chambre. Afin que les émigrés se sentent plus fortement libanais et défendent à la fois les intérêts des colonies sur place et du pays au-dehors. Mais encore faut-il qu’ils aient la nationalité. Et pour cela il faudrait, tout d’abord, réhabiliter la décision de réintégration défendue jadis par l’ancien président Hraoui.
Philippe ABI-AKL
Sept ou huit millions de Libanais (d’origine) au Brésil. Deux fois plus de Libanais qu’au Liban. On le répète déjà beaucoup, à l’occasion de la visite présidentielle, mais on ne le répétera jamais assez : ce réservoir, ce potentiel, il ne faut pas le laisser en friche. Ni pour le bien des résidents ni pour le bien-être des détachés. Dont le chiffre, il faut vite le souligner,...
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