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Beyrouth à l’écoute des rapports entre les grands électeurs US et syrien 2004, année de la présidentielle : l’heure est à la prospective

Comme Loth, il ne faut pas regarder derrière soi. Annus horribilis en termes de politique locale, 2003 a vu la dette nationale s’élever à 35 milliards de dollars. Sans doute un record absolu, vu l’exiguïté du pays, digne du Guiness Book. Ce pic n’a pu être atteint que grâce aux efforts, conjugués autant que contraires, de dirigeants animés d’une rare émulation désintéressée au service de la juste cause. De l’opposition.
Mais, par une chance paradoxale (et l’on se rappelle du mot de cheikh Pierre : la force du Liban réside dans sa faiblesse), l’appartenance de ce pays à une région trouble le fait bénéficier d’un moratoire tacite. Contrairement à l’Argentine, par exemple, nul (entendre surtout le FMI) ne lui met le couteau sur la gorge et ne menace de le déclarer en faillite. Il reste donc en sursis sur le plan financier, et partant économique. Étant cependant entendu que toute complaisance a ses limites. Et que si l’État libanais issu de Taëf ne se ressaisit pas politiquement dans les prochains mois, pour amorcer le redressement financier, il risque justement le redressement judiciaire comme on dit lorsque la créance est trop lourde.
L’heure est donc, en ce tournant de trêve des confiseurs, bien plus à la prospective (aux perspectives) qu’au bilan, archi-ressassé. Le domaine politique moteur retient l’attention des chancelleries. Qui se focalisent évidemment sur la présidentielle du prochain automne, non sans accorder quelque intérêt aux municipales du printemps, en tant que premier baromètre.
La question principale est de savoir comment vont évoluer les rapports des deux grands électeurs classifiés, la Syrie et les États-Unis. On sait en effet que par un accord implicite, issu de l’équilibrage raisonné des rapports de force, Damas assume depuis des années la tutelle de ce pays mineur, au double sens du terme. Tandis que Washington, et accessoirement Paris ou le Vatican, garde un droit de regard, comme peut en avoir un comité de surveillance ou un conseil de famille. Ce qui signifie pratiquement que la Syrie choisit le président libanais, tout en laissant à l’Amérique, et à un moindre degré à la France ou à la Curie (via Bkerké), un droit de veto ou d’objection recevable. Or ce schéma, officiellement homologué dès 88 par la mission Murphy, pourrait cette fois se trouver remis en question, renégocié et même annulé. Tout dépend, répétons-le, de l’état des relations (actuellement sur le fil du rasoir) entre Damas et Washington.
Si la rupture devait être consommée, malgré les évidents efforts syriens en faveur du dialogue, il n’est pas exclu de voir le système libanais imploser sous l’effet des contradictions soufflant du dehors.
Pour l’heure, personne ne se laisse aller à tant de pessimisme. Parce que l’Administration Bush n’est pas en mesure de maximaliser ses pressions sur la Syrie, de les transformer en ultimatum. En effet, Washington est non seulement confronté à d’autres priorités, comme l’Irak ou le conflit israélo-palestinien, mais aussi partiellement bloqué par l’approche de sa propre présidentielle.
Retour au foyer. La Syrie a assez clairement fait savoir, en exigeant le gel du dossier, que la présidentielle libanaise ne sera traitée que dans les toutes dernières semaines, voire les tout derniers jours, du délai légal. Les spéculations vont quand même bon train. Au vu de la tension qui marque actuellement les rapports syro-américains, les professionnels du cru n’excluent pas un scénario de compensation. C’est-à-dire que pour contrer efficacement une influence US qui lui serait opposée, Damas pourrait accentuer le timide mouvement de rapprochement amorcé ces derniers mois en direction de Bkerké. On sait en effet que les Syriens ont vivement contre-applaudi les applaudissements des évêques maronites concernant le discours du président Assad à Charm el-Cheikh. Et se sont félicités de l’opposition ecclésiastique à la guerre en Irak. Sans toutefois aller plus loin, dans l’ordre pratique des choses. Mais s’ils continuaient à être en bisbille avec les Américains, ils pourraient solliciter plus ouvertement un arrangement avec le siège patriarcal au sujet d’une présidentielle qui, après tout, concerne au premier chef la communauté maronite.
Mais il y a un double écueil. D’abord Bkerké ne veut plus du tout entrer dans le jeu des noms. Antérieurement, en effet, on lui avait demandé une liste. Il l’avait fournie et l’on n’en avait tenu aucun compte. Ensuite, il n’est pas question pour lui de se rendre complice, en acceptant de traiter d’une question intérieure avec une partie étrangère, du système aliénant l’indépendance libanaise. Ces difficultés peuvent toutefois être levées par la diplomatie, au nom du réalisme comme de l’intérêt national bien compris.
Jean ISSA
Comme Loth, il ne faut pas regarder derrière soi. Annus horribilis en termes de politique locale, 2003 a vu la dette nationale s’élever à 35 milliards de dollars. Sans doute un record absolu, vu l’exiguïté du pays, digne du Guiness Book. Ce pic n’a pu être atteint que grâce aux efforts, conjugués autant que contraires, de dirigeants animés d’une rare émulation...