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Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - Récital de piano de Claudio Carbo Montaner à l’Assembly Hall (AUB) Angoisses et sortilèges ibériques

Un concert de piano qui sort des sentiers battus. En droite ligne de Valence, Claudio Carbo Montaner, deuxième prix du IXe concours international Infanta Cristina, a offert aux « pianophiles » libanais un récital ambitieux et qui fait fi des préférences de notre public, plus porté aux pages ibériques plus familières et proches d’un répertoire à consonance folklorique. De la musique espagnole exclusivement, bien entendu, mais pas seulement celle des compositeurs qui ont toute notre faveur et nos intempestifs « olé ! ». Au menu donc, des partitions modernes, aux tonalités stridentes et audacieuses, chargées d’angoisses et d’inquiétudes contemporaines avec un éventail d’œuvres où flamboient les passions, où luit le soleil, où retentissent les clameurs des arènes et où embaument les parfums des roses carmin de l’Espagne... Placé sous les auspices de l’Institut Cervantès, ce concert sous le chapiteau de l’Assembly Hall (AUB), par une soirée orageuse, avec un vent tordant les arbres du campus de l’université, a conjugué avec subtilité et sur toutes les gammes toutes les angoisses et les sortilèges ibériques à travers un voyage (une heure vingt minutes) sonore d’une grande diversité de paysages et d’atmosphères. Un air du pays de Lorca, inquiet, chaleureux, passionné et nostalgique. Sous les doigts de cet émérite chevalier du clavier ont défilé, en toute virtuosité, des pages d’Abril, de Castro, Aparisi, de la Cruz, Mompou, Albeniz, Granados et de Falla. La première partie du programme était entièrement réservée à des compositeurs espagnols contemporains presque tous inconnus de notre auditoire (très petit public ce soir-là, mais réceptif et recueilli). Accueil attentif pour ces pages révélant avec éclat les préoccupations modernes, brisant conventions et tabous, d’une Espagne émancipée et à l’écoute de tous les courants qui animent et secouent les pays voisins. D’Anton Garcia Abril, on écoute les deux mouvements de Dos Piezas Griegas aux accents orientalisants et doux, en se disant parfois que ce sont là des parcelles de maqamat. Plus résolument dissonante est la voix du vent à travers un passage El Aire où des accords vifs et sourds secouent l’auditoire avec des phrases parfois vibrionnantes qui se rapprochent du Vol du bourdon de Rimski-Korsakov. Suivent les Nocturnes de José Aparisi oscillant entre violence et tendresse pour clôturer la première partie avec Trazos del Sur de Zulema de la Cruz, œuvre fébrile et agitée, puissante mais hermétique, où les touches sont martelées pour suggérer la menaçante atmosphère d’une tempête qui s’approche à grands coups de tonnerre et d’éclairs. Et parfois, les notes deviennent gouttes de pluie qui tambourinent sur une vitre. À tel point qu’on regarde les vitraux pour s’assurer des rafales de vent et de la pluie qui tombe en trombe... Après un bref entracte, et ce brillant (surprenante technique pianistique pour affronter d’aussi redoutables partitions) survol de 1933 à 1958 de l’histoire musicale espagnole, voilà une Chanson et une danse de Fréderico Mompou où l’âme de l’Espagne, avec ses falbalas, ses mantilles et ses talons sur jupons à étagements, commence à pointer. Une Espagne habitée d’une vie intense, tragique, sublime, plombée par le soleil. Rythme, vivacité et couleurs locales brillent à nouveau sous les doigts du jeune pianiste de 27 ans. On noue avec Lavapiès (Suite Ibéria, 3er Cuaderno) d’Isaac Albeniz où se révèle un vibrant et farouche nationalisme teinté d’une poésie ardente et sensuelle. Toujours dans le même sillage se place El Pelele (tiré de l’immortel chef-d’œuvre Goyesca) d’Enrique Granados, où le piano a tous les miroitements de l’Espagne la plus profonde. Miroitements faits de la culture, des impressions et des images d’un peintre incomparable, de sa palette étourdissante et de ses toiles où la beauté et l’horreur voisinent intimement... Pour terminer, tout au plaisir du public, une suite tirée de L’amour sorcier de Manuel de Falla, où les battements de cœur sont sous influence de philtre d’amour et de magie. Possession, folie, romantisme ténébreux et délire passionnel sont l’apanage de ces pages où s’épanouit comme un tournesol au soleil tout le folklore andalou, dans une débauche de couleurs vives, de rythmes marqués et de sensualité sans retenue. On savoure les dernières phrases de la Danse rituelle du feu (entendue à toutes les sauces sans jamais nous brûler) mais ici d’une admirable pureté et d’une souveraine incandescence. Les dernières notes éteintes sous le froid mouillé par la pluie des grandes rosaces colorées, voilà deux bis pour continuer et prolonger une sobre feria, dont ce voluptueux et languide Tango d’Albeniz. Plaisir d’écouter une mélodie et des rythmes et envie d’imaginer l’ivresse des corps livrée à pareille musique, dégagée des contraintes du monde. Multo gracié senor Montaner. Edgar DAVIDIAN
Un concert de piano qui sort des sentiers battus. En droite ligne de Valence, Claudio Carbo Montaner, deuxième prix du IXe concours international Infanta Cristina, a offert aux « pianophiles » libanais un récital ambitieux et qui fait fi des préférences de notre public, plus porté aux pages ibériques plus familières et proches d’un répertoire à consonance folklorique. De...