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FORMATIONS - Des anciens militants confient leur blues et font un constat terrible Les partis sont bloqués et ne servent plus qu’à défendre le système

Un congrès reporté pour cause de crainte d’éclatement, des élections internes peu crédibles, un programme introuvable et des slogans on ne peut plus pompeux, les partis libanais traversent une crise sans précédent, même s’ils seraient les derniers à le reconnaître. Il est bien loin le temps où les partis dits de masse mobilisaient les foules. Aujourd’hui, on a l’impression que ce sont les mêmes qui louent leurs services pour relever le taux de présence dans chaque congrès partisan et permettre aux partis de sauver plus ou moins la face. Mais la base ne suit plus et la rue est ailleurs. Un constat à méditer pour ceux qui s’apprêtent à célébrer en grande pompe des anniversaires de fondation ou à organiser des congrès d’où le débat réel est absent.
Les années de guerre, mais surtout celles d’après-guerre, et la défaite de tous les mouvements libanais ont miné les partis, qui n’arrivent plus à convaincre les adhérents et ne sont plus que des tremplins politiques pour personnes à la recherche d’un rôle. C’est là l’opinion de plusieurs anciens militants interrogés au hasard des rencontres et qui ne sont plus aujourd’hui que des partisans à la retraite, recyclés dans le monde des idées, une denrée rare de nos jours.
La raison de cette situation négative pour les partis ? La prééminence des intérêts particuliers sur l’intérêt général, affirment les militants déçus, qui considèrent toutefois que la Syrie joue aussi dans ce domaine un rôle ambigu…
Les réunions des partis, qu’il s’agisse de congrès importants ou de meetings collectifs, ne suscitent plus qu’une vague d’ennui chez les citoyens. Il est bien loin le temps où ils étaient tous suspendus à la moindre décision de ces formations qui avaient pourtant le vent en poupe pendant les années de guerre.

La guerre a mis
en évidence les lacunes
Que s’est-il donc passé pour que, depuis quelque temps, les partis jadis si puissants aient perdu toute influence sur la population ? Au point de n’être souvent plus qu’une myriade de miniformations, vivant sur les vestiges d’une grandeur passée, n’offrant aux citoyens qu’une carcasse encore décente, mais dont l’intérieur est en ruine.
Élias Atallah fait partie de ces militants qui ont beaucoup réfléchi sur la question. Mais contrairement aux autres, il ne cherche pas à rester dans l’anonymat, assumant totalement son analyse critique de la situation. Membre du PCL, il assiste aujourd’hui au pourrissement de ce parti, jadis si influent sur la scène libanaise, et à la démobilisation des foules. Pour lui, la guerre a montré les lacunes des partis par rapport à la population. Pour les pousser à la lutte, ils savaient trouver les slogans mobilisateurs, mais une fois la guerre finie, ils ont montré les limites de leur action.
Le parti Kataëb, jadis parti social par excellence, s’est retrouvé ainsi enfermé dans l’identité chrétienne, allant même jusqu’à prôner, à un moment donné, « l’État de la domination chrétienne ». Le PCL, lui, n’a pas respecté sa laïcité ni son mot d’ordre de défendre les plus démunis au profit d’une classe dirigeante, qui ne pensait plus qu’à ses propres intérêts. Au PSP, il y a aussi une crise de confiance entre la base et le commandement. Pendant la guerre, la base a souffert puis elle a découvert que les slogans pour lesquels elle s’est sacrifiée n’ont rien à voir avec la situation actuelle.
Tous les partis parlent aujourd’hui de démocratie et la réclament pour le pays, alors qu’elle est absente de leurs structures.

Des structures internes
antidémocratiques
Au fil de l’après-guerre, les partis ont modifié leurs structures internes de manière à permettre aux commandements d’agir sans le moindre contrôle. Or, c’est par là que devrait commencer la démocratie. Elle ne peut être parachutée et doit commencer dans les institutions de la société civile, avant de s’étendre aux régimes. Ce n’est donc pas par hasard si toutes les structures de la société civile souffrent aujourd’hui d’une absence totale de démocratie. Qu’il s’agisse des partis, des syndicats ou des divers groupes et sociétés. Dès qu’un responsable est en place, il ne songe plus qu’à se maintenir à son poste, dans le public comme dans le privé, et pour éviter d’être délogé, son principal souci est de geler les structures internes.
La Syrie a sans doute profité de ces faiblesses pour mieux contrôler les formations, même si elle n’est pas à l’origine du mal.
Ce n’est pas la Syrie qui a incité, par exemple, le PCL à procéder à un montage qui permet à sa direction de renforcer son emprise et, à travers le congrès général (il est actuellement prévu pour la fin décembre), de se donner un nouveau blanc-seing. Mais la Syrie, où les partis vivent une crise encore plus grave, ne voit certes pas d’un mauvais œil la paralysie des formations libanaises.

Des scissions pour pouvoir s’exprimer
La crise touche désormais tous les partis, au Liban et dans le monde arabe, puisque aucun d’eux ne veut reconnaître l’existence d’une minorité en son sein. Il n’y a même plus de distinction entre la nécessité d’exécuter les décisions et la liberté de conviction. C’est d’ailleurs ce qui pousse les groupes minoritaires à faire scission. Il n’y a jamais un bilan présenté à la base et une confusion totale des pouvoirs au sein des partis, de sorte qu’ils sont tous contrôlés par leur commandement.
Ce qu’il faudrait, selon Élias Atallah, c’est une autocritique interne, sincère et totale, et l’adoption de nouvelles structures internes, qui favorisent la diversité, le dialogue, l’alternance et surtout l’honnêteté avec la base. Car celle-ci n’a plus confiance dans les dirigeants, qui falsifient sa volonté et la détournent de ses combats. Un parti qui ne favorise pas un débat interne est un parti totalitaire, et lorsqu’il empêche l’ouverture, il est carrément dictatorial.
Aujourd’hui, les partis en sont réduits à n’être plus que des prolongements du régime. Lorsque celui-ci a besoin de se défendre, il fait appel à eux et ceux-ci obligent leurs derniers militants à descendre dans la rue pour protéger le système, mais ils ne sont plus les défenseurs des intérêts des citoyens ; il n’y a plus d’idéologie ni même d’idéal. Même les institutions pour les jeunes ont des directions en place depuis des années. Quant aux associations féminines, leurs comités de direction sont inchangés depuis des lustres. Tout est bloqué, paralysé, et les citoyens ne se sentent représentés nulle part. Ils préfèrent donc se rabattre sur des formations plus étroites, plus ciblées, plus confessionnelles, en somme, dans une régression évidente par rapport aux idées modernes. La poudre aux yeux ne trompe plus personne. Mais le remède reste toujours inaccessible. Qui est à l’image de qui ? Les partis ou l’État ? La réponse n’intéresse d’ailleurs plus personne, tant c’est l’ensemble du système qui semble pourri. Aux élections, toutes les formations préfèrent désormais le consensus, quand ce n’est pas la prorogation pure et simple.
Mais il serait bon de se rappeler, de temps en temps, que la vraie démocratie commence dans les structures de la société civile. C’est par là que le sursaut doit commencer.
Scarlett HADDAD
Un congrès reporté pour cause de crainte d’éclatement, des élections internes peu crédibles, un programme introuvable et des slogans on ne peut plus pompeux, les partis libanais traversent une crise sans précédent, même s’ils seraient les derniers à le reconnaître. Il est bien loin le temps où les partis dits de masse mobilisaient les foules. Aujourd’hui, on a...