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ASSOCIATIONS - Pour que Noël n’oublie personne… Rifaq el-Darb, ou comment meubler la solitude des têtes blanches (PHOTOS)

Achrafieh, le Jardin des jésuites. Un après-midi de décembre. Des bancs, des arbres, des promeneurs et un vendeur de café. Beaucoup de vieux qui viennent s’asseoir, se rencontrer, prendre le soleil et boire un café s’ils ont les moyens de dépenser 500 livres pour un plaisir simple… Il y a aussi quelques jeunes, membres de l’association Rifaq el-Darb, qui viennent de temps à autre rappeler aux têtes blanches, qu’ils connaissent, de ne pas oublier le déjeuner et la messe de ce dimanche, et aussi le déjeuner de gala qui se tiendra le samedi 27 décembre et qui est organisé, comme chaque année, à l’occasion des fêtes.

Au programme, une sortie au restaurant, un véritable festin de Noël avec dinde et bûche, des cotillons, des cadeaux et un artiste qui animera l’événement. La journée devrait remettre de la joie et de la chaleur dans le cœur de ceux que la vie n’a pas gâtés.
Jamila a 65 ans. Elle est sans domicile fixe. Depuis plusieurs années, elle ne rate jamais les rendez-vous de Rifaq el-Darb, que ce soit les déjeuners mensuels, les après-midi hebdomadaires, ou encore le déjeuner de Noël. Digne, malgré le malheur et la pauvreté, Jamila n’a jamais parlé de ses déboires aux membres de Rifaq el-Darb, ne leur a jamais demandé de l’argent ou encore un toit pour dormir. C’est en la croisant une fois au Jardin des jésuites qu’ils se sont rendu compte du drame que la sexagénaire vit depuis un peu plus d’un an.
Jamila est originaire de Tannourine, mais elle ne se rend plus, depuis bien longtemps, dans son village. Elle a vécu longtemps à Nabaa, puis à Jouret el-Termos. Dans cette localité du Kesrouan, elle avait trouvé une maison qu’elle payait 100 000 livres le mois. Elle payait le loyer en faisant des ménages chez plusieurs personnes. Elle vivait avec sa sœur Wadiha, âgée de 75 ans.
Puis les gens ont fait de moins en moins appel à Jamila pour qu’elle vienne travailler. Elle a donc été obligée de quitter la petite maison où elle vivait au Kesrouan. Jamila a réussi à trouver un endroit pour loger sa sœur, à condition que la septuagénaire aide aux travaux de ménage de la maison qui l’hébergeait. Elle, au contraire, a mis du temps pour trouver une chambre à Achrafieh. Jamila loge actuellement chez une vieille femme habitant le quartier Sassine. Elle s’occupe des travaux ménagers et veille à ce que la maîtresse de maison n’oublie pas de prendre ses médicaments.
Durant plus d’un an, Jamila trimballe ses affaires d’un bout à l’autre de la ville. Digne, la sexagénaire ne donne pas de détails sur ses déboires. L’on comprend cependant qu’elle a dormi à plusieurs reprises dans des églises ou encore sur les bancs des jardins publics.
D’ailleurs, quand elle invite ses interlocuteurs à s’asseoir à côté d’elle sur l’un des bancs du Jardin des jésuites elle fait comme si elle était chez elle, invitant des hôtes qui viennent lui rendre visite à la maison.
Jamila ne pleure pas, même si ses yeux se remplissent de larmes parfois. Elle a probablement appris au fil des ans à cacher sa peine et à rester digne malgré tout.
Elle s’inquiète pour sa sœur, qui est devenue trop vieille pour travailler, et elle rêve encore d’avoir un toit, une toute petite maison pour elle et sa sœur. « Je peux toujours travailler, payer un petit loyer, mais Wadiha devrait se reposer », dit-elle. Le déjeuner de ce mois de Rifaq el-Darb, elle l’a raté. Le déjeuner de gala ? Elle ignore si elle pourrait venir. C’est simple, elle ne veut pas déranger la femme qui l’accueille actuellement. Elle a le droit à un seul jour de congé, le vendredi. Une journée qu’elle passe l’avant-midi avec sa sœur et l’après-midi sur ce banc du Jardin des jésuites…Qui l’a probablement accueillie durant pas mal de nuits…

