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THÉÂTRE - Variations modernes autour du « Chat botté » de Perrault, au Monnot « Al-Bessein », de Rifaat Tarabay : un amusant jeu dans le jeu

La troisième production des élèves de Kafaat, école des comédiens, qui apprend justement aux jeunes l’art d’évoluer sous les feux de la rampe. Après le pétillant Khatifa (Enlèvement), de Gérard Avédissian, et le morne Songe d’une nuit d’été, de Berge Fazlian, voilà aujourd’hui le tour de Rifaat Tarabay de signer une œuvre, d’une amusante virtuosité d’apprentis comédiens, même si les traits sont grossis au fusain, intitulée al-Bessein (Le chat) d’après Ludwig Tieek et traduite (librement et en toute délicieuse complicité de vieux compères de la scène) par Abbas Tarabay et Jalal Khoury. Titre aux phosphorescences vaguement claires puisqu’il nous ramène, avec malice et ingéniosité verbale, au célèbre conte fantastique du Chat botté de Charles Perrault. Variations modernes et jeu dans le jeu. Sans nul doute. Mais ici les cruelles (et drôles) narrations de l’enfance ont revêtu un autre caractère. Guère emphatique ou sérieux, mais baigné d’un humour absolument bon enfant. Certes, le canevas de l’histoire est bien là et perceptible avec son carrousel de comte, de princesse, de roi, de paysans, de cuistots et cuisinière mais le tout démantelé, disloqué, littéralement mis en pièces. Délibérément, avec humour, cocasserie et sans crainte parfois même du grotesque et de la pantomime. Délire des situations et des personnages pour une atmosphère délurée et joyeuse, où l’ironie, le sarcasme et l’absurde sont rois. Dialogues faussement décousus pour une brochette d’acteurs ravis de batifoler sous les spots tout à notre amusement et le leur… Scène nue et dépouillée, costume modeste et habit de tous les jours avec accessoires et décor pour quatre fois rien, pour cette fabulation menée tambour battant, avec plein d’agitation, de gesticulations, de cris, de surprises (charmantes souvent), de distances dosées, et qui prend un chemin de traverse désopilant tout en faisant un clin d’œil presque voyou (de gamins ou gosses pour qui jouer est un passe-temps innocent !) à ce qui est grave et sérieux… Comme pour extrapoler dans notre monde moderne une fiction qui n’est guère dénuée de morale. Pour ce texte « dramaturgique », vif et animé des tribulations d’un chat, l’idée première est celle d’un refus… Refus des convenances, des apparences, des faux-semblants, des subterfuges… Un peu comme un écho des œuvres pleines de mordant, de détachement et d’ironie de Ionesco et Beckett. Alors tout ce petit monde qui s’agite et palabre, c’est bien pour nous dire le fil ténu entre la vie et l’art, la réalité et la fiction… Sans artifice, avec conviction et un certain talent, sans timidité aucune, tous les acteurs (splendides de drôlerie naturelle), avec en tête du peloton Roméo el-Hachem et Avédis Séropian, ont jeté un authentique feu d’artifice dans la salle investie par eux jusqu’aux rangs du public qui s’amusait de leurs réparties les plus folles, les plus cocasses et les plus décontractées. Refaire le monde tout en riant, c’est toujours une attitude positive. Avec ce « chat » futé et agile, voilà une soirée de bon théâtre (quand on sait la tristesse et la misère du monde des planches dans cette innommable crise économique qu’est la nôtre) où, pour prouver son talent, il suffit (sans moyens faramineux ni prétention ennuyeuse) de quelques mots, d’un rai de lumière, d’un metteur en scène motivé et des acteurs de bon aloi. Edgar DAVIDIAN * Jusqu’au 15 février, les jeudi, vendredi et samedi à 20h30, dimanche à 16h. Tél.: 01/202422.

La troisième production des élèves de Kafaat, école des comédiens, qui apprend justement aux jeunes l’art d’évoluer sous les feux de la rampe. Après le pétillant Khatifa (Enlèvement), de Gérard Avédissian, et le morne Songe d’une nuit d’été, de Berge Fazlian, voilà aujourd’hui le tour de Rifaat Tarabay de signer une œuvre, d’une amusante virtuosité...