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Actualités - CHRONOLOGIE

Libertés - L’étudiant aouniste empêché de s’inscrire à la faculté des sciences de l’UL Le cas Rock Mehanna, un précédent dangereux

La Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire (FDHDH) a tenu hier une conférence de presse sous la présidence de M. Waël Kheir, dans le cadre de laquelle elle a plaidé en faveur de la défense des droits académiques, en prenant pour exemple le cas spécifique de Rock Mehanna. Étudiant en biochimie à la faculté des sciences de l’Université libanaise de Fanar (UL-section II) et membre du Courant patriotique libre (CPL-aouniste), Mehanna avait été empêché, par le doyen de la faculté Antonio Khoury (membre du bureau politique kataëb de Saïfi), de s’inscrire pour suivre les cours à l’université durant l’année 2003-2004, après la fin de son service du drapeau. Une décision entérinée depuis par les différentes instances de l’UL qui se sont saisies du dossier : le conseil de section de la faculté, le conseil de facultés de l’UL, et le conseil de l’université, instance suprême. Prétextes invoqués pour empêcher l’étudiant de s’inscrire : Rock Mehanna « empêche la bonne marche des cours à la faculté et son inscription cache des motifs qui ne sont pas académiques, ce qui provoque des problèmes dangereux qui vont à l’encontre de l’intérêt supérieur de la section » (décision du conseil de section de la faculté en date du 15 octobre 2003). Mehanna est, entre autres, accusé par le doyen de la faculté de porter atteinte à la réputation de l’université, de procéder au commerce des manuels scolaires et de donner des cours particuliers aux étudiants du campus. « Il a obtenu sa maîtrise en chimie il y a sept ans et, depuis, il s’inscrit à la faculté pour mener des activités politiques (...) », affirme M. Khoury dans une lettre datée du 24 octobre 2003 et adressée au recteur de l’UL, Ibrahim Kobeyssi. Une lettre dans laquelle il accuse également l’étudiant d’avoir fait à plusieurs reprises « pression sur le corps enseignant et administratif de l’UL » à diverses occasions. L’affaire Rock Mehanna se poursuit depuis des mois et s’achemine lentement, mais sûrement, vers les tribunaux. D’autant plus que plusieurs juristes éminents et professeurs, à l’instar de l’ancien gouverneur de la BDL Edmond Naïm, de l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats Chakib Cortbawi, du magistrat Youssef Saadallah Khoury ou du secrétaire aux relations extérieures du Conseil exécutif la Ligue des professeurs à plein-temps Bassam Hachem, ainsi que l’ensemble des responsables estudiantins de l’UL, se sont solidarisés avec Mehanna, estimant que la décision d’Antonio Khoury est « de nature politique » et contrevient aux législations en vigueur. Les avocats de l’étudiant, Georges Nakhlé et Tony Nasrallah, envisagent même de présenter un recours devant le Conseil d’État dans les prochains jours pour permettre à Rock Mehanna de s’inscrire et de suivre les cours normalement à l’UL. Plusieurs zones d’ombre entourent son histoire : interdit d’inscription, il n’a même pas été déféré devant le conseil disciplinaire de l’université. Il a saisi l’Inspection administrative de l’UL, mais le rapport de cette dernière, que l’on murmure en faveur de l’étudiant, a été occulté, escamoté, bien que le recteur de l’université Ibrahim Kobeyssi en ait pris connaissance. Le conseil de l’université a voté contre Mehanna par 11 voix contre 7 et trois abstentions, sans justifier sa décision. Les sept membres qui se sont opposés à la décision d’Antonio Khoury représenteraient les tendances présentes au sein du Rassemblement de Kornet Chehwane. Ils ont d’ailleurs demandé à ce que leur refus soit publiquement dévoilé. Ce qui accrédite largement, pour certains, la thèse d’un règlement de comptes politiques. Kheir : Une vision dirigiste de l’université Prenant la parole, Waël Kheir ne mâche pas ses mots pour évoquer l’affaire Mehanna, qu’il replace immédiatement dans un cadre philosophique, en évoquant les deux conceptions de « l’université », libérale et dirigiste. L’université, dans l’esprit de l’école libérale classique, celui de Platon, d’Aristote, ou des scolastiques, est perçue comme un lieu de formation complète des élites, c’est-à-dire d’accomplissement personnel, de recherche de l’équilibre et de la connaissance. L’on y veille au développement des capacités physiques, morales et intellectuelles des citoyens de la « Polis ». Mais, poursuit Waël Kheir, avec l’essor de l’Allemagne hitlérienne, de l’Italie mussolinienne, et du stalinisme, c’est la conception fonctionnelle de l’université qui a pris le dessus. L’étudiant est orienté vers une spécialisation, sacrifié au nom d’une fonctionnalité au service du totalitaire, et n’est appelé à réagir que pour appuyer les manifestations organisées par le pouvoir. L’enjeu, entre les deux conceptions, est le respect des droits de l’étudiant, en tant qu’individu, en tant que citoyen possédant des droits civils. La première conception, précise le président de la FDHDH, a formé des étudiants soucieux de leur milieu politique et social, conscients, démocrates, portés à mettre en pratique leurs acquis, au