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À l’AIB, la douloureuse attente des proches des victimes(photo)

L’AIB, jeudi 20h30. Sur les tableaux électroniques qui affichent l’heure d’arrivée et de départ des avions, le vol Cotonou-Beyrouth, prévu pour 23 heures, a disparu. Non loin de là, des écrans géants qui diffusent les flashes des télévisions locales, passant en boucle les images d’une carlingue, de bagages et d’autres affaires qui flottent au large de Cotonou, la capitale béninoise.
Dans le hall d’arrivée de l’AIB, des hommes et des femmes, hagards qui attendent – assis sur les bancs ou faisant les cent pas – des informations qui ne viennent pas. Leur premier réflexe, quand leurs bien-aimés, amis, cousins, cousines, frères et sœurs attendus en fin de soirée au Liban ont cessé de répondre aux sonneries de leurs téléphones portables, a été de venir à l’aéroport de Beyrouth.
Seuls les flashes télévisés diffusés sur les écrans géants leur donnent encore la force de se lever, courir, s’accrocher presque aux écrans géants. Dans l’espoir d’entendre le nom d’un rescapé, de voir l’image d’un blessé.
« Nous sommes là depuis des heures et personne pour nous renseigner, nous communiquer la liste des passagers », s’exclame Oum Khaled, dont le neveu pourrait s’être trouvé dans l’avion.
« Pour les funérailles, il y aura 100 officiels en tenue sombre ; ils distribueront même des médailles et des décorations... », lance un trentenaire qui ne veut pas dire son nom. « Je suis un simple citoyen libanais », dit-il en colère. Il vient d’arriver de Tyr. Son neveu Mehdi a 18 ans. Il a pris le vol du Boeing 727 à partir de la Sierra Leone. « S’il avait trouvé un emploi au Liban, Mehdi ne serait jamais parti. Personne ne choisit librement de vivre en Afrique », enchaîne-t-il, racontant les déboires de ces Libanais qui décident de s’expatrier sur le continent noir.
Il poursuit : « Mehdi se trouvait avec son cousin Nabil sur le même vol. Nabil a survécu, il a nagé pour atteindre le rivage. Je l’ai même joint au téléphone. Mehdi, lui, ne répond plus. » Et comme pour justifier son espoir de retrouver son jeune neveu vivant ou encore son attente vaine à l’aéroport de Beyrouth, il affirme : « Peut-être qu’il a survécu, que son cousin ne l’a pas vu... »
Et il n’est pas le seul à penser que son neveu aurait eu la chance de survivre.
Jaafar est arrivé de Kharayeb (Liban-Sud) avec ses amis. « Je viens chercher mon frère, je l’emmène à la maison, il vient de Cotonou pour le Nouvel An », dit-il. Ne sait-il pas que l’avion s’est écrasé ? Ses amis ont les larmes aux yeux. Pas lui. « Peut-être qu’il a pris un autre vol. L’avion de mon frère arrivera », répète-t-il.
Héléna est debout, adossée à un mur. Pâle, le regard dans le vide, elle raconte que sa sœur et ses deux neveux devaient rentrer définitivement au Liban. « Je n’ai pas suivi les nouvelles. Mon frère est à Dubaï, il regardait CNN, il m’a appelée, je suis venue aussitôt à l’aéroport, peut-être qu’ils nous donneront la liste des passagers », dit-elle d’une voix éteinte.
C’est tout un groupe de Jouaya (Liban-Sud) qui vient de faire son entrée dans le hall de l’aéroport. La télévision diffuse encore ses flashes. Une femme d’un certain âge, arrivée en pleurs, regarde l’écran géant et lance dans un cri de joie, reconnaissant son gendre : « C’est Anouar, c’est Anouar. Il est blessé. »
D’autres, des dizaines et des dizaines d’autres, ne verront pas leurs bien-aimés sur les écrans de la télévision.
Dans l’aile VIP de l’AIB, on se prépare déjà : un avion affrété par la MEA devrait quitter Beyrouth dans la nuit. Plusieurs officiels sont là, dont le ministre de l’Information, Michel Samaha, pour veiller aux derniers préparatifs. Une délégation du ministère des Affaires étrangères conduite par le chef de la diplomatie Jean Obeid effectue des contacts avec les autorités béninoises, lesquelles, semble-t-il, disposent de bien peu d’informations.
M. Obeid et d’autres responsables du ministère, quelques journalistes et une équipe médicale, formée de onze médecins et d’infirmières, devraient prendre l’avion. On n’oublie pas le matériel médical, notamment une unité ambulante de soins intensifs, que l’on charge avec d’autres colis, dont des caisses d’eau minérale.
Tout a déjà été prévu pour le rapatriement des blessés. À la dernière minute et à la demande des Libanais présents au Bénin, on décide d’envoyer une équipe de plongeurs des commandos de l’armée. Pour repêcher les corps des victimes coincées encore dans leur siège à quelques dizaines de mètres de profondeur dans l’océan Atlantique.
Avant de s’embarquer, M. Obeid tient une conférence de presse improvisée pour indiquer que les ambassadeurs du Liban au Ghana, au Nigeria et en Côte d’Ivoire ont été mobilisés. Il souligne qu’il est resté en contact direct avec les autorités de Cotonou et les responsables de la diaspora libanaise au Bénin.
Interrogé par les journalistes sur les noms des victimes et les causes de l’accident, le ministre des Affaires étrangères préfère ne pas donner de précisions, indiquant : « Nous voulons parer au plus pressé en rapatriant les blessés, il faut aller sur place pour évaluer la situation ; les autorités béninoises font ce qu’elles peuvent. »
Vendredi, peu avant 1 h du matin, quelques proches des victimes attendaient toujours dans le hall d’arrivée de l’AIB, refusant de rentrer chez eux. Ils s’accrochent : « Peut-être que l’on finira par afficher une liste. » Parmi eux, une élégante femme blonde, qui est venue s’enquérir du sort du fiancé de sa sœur. « Rabih est parti il y a un mois et demi, il a voulu faire une surprise à ma sœur et à toute sa famille en revenant pour les fêtes », raconte-t-elle. Rabih n’est pas le seul à avoir pris le Boeing 727 de la compagnie Uta sans prévenir sa famille. Hier, plus d’un à l’AIB étaient venus s’enquérir du sort d’un ami qui les avait prévenus – à eux seuls – qu’il rentrera au pays pour les fêtes de fin d’année...
P. K.
L’AIB, jeudi 20h30. Sur les tableaux électroniques qui affichent l’heure d’arrivée et de départ des avions, le vol Cotonou-Beyrouth, prévu pour 23 heures, a disparu. Non loin de là, des écrans géants qui diffusent les flashes des télévisions locales, passant en boucle les images d’une carlingue, de bagages et d’autres affaires qui flottent au large de Cotonou, la...