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Actualités - OPINION

Joumblatt réchauffe une scène politique un peu trop frigorifiée

Certes, la trêve interprésidentielle est bienvenue. Mais les frimas de février gèlent un peu trop, en la paralysant, une scène locale qui devrait être normalement bien plus animée. « À cause, à cause d’une femme » qui aurait pour nom Dame présidentielle. C’est Joumblatt qui, une fois de plus (une fois de trop ?), joue les chauffeurs. D’échafaudages savants : le seigneur de Moukhtara, qui allume le gouvernement comme premier combustible, se garde d’en retirer ses ministres. Parce que cela indisposerait les décideurs. Ou, si l’on préfère, parce que c’est tout simplement interdit. Donc Joumblatt, qui réendosse le costume du contestataire, voire du révolutionnaire tout crin, tire à vue sur tout ce qui bouge. Mais à blanc. C’est l’impression que laissent ses dernières interventions publiques, dont sa prestation de jeudi sur LBCI. Retour à la muse du poète, à la présidentielle. Avec son franc-parler coutumier, Joumblatt souligne sans ambages que l’option de la reconduction est impopulaire. Mais qu’il n’hésiterait pas pour sa part à nager à contre-courant pour appuyer le renouvellement du mandat Lahoud s’il apparaissait que « le choix final », sous-entendu des décideurs, va dans ce sens. Il précise d’ailleurs que cela pourrait éventuellement résulter des réactions syriennes aux pressions US, que Joumblatt qualifie de siège en règle. Pour lui, il ne fait aucun doute que la carte de la présidentielle libanaise dépend des circonstances extérieures. Il ajoute que la Syrie joue dans ce cadre un rôle primordial. Il y a là, de sa part, le courage de dire les choses comme elles sont. Mais peut-être pas de les faire comme elles devraient l’être. Le vieux clivage entre Racine et Corneille, en somme. Sur un plan intrinsèquement interne, Joumblatt n’est pas content de ses partenaires dits de la ligne nationale, et le leur fait savoir. Il estime même qu’il y a lieu de procéder, comme jadis le Baas en Syrie, à une opération de correction de trajectoire. Et il propose de la confier à une « troisième voie », qui développerait son action à l’ombre des lois et des postulats locaux. Sans que cela ne puisse perturber Damas. Cependant, nonobstant ses gages réitérés de fidèle loyauté, Joumblatt n’exclut pas de présenter la candidature à la présidence de la République d’un des membres de son bloc de 17 députés. Il affirme à ce propos que la décision lui revient en propre. Et qu’il récuse pour sa part les on-dit selon lesquels il serait parmi ceux qui obéiraient à un quelconque mot d’ordre. Il serait dès lors intéressant de voir quel tout vont prendre les choses dans ce domaine. Mais déjà Joumblatt se démarque des autres pôles alliés à la Syrie, en mettant l’accent plutôt que la sourdine sur la présidentielle. Un sujet brûlant que Damas a pourtant recommandé de laisser de côté pour le moment. Joumblatt rue-t-il pour autant dans les brancards ? Pas tout à fait, car, comme les téléspectateurs ont pu le constater, il s’entoure, à chaque petite phrase, de précautions oratoires, pour n’avoir jamais l’air de défier les décideurs. Certains observateurs n’excluent pas d’ailleurs qu’il y ait eu quelque part coordination, sinon répartition des rôles. En effet, Joumblatt insiste sur un point de lucidité que les dirigeants syriens partagent : la région étant en phase évidente de transition, sinon de mutation, il faut prévoir des changements extérieurs variés, de possibles nouvelles équations. Qui n’iraient pas sans effet sur la scène intérieure libanaise, qui risque de se retrouver ouverte à tous les vents. Joumblatt, à l’instar d’ailleurs des Syriens, lance dès lors un appel pressant pour consolider cette même scène et l’unifier. Sans paraître se rendre compte que certains de ses propres propos pugnaces ne vont pas très exactement dans ce sens précis. Il n’est donc pas étonnant que les piliers de Kornet Chehwane aient de suite relevé les contradictions joumblattiennes. Ils ajoutent, pour faire bonne mesure, que son discours est émaillé non seulement d’erreurs (pour ne pas dire de contre-vérités), mais aussi de propositions qui ne se fondent pas sur des données pointues. Autrement dit, moins poliment, des vues fantaisistes. Ces sources rappellent que les précédentes tentatives de rapprochement avec Joumblatt avaient capoté suite aux liens de l’intéressé avec les décideurs. Mais ce scepticisme n’est pas général. D’autres instances politiques estiment qu’il faut peut-être donner sa chance à la « troisième voie » dont Joumblatt propose la mise en place. Pour sortir des clivages stériles. Mais également, selon ces personnalités, pour neutraliser les visées américaines de changement dans les pays de la région. Ces cercles ajoutent qu’il y a des efforts loyalistes de rabibochage avec Kornet Chehwane. Ainsi, indiquent-ils, Nasser Kandil, naguère fer de lance de l’hostilité à la Rencontre, a rencontré récemment Amine Gémayel. Dans le cadre d’une ouverture de dialogue généralisé, pour tourner une page relationnelle grise. En faisant fructifier, pour ainsi dire, les positions de Bkerké concernant l’Irak et rejetant les pressions US sur la Syrie. Ce qui, sans nul doute, a contribué à l’actuelle excellence des rapports entre Bkerké et Baabda. Ce que pourrait illustrer la participation du chef de l’État à la messe de la Saint-Maron, cérémonie à laquelle il se fait habituellement représenter. Philippe ABI-AKL
Certes, la trêve interprésidentielle est bienvenue. Mais les frimas de février gèlent un peu trop, en la paralysant, une scène locale qui devrait être normalement bien plus animée. « À cause, à cause d’une femme » qui aurait pour nom Dame présidentielle. C’est Joumblatt qui, une fois de plus (une fois de trop ?), joue les chauffeurs. D’échafaudages savants : le...