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Actualités - OPINION

ECLAIRAGE - La visite au Brésil nécessaire certes, mais tardive Un défi pour Lahoud : en finir avec une relation État-émigré purement platonique

Les proverbes, même les plus éculés, sont imparables. Mieux vaut tard que jamais s’applique ainsi comme un gant au périple brésilien de dernière minute (son mandat se termine, en principe, dans sept mois) qu’Émile Lahoud entreprend cette semaine dans le pays aux huit millions de Libanais, de première, deuxième ou troisième génération. Pourquoi était-il nécessaire que le chef de l’État entreprenne ce voyage ? Parce qu’il est indispensable de concrétiser, ne serait-ce que d’une façon embryonnaire, des mots sans cesse (et inutilement) râbachés à tous les niveaux de la République. Une République qui n’a jamais manqué une occasion pour rappeler en se pâmant l’importance et la richesse de la diaspora libanaise en général, brésilienne en particulier, ainsi que toute l’étendue d’une éventuelle contribution de sa part au redressement – financier surtout – du Liban. Concrétiser ces louanges, ces dithyrambes, ces œillades énamourées et ces incessants appels du pied en direction de la dizaine de millions de Libanais aux quatre coins de la planète ne veut pas – et ne peut pas – impliquer une seule présence, une fois tous les trois ou six ans, d’un chef d’État ou d’un Premier ministre à un dîner offert par tel ou tel consulat, une seule écoute attentive et intéressée des doléances des émigrés, ou des seules félicitations béates pour un parcours d’émigré ou un autre. Émile Lahoud devra faire nécessairement autre chose. Pour draguer un émigré, pour lui demander de contribuer, il faut aussi, et d’abord, lui donner. Le chef de l’État n’est certes pas parti les mains vides : il a promis hier matin, avant de décoller, de tout faire pour rassurer ce Libanais d’ailleurs, lui dire et lui redire que le Liban, « la mère patrie », peut résister et faire face à toutes sortes de pressions, qu’elle a réussi à conforter une stabilité sécuritaire, qu’il peut donc venir investir, ou revenir tout court, en toute tranquillité. Mais encore faut-il qu’il ait les mêmes droits (et donc les mêmes devoirs) que ces concitoyens enracinés dans le territoire national. Encore faut-il qu’il obtienne la nationalité libanaise. Qu’il puisse exercer son droit de vote. Parce que c’est seulement en légitimant l’émigré (et que l’on ne se leurre pas : ils ne sont pas nombreux ceux prêts à quitter leur terre d’accueil et tout ce qu’ils y ont construit pour une mère patrie qui n’a pas encore pansé, loin de là, ses blessures) que cet émigré consentira à écouter et sa raison et son cœur. Émile Lahoud se doit donc de se souvenir de la tournée brésilienne de son prédecesseur – de la volonté d’Élias Hraoui, rejetée par Rafic Hariri pour des raisons purement communautaires, de faire bénéficier les Libanais de souche de la nationalité libanaise. Il devra se souvenir que le Conseil des ministres a refusé il y a quelques semaines la proposition de loi Abinasr (12 sièges supplémentaires place de l’Étoile pour les expatriés d’origine libanaise) –, lequel a exhorté hier Nabih Berry, qui lui a répondu, tout naturellement, positivement, d’envoyer sa proposition en commission. Émile Lahoud devra penser également à la proposition de Serge TerSarkissian (confier le dossier des émigrés à 14 des 128 députés), et réfléchir, une fois qu’elle sera rendue publique, à la proposition de loi sur laquelle planche actuellement, pour la structurer, Salah Honein : retourner aux 108 députés prévus initialement par Taëf et en prévoir 20 autres issus de l’émigration. Sans compter qu’il lui faudra éviter de justifier et de glorifier, comme il compte le faire, la tutelle syrienne devant des personnes nourries au biberon de la démocratie, de la souveraineté et des libertés publiques dans leur conception occidentale. Parce qu’en réalité, il est effectivement inadmissible que cette relation entre l’État et l’émigré reste purement platonique. Le président Lahoud devrait pour cela écouter les bons conseils que ne refuserait jamais de lui donner, en la matière, un grand connaisseur : le patriarche Sfeir. Ziyad MAKHOUL
Les proverbes, même les plus éculés, sont imparables. Mieux vaut tard que jamais s’applique ainsi comme un gant au périple brésilien de dernière minute (son mandat se termine, en principe, dans sept mois) qu’Émile Lahoud entreprend cette semaine dans le pays aux huit millions de Libanais, de première, deuxième ou troisième génération.
Pourquoi était-il nécessaire que...