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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Joindre portrait, svp

Pour piquante qu’elle soit, la prise de bec entre la députée Nayla Moawad et son collègue du Liban-Nord le ministre des AE Jean Obeid sur les aptitudes requises en vue d’accéder à la présidence de la République ne doit pas reléguer au second plan le plus important : c’est-à-dire le fait que pour la première fois depuis plusieurs décennies, une personnalité politique pose publiquement sa candidature à la magistrature suprême sans s’en remettre exclusivement pour cela, comme le veut le navrant usage, au verdict des chancelleries étrangères et autres faiseurs et défaiseurs de rois. Le fait est que l’on n’avait pas vu cela depuis les barouds d’honneur du regretté Raymond Eddé affrontant, « pour le principe », un Fouad Chéhab ou un Élias Sarkis qui, amplement nantis des soutiens régionaux et internationaux nécessaires, étaient pourtant assurés d’être élus par un Parlement traditionnellement fidèle au mot d’ordre du dernier quart d’heure. C’est que pour le leader du Bloc national, il était essentiel d’empêcher toute unanimité ou quasi-unanimité de commande, ne fut-ce que pour sauver les apparences et préserver coûte que coûte, même au prix d’une déconfiture garantie, les idéaux démocratiques. Il faut reconnaître bien sûr – et c’est tant pis pour la fierté nationale – que depuis l’indépendance, l’élection d’un président libanais n’a jamais été vraiment le fait des Libanais : les Britanniques d’abord, les Américains ensuite en coordination avec l’Égypte nassérienne, ont réussi à imposer leurs poulains, que leur choix fût ou non entériné par quelque authentique adhésion politicienne ou populaire. Depuis 1976, ce statut de grand électeur revient en priorité, comme on sait, à la Syrie, laquelle doit tenir compte cependant des préférences ou vetos de l’Oncle Sam. Dans quelles proportions ce pouvoir de sélection et d’élection est-il partagé entre ces deux improbables compères ? Au vu du contexte du moment, notamment de l’état des relations entre Washington et Damas et c’est bien pourquoi d’ailleurs l’échéance de 2004 revêt un caractère des plus exceptionnels. Car il y a d’une part une Amérique qui claironne ses ambitions planétaires, qui vient de conquérir l’Irak après l’Afghanistan et qui prétend contraindre toutes les dictatures de la région à se libéraliser ; et d’autre part une Syrie alarmée certes par l’invasion de l’Irak et le stationnement de GI’s à sa frontière, mais qui croit posséder encore assez d’atouts pour se poser à nouveau en partenaire incontournable, conformément au vieux slogan du régime baassiste : « Avec nous ce n’est pas toujours commode mais sans nous, quelle pagaille »... Derniers à avoir voix au chapitre, les Libanais restent néanmoins les premiers concernés par le choix de leur président, et c’est précisément là que l’initiative de Nayla Moawad revêt toute sa valeur. Car nous sommes parfaitement en droit de savoir qui exactement se porte sérieusement volontaire pour Baabda, d’examiner le profil des présidentiables, d’évaluer leurs qualités et défauts, leur passé et leurs visions d’avenir, de scruter leur réputation et leur degré de transparence. Ces candidats embusqués, on aimerait les voir renoncer aux formules toutes faites sur l’unité nationale, la primauté de la loi, la communauté de destin avec la Syrie et la libération du Liban-Sud spolié pour nous entretenir de questions autrement plus précises et pressantes. On aimerait les entendre nous promettre de sévir contre les divers racketteurs de haut vol, d’assainir l’appareil judiciaire, de rétablir pleinement l’autorité étatique sur chaque pouce de territoire, de faire de sorte que ce ne soit plus le Hezbollah qui décide souverainement de la paix ou de la guerre à la frontière méridionale. Allez, sortez donc de l’ombre Messieurs les candidats, déclarez-vous, déclinez-vous : non point bien sûr que l’impression impérissable que vous laisserez, à n’en pas douter, auprès des citoyens vous tiendra lieu de plébiscite et vous dispensera d’autres appuis, aussi décisifs que discrets. Mais il faut bien que les mœurs politiques se mettent à changer, que notre système s’applique à singer plus crédiblement les démocraties, qu’un jour le président du Liban soit agréé aussi par les Libanais. Ce jour-là peut-être, on pourra se prendre à espérer que les puissances, à côté de leurs cyniques calculs, se soucieront pour le moins de tâter le pouls d’une opinion complètement occultée pour l’heure. Et d’inclure au nombre des paramètres guidant leurs choix les comportements politiques nouveaux apparus entre-temps sur la scène locale. Ce n’est pas tout , pour les as de l’illusion, de tirer tous les six ans l’heureux lapin de leur chapeau : pour peu en effet que s’éduque et s’émancipe le public, les plus habiles des magiciens sont tenus de varier leur répertoire.
Pour piquante qu’elle soit, la prise de bec entre la députée Nayla Moawad et son collègue du Liban-Nord le ministre des AE Jean Obeid sur les aptitudes requises en vue d’accéder à la présidence de la République ne doit pas reléguer au second plan le plus important : c’est-à-dire le fait que pour la première fois depuis plusieurs décennies, une personnalité politique...