service de revendications d’ordre civique. La seconde aboutit à une répression et une manipulation des étudiants, orientés désormais pour servir les intérêts du pouvoir, du parti unique ou des idéologies prégnantes. Et M. Kheir de trancher, lapidaire : « Mehanna est la victime d’un système dirigiste orienté. Son problème avec son université se réduit en pratique à une question d’inscription. Nous y voyons bien plus que cela : une confrontation entre deux systèmes universitaires, l’un formant des hommes libres et dotés d’une personnalité, l’autre transformant l’être humain en instrument au service des idéologies et du pouvoir. » Hachem : Un montage de la pire espèce Bassam Hachem, professeur à l’UL, n’hésite pas à prendre position en faveur de Rock Mehanna, un étudiant « exemplaire à bien des niveaux, notamment celui de l’action politique, noble et nationale ». « Le problème qui se pose réellement est celui de la réforme au sein de l’UL, qui est sujette à un laminage systématique. Les lois et valeurs sont mises de côté dans toutes les décisions. Tout se fait en fonction d’exactions. On ne sait pas comment les décisions sont prises. Les nominations sont arbitraires et ne prennent pas en compte les aspirations professorales », poursuit M. Hachem, pour qui, derrière l’affaire Rock Mehanna se cache en réalité la crise de toute une institution, phagocytée par ce qu’il appelle « les chancelleries qui sont au service de fantômes régionaux ». « Mehanna m’a tenu informé depuis le début de son problème. C’est un montage de la pire espèce qui ne tient à rien. L’affaire est montée de toutes pièces, d’éléments faux (...). L’étudiant a été expulsé de la faculté en 1998 pour avoir donné des cours particuliers rémunérés à certains de ses camarades dans un local hors du campus. Si ses camarades suivaient ses cours, c’est qu’ils en avaient besoin. C’est une médaille qu’il mérite pour cela, pas une expulsion », a-t-il indiqué. Et d’ajouter : « Antonio Khoury a réussi à imposer sa vision des choses au niveau de toutes les instances. Sa décision est inacceptable. L’action revient à priver un citoyen de ses droits civils et fondamentaux. Le problème, c’est que tout le monde, du sommet à la base, est nommé en violation des lois, par la même chancellerie. Notre combat en tant que professeurs, en faveur du rétablissement des conseils représentatifs, vise à ramener la légalité, la légitimité et le respect à l’UL. » Les étudiants de la section II solidaires De son côté, Rock Mehanna a posé toute une série de questions, demandant à ce que les zones d’ombre qui entourent son affaire soient dissipées. Mettant en exergue sa volonté de saisir le Conseil d’État, il s’est dit également prêt à se battre pour « obtenir des sanctions disciplinaires contre le doyen Antonio Khoury ». Georges Haddad, l’un des responsables au sein du courant aouniste, a également exprimé sa vision de l’affaire. Georges Nakhlé, qui avait déjà défendu la MTV, et qui défend actuellement Rock Mehanna, a estimé que son client « n’est pas visé personnellement dans cette affaire ». « C’est le droit à la liberté de penser et d’exprimer ses convictions politiques qui est en question. On empêche les étudiants de s’inscrire, et on les appelle par ailleurs à ne pas émigrer », a-t-il indiqué. Et de conclure : « Me Edmond Naim et moi sommes prêts à intenter un procès dans les 48 heures devant le Conseil d’État. Le but est d’obtenir, dans les jours qui viennent, l’inscription de Rock Mehanna à l’UL. Une autre procédure sera ensuite engagée sur le fond de l’affaire. Il faut que la décision de M. Khoury soit considérée comme nulle. » Enfin, les responsables estudiantins de la section II ont publié un communiqué commun soutenant Rock Mehanna. Les responsables ont stigmatisé, à partir de la tribune de la FDHDH, le comportement d’Antonio Khoury, fondé sur « un esprit de vendetta politique contre l’opposition » et qui « cherche à frapper le mouvement estudiantin à l’UL ». « Il nous a saisi tout le matériel de l’amicale sans justifier son acte », ont-ils conclu. Dans l’optique de l’intervention de M. Waël Kheir, les participants ont surtout exprimé une crainte majeure, fondamentale : que cette affaire ne fasse jurisprudence et, qu’à l’avenir, on prive des étudiants de la possibilité de suivre des cours pour les empêcher de mener une action politique qui ne serait pas conforme à la politique des responsables universitaires ou étatiques. « Les étudiants de toutes les appartenances et de toutes les tendances ont intérêt à se coaliser pour défendre Rock Mehanna. Ils n’ont qu’à penser que la même procédure injuste pourrait, à l’avenir, les prendre pour cible : il suffit pour cela d’un simple retournement de circonstances. Dans ce sens, tout le monde est concerné », a conclu M. Kheir. Michel HAJJI GEORGIOU

La Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire (FDHDH) a tenu hier une conférence de presse sous la présidence de M. Waël Kheir, dans le cadre de laquelle elle a plaidé en faveur de la défense des droits académiques, en prenant pour exemple le cas spécifique de Rock Mehanna. Étudiant en biochimie à la faculté des sciences de l’Université libanaise de Fanar...