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CORRESPONDANCE La réponse d’une geisha à un romancier américain

WASHINGTON-Irène MOSALLI Qui a dit qu’une geisha est soumission et acquièscement ? Sûrement pas l’une des plus célèbres entre toutes, la gracieuse Mineko Iwasaki, qui, dans un livre qu’elle vient de publier sous le titre Geisha, une vie, répond à Arthur Golden, auteur, lui, de Mémoires d’une geisha. Pour cet ouvrage, paru il y a cinq ans et devenu un best-seller, Golden avait longuement interviewé Mineko Iwasaki pour relater son existence. Il l’avait publiquement remerciée pour « avoir rectifié ma fausse perception de la vie d’une geisha ». Mais il semble que le modèle original ne se soit pas retrouvé dans les écrits du romancier américain. Elle s’est donc octroyée tout le temps nécessaire avant de prendre la plume pour évoquer sa propre version des faits. Elle a surtout voulu « déglamouriser » l’image que l’Occident aime à donner des geishas. Elle insiste qu’une geisha est avant tout une artiste, une ambassadrice des traditions esthétiques, extrêmement raffinée et dûment entraînée à ce rôle. Mineko Iwasaki donne une version très policée et très étudiée de son existence, même si elle évoque ses traumatismes d’enfant, un amour fou qu’elle a laissé au vestiaire et une décision calculée de se retirer (à 29 ans) de l’univers geisha pour se marier et fonder une famille. Aujourd’hui, elle vit avec son mari et leur fille dans la banlieue de Kyoto. Néanmoins, elle continue de ressentir la nostalgie de ce qu’elle a été. Elle ne se démet jamais de son sens de l’esthétique et de sa réserve, et même lorsqu’elle parle des rapports des geishas avec les hommes, elle insiste qu’ils « n’impliquent pas nécessairement des faveurs sexuelles. Mais bien sûr, lorsque vous mettez une femme belle, élégante et cultivée en présence d’hommes riches et puissants, vous ne pouvez pas vous attendre à ce qu’il n’y ait pas d’étincelles ». Plaisirs esthétiques et art de la perfection Ses confessions sont ainsi faites avec métaphores et retenue, sans la moindre dose de spontanéité et d’émotion. Alors que dans le livre d’Arthur Golden, sa réalité et son naturel sont plus palpables. Sa vie n’en demeure pas moins digne d’intérêt, dans l’une ou l’autre version. Célébrée comme la plus illustre geisha de son temps, Mineko Iwasaki (née en 1949 et la plus jeune de ses 10 frères et sœurs) n’avait que cinq ans lorsqu’elle avait quitté la maison de ses parents pour être formée à la vie qui allait être la sienne. Sa beauté et son intelligence aidant, elle excelle dans son initiation, englobant l’apprentissage de danses et de musiques anciennes ainsi que de plusieurs langues étrangères et l’art de tenir une conversation. Sans compter l’habileté d’arborer un costume pesant 20 kilos, tout en étant perchée sur des sandales en bois. Elle devient la geisha la plus sollicitée. Avec un carnet de rendez-vous bien rempli, elle était arrivée à gagner l’équivalent de 500 000 dollars par an et à côtoyer les grands de ce monde : rois, princes et tycoons du monde des affaires. En pleine gloire, elle décide de prendre sa retraite. Mineko Iwasaki décrit également les origines du «gion kobie» à Kyoto (le quartier des geishas) et les nuances du système sociopolitique gérant la vie, dans les années 60 et 70, de ses hôtesses uniques dans leur genre. Selon elle, le plus grand défi pour une geisha est de «transcender ce que, personnellement, l’on aime et ce que l’on n’aime pas et l’habiller d’affabilité». Elle dit aussi qu’une geisha est « un roseau exquis qui se plie au service des autres ». Ce qui ne l’a pas empêchée d’avoir toujours été une femme déterminée. Et si elle n’était pas entrée dans le « karukaï », ces maisons de « plaisirs esthétiques » qui ont fonctionné durant les trois derniers siècles, elle aurait aimé être une religieuse bouddhiste ou un agent de police.
WASHINGTON-Irène MOSALLI

Qui a dit qu’une geisha est soumission et acquièscement ? Sûrement pas l’une des plus célèbres entre toutes, la gracieuse Mineko Iwasaki, qui, dans un livre qu’elle vient de publier sous le titre Geisha, une vie, répond à Arthur Golden, auteur, lui, de Mémoires d’une geisha. Pour cet ouvrage, paru il y a cinq ans et devenu un best-seller,...