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Quelles sont les chances de voir renaître l’Université libanaise ?

«Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. » Ces mots de Kipling, le président de la Ligue des professeurs à plein-temps de l’Université libanaise, Charbel Kfoury (49 ans), pourrait bien les adopter comme devise, tant il a conscience que le combat qu’il mène avec ses collègues est, de prime abord, difficile. Établir un îlot de démocratie à l’Université libanaise, alors que le pays tout entier est ravagé par le clientélisme, pour ne rien dire de la corruption, semble en effet une entreprise désespérée.
Or c’est bien de cela qu’il s’agit. La loi sur l’UL accorde au conseil de l’Université une marge d’autonomie de décisions, que le Conseil des ministres a confisquées, en 1997, en se les attribuant par décret, ce qui constitue, déjà, une entorse à l’État de droit et à la démocratie.
On voit mal comment ces prérogatives pourront être rétablies, compte tenu de l’autoritarisme avec lequel le pays est gouverné, et de l’application discrétionnaire de la loi auquel on nous a habitués.
« Nous n’avons pas d’autre choix », souligne pourtant M. Kfoury, un professeur de la faculté de génie, membre du Bloc national, en parlant du mouvement revendicatif. Élu en juin 2002 pour un mandat de deux ans, pour s’exprimer au nom de ses collègues, Kfoury insiste que c’est là le corps du sujet, au-delà de toutes les revendications corporatistes. Il ne peut que confirmer la perte d’autonomie de l’UL et les ingérences politiques qui l’ont exposée au clientélisme et aux impératifs de l’équilibre confessionnel. Il note, pour l’exemple, que 11 des 14 doyens de l’UL exercent leurs fonctions dans d’autres facultés que celles où ils enseignent.
En réclamant un budget respectable, ce que les professeurs de l’UL font, en fait, c’est défendre le niveau académique de l’université, face aux grandes universités privées et à la multitude d’universités-boutiques et d’instituts d’études supérieures qui ont poussé, ces dernières années, comme des champignons, au point qu’on répertorie une quarantaine d’universités pour un Liban de quelque 4 millions d’habitants.
La liste des universités n’est pas encore close, puisque deux établissements au moins sont en projet : une université grec-catholique et une université druze. Notons cependant que le chef du PSP, Walid Joumblatt, a objecté pour le principe face à la création d’une université druze.
Les professeurs sont conscients en effet qu’avec le budget actuel, 153 milliards de LL, et malgré l’excellence du nombre de professeurs, aucun relèvement du niveau académique n’est possible, puisque 92 % de ce budget va aux traitement des 3 000 professeurs et des 3 500 fonctionnaires de l’UL.
Ils notent que les fonds consacrés à la recherche, dans les grandes universités, peuvent représenter presque 40 % du budget général.
En fait, selon M. Kfoury, les professeurs croient déceler une volonté délibérée des autorités publiques de « vider l’université », puisque les professeurs qui, année après année, prennent leur retraite, ne sont pas remplacés par de nouveaux venus.
Aux critiques qui leur ont été adressées, notamment par une partie des étudiants qui ne s’est pas sentie consultée, les professeurs répondent que leur mouvement de grève est dans l’intérêt de ces derniers. Mais après deux semaines de grève et de cours manqués, leur marge d’action se rétrécit et, si le gouvernement continue de faire la sourde oreille, les professeurs de l’UL pourraient se retrouver dans l’impasse, avec une excellente cause, mais sans les appuis nécessaires pour la faire triompher.

Fady NOUN
«Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. » Ces mots de Kipling, le président de la Ligue des professeurs à plein-temps de l’Université libanaise, Charbel Kfoury (49 ans), pourrait bien les adopter comme devise, tant il a conscience que le combat qu’il mène avec ses collègues est, de prime abord, difficile. Établir un îlot de...