Donner certes mais surtout
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Aïda, la soixantaine, habite une ancienne maison non loin du même jardin. Elle avait l’habitude de se rendre avec son frère Joseph aux déjeuners de Rifaq el-Darb. Joseph a été placé dans une maison de repos de Nabaa, et Aïda est trop fatiguée pour se délacer. Ce sont donc les membres de Rifaq el-Darb qui viennent chez elle s’enquérir de sa santé et lui rapporter de quoi manger.
Aïda vit dans une maison humide, là où ses grands-parents avaient vécu. Elle n’a plus le téléphone, elle n’avait plus les moyens de payer l’abonnement. Aïda n’a jamais travaillé de sa vie, ne s’est jamais mariée. Quand elle était jeune, elle avait travaillé durant quelques mois dans un atelier de couture. Mais ses parents et sa sœur aînée, affirme-t-elle, ne l’avaient pas autorisée à poursuivre le travail.
Aïda vit complètement seule. Elle n’arrive plus à dormir la nuit, n’a plus le courage de faire le ménage ou encore d’aller le dimanche à la messe. La sexagénaire est complètement déprimée, elle raconte qu’elle est malade… Ramy, l’un des membres de Rifaq el-Darb, lui rend régulièrement visite. Il sait, comme tous les autres, que la sexagénaire à tout simplement besoin de meubler sa solitude et surtout de parler à quelqu’un, même si elle finit toujours par raconter les mêmes histoires…
Abou Charbel a 72 ans. Il parle avec enthousiasme des samedis après-midi de Rifaq el-Darb. « On nous sert du café, du jus et du gâteau, on joue aux cartes et au trictrac. On s’amuse. Bref, on se retrouve entre vieux », raconte-t-il. Le septuagénaire, qui habite un petit appartement de Getaoui, se rend seul aux rencontres organisées par l’association. Son épouse est atteinte d’ostéoporose et se déplace difficilement. « Depuis quelques mois, nous avons arrêté d’acheter les médicaments, il faut assurer le loyer avant tout », relève Abou Charbel, qui reçoit régulièrement de l’aide de son fils, chef cuisinier.
« Charbel est marié, il vient d’avoir une fille, et il a à assurer ses propres dépenses », indique-t-il, parlant de son fils.
Abou Charbel raconte qu’il était jardinier avant de prendre sa retraite, qu’il gagnait correctement sa vie. Actuellement, il rêve de trouver un emploi. « Mais qui voudrait bien engager un homme de mon âge même s’il a toujours la santé ? », se demande-t-il. Le septuagénaire tousse et ne dit pas qu’il n’a pas les moyens d’acheter des médicaments et qu’il se contente de boire du thé au citron pour guérir.
Comme chaque année, le septuagénaire ne ratera pas le déjeuner de gala de Rifaq el-Darb. Il ne dépend que de vous de rendre son Noël plus chaleureux.

Patricia KHODER

Vous pouvez les aider à passer des fêtes chaleureuses

Présente depuis dix ans auprès des têtes blanches démunies et seules, l’association vend des cartes de vœux « Pour que Noël n’oublie personne » afin de financer leur déjeuner de gala où seront conviées 650 personnes du troisième âge. Ce sont aussi ces cartes, vendues à 10 dollars l’unité, qui permettent à Rifaq el-Darb de financer ses activités tout au long de l’année.
Car, outre le déjeuner de gala, avec cadeaux, dinde, bûche, cotillons et animation, l’association organise une fois par mois dans son local, situé dans les anciens bâtiments de l’Université Saint-Joseph, un déjeuner pour plus de 150 personnes et, tous les samedis de l’année, des goûters où les têtes blanches peuvent se retrouver.
Les personnes du troisième âge viennent d’Achrafieh, de Nabaa, de Bourj Hammoud et de Basta. Mais depuis quelques années, ceux qui fréquentent les déjeuners de Rifaq el-Darb ne font pas partie uniquement du troisième âge. « Nous ne refusons personne. Beaucoup de familles, des femmes, des hommes et des enfants arrivent le dimanche à déjeuner », indique Joe Taoutel, président de l’association, ajoutant que « les personnes démunies sollicitent de plus en plus de l’aide financière, que nous ne pouvons d’ailleurs pas assurer. »
Il est bien loin le temps où les membres de l’association, de jeunes étudiants à l’USJ, pouvaient subvenir à tous les besoins d’une trentaine de vieillards habitant le quartier. Il y avait moins de demandes, et les jeunes qui n’avaient pas de responsabilités familiales pouvaient, de leurs économies et leurs contacts, assurer tous les besoins des têtes blanches, notamment les médicaments et parfois même les frais d’hospitalisation. Ils pouvaient, pour Noël, offrir de beaux cadeaux aux vieux qui vivent dans la solitude.
Qu’est-ce qui a changé en dix ans ? Les demandes sont de plus en plus nombreuses et le nombre des personnes du troisième âge prises en charge par l’association a triplé. N’empêche que les membres de Rifaq el-Darb n’ont pas baissé les bras, tentant d’assurer des médicaments à ceux qui en ont le plus besoin et d’être présents quand une personne du troisième âge pauvre et démunie est hospitalisée. Cela sans compter les visites qu’ils effectuent régulièrement aux têtes blanches qui fréquentent leurs déjeuners. Les membres de l’association n’arrivent jamais les mains vides et passent une ou deux heures à papoter avec ceux que la vie n’a pas gâtés, écoutant leurs problèmes ou leurs souvenirs. Il ne suffit pas de donner, il faut