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Actualités - ANALYSE

Hariri hier chez Lahoud : encore un Conseil des ministres calme et serein aujourd’hui Attentisme et inaction... jusqu’au mot d’ordre syrien sur la présidentielle

L’accalmie de Noël au sein de l’Exécutif a tenu bon, une fois sabrées toutes les bouteilles de champagne. Elle semble même vouloir durer, cette « paix des braves », continuer jusquà l’Adha, la Chandeleur, Pâques, peut-être même le 1er mai... Mais pas au-delà... Certainement pas au-delà : la présidentielle arrive, lentement, sûrement. En attendant, les pôles de l’Exécutif s’installent, plus ou moins confortablement, plus ou moins sereinement, dans cette espèce de cocon doré et sans doute terriblement ennuyant qu’est « la trêve ». Ennuyant parce que, pour l’instant, ne sont privilégiées que les apparences. Au détriment, grave, des véritables priorités, des vrais dossiers, des urgences. Ennuyant pour les happy few qui vivent cette trêve comme pour les trois millions de Libanais qui la regardent résignés, parce que les présidents se (re)voient beaucoup, parlent autant, multiplient les assauts de courtoisie et de bon voisinage – jusqu’à aller inaugurer, ensemble, des instituts flambant neufs qui ne nourriront pas grand monde... Tout en rivalisant de prévention et de tact : plus aucun dossier litigieux – donc important – ne viendra gâcher les réunions à Trente. Ainsi, hier, le chef de l’État a-t-il reçu le Premier ministre. À Baabda. Pour un nouvel épisode de ces RCM, ces « Rencontres consultatives du mercredi », que Rafic Hariri avait boudées pendant longtemps. Petit tour d’horizon pour les deux hommes, qui a englobé les points inscrits à l’ordre du jour du Conseil des ministres d’aujourd’hui, ainsi que le problème des énormes arriérés – 889 milliards de livres libanaises ! – que doit l’État à la CNSS et les mesures adoptées à la suite du crash de Cotonou. Cerise sur le gâteau : des sources officielles proches de la présidence de la République ont écarté tout éventuel sujet hors ordre du jour qui viendrait s’immiscer dans la séance d’aujourd’hui, hormis la scandaleuse négligence à l’encontre de la Sécurité sociale, que pourrait soulever Assaad Hardane, le ministre de tutelle. Apparences soignées donc, lissées, et un peu trop de bavardage. À l’heure où de plus en plus de personnalités, à commencer par le bienvenu Walid Joumblatt, se décident à dire tout haut ce que l’ensemble des Libanais pense tout bas – que le gouvernement pourrait être en partie responsable du crash, que des « personnages puissants » ont une part importante de responsabilités qu’il leur faudrait assumer, etc. –, et à l’heure où bien des parties essaient de se dérober aux leurs, le chef de l’État et le président de la Chambre – dans le cadre de l’autre rituel du mercredi, beaucoup plus régulier celui-là – ont beaucoup parlé. De l’accident de Cotonou. De ses conséquences. De la nécessité de renforcer la représentation libanaise en Afrique et d’organiser des vols MEA entre l’Afrique et le Liban... Il n’y a pas que les deux pôles de l’Exécutif qui soient devenus aussi prompts à privilégier les (trop) jolies apparences. Nabih Berry a tenu à affirmer, au sortir de son entretien avec le locataire de Baabda, que l’enquête doit suivre sereinement son cours, que les responsables devront être punis, les indemnités payées (certaines mauvaises langues assurent que le n° 2 de l’État aurait promis d’assurer ces indemnités aux familles des victimes « avant » que ne soient rendus publics les résultats de l’enquête censés déterminer précisément la partie responsable), etc. Nabih Berry a même été jusqu’à demander « plus d’actes, et moins de mots »... Tout cela est certes bien beau, mais à quand ces actes ? Que chaque Libanais est en droit d’attendre non seulement de l’Exécutif en général et du gouvernement en particulier, mais également du Législatif dans son ensemble – sans parler, bien naturellement, de la justice. Empêchée sciemment par le pouvoir de travailler, l’opposition n’a plus que ses mots. Souvent judicieux, comme ceux de certains de ses pôles, qui ont estimé, à juste titre, que la fin des tiraillements, la consolidation de la trêve et tout le reste sont des conditions nécessaires, mais loin d’être suffisantes si l’on veut tenter de ressusciter le pays. Qui a besoin de mesures concrètes : de dossiers litigieux réglés. En gros, respecter la trêve ne doit absolument pas signifier se tourner les pouces. Bien au contraire. Et pour ces opposants, il est grand temps que l’ère de la trêve se transforme en chantiers de travail. Que le régime rattrape le temps perdu, l’immobilisme, la paralysie, le gel, conséquences directes des scènes de ménage épiques de l’Exécutif. Que ce pouvoir pense à mettre sur pied un plan global de sauvetage, qui toucherait aussi bien le politique que l’économique. D’ailleurs, Kornet Chehwane semble – heureusement – ne plus vouloir attendre que les choses lui tombent du ciel : Boutros Harb prépare un rapport politique et cheikh Michel el-Khoury un rapport économique, sans oublier le dossier des municipales, auxquelles KC tiendrait – dans sa majorité – comme à la prunelle des yeux de ses membres. Ce n’est évidemment pas le travail qui manque aux dirigeants et autres responsables libanais. Quelles que soient les raisons, différentes et variées, qui poussent l’un ou l’autre des pôles de l’Exécutif à se rattacher à la trêve, le gouvernement se doit désormais de privilégier les actes. Pas la peine d’aller chercher bien loin, ou à faire compliqué (et litigieux) quand on a décidé qu’on allait faire simple (donc consensuel) : il y a, aux programmes des Conseils des ministres, la reconstruction du CDR ; le projet de fusion des banques ; celui de l’information ; celui, évidemment, de la CNSS (ce sera un test pour la réunion des Trente d’aujourd’hui) ; le projet du plan directeur pour les carrières ; le dossier des déchets solides ; le cellulaire, etc. Et avec tout cela, ce constat d’un diplomate arabe en poste à Beyrouth : « Tous les hommes politiques libanais essaient aujourd’hui de tuer le temps, et d’attendre. D’attendre le mot d’ordre à propos de l’élection présidentielle, et qui viendra de Damas. Personne aujourd’hui ne veut livrer de batailles gratuites et inutiles. » Personne, et encore moins un des principaux intéressés : Rafic Hariri. Les interrogations vont bon train, dans le landernau politique, sur le calme et la placidité du Premier ministre depuis un certain temps, et son attachement quasi indéfectible aux diktats de la trêve. On s’interroge donc, on débat même. Pour les uns, Rafic Hariri est désormais convaincu qu’Émile Lahoud rempilera pour un second mandat, et qu’il ne peut, personnellement, rien y faire. Qu’il vaut mieux donc accepter le fait accompli. Pour les autres, le Premier ministre « dort sur du velours », persuadé qu’il est hors de question que l’on amende la Constitution. Qu’il n’a donc qu’à... attendre la fin du mandat, parce que toute politique qui dévierait de cet attentisme précautionneux pourrait se retourner contre lui, l’exclure du jeu présidentiel, le faire, même, perdre son Sérail. Espérons simplement que les uns et les autres auront la bonne idée de profiter de leur longue attente pour penser gérer le pays au mieux de leurs capacités. Ce serait bien un minimum (présidentiel) syndical. Ziyad MAKHOUL
L’accalmie de Noël au sein de l’Exécutif a tenu bon, une fois sabrées toutes les bouteilles de champagne. Elle semble même vouloir durer, cette « paix des braves », continuer jusquà l’Adha, la Chandeleur, Pâques, peut-être même le 1er mai... Mais pas au-delà... Certainement pas au-delà : la présidentielle arrive, lentement, sûrement.
En attendant, les pôles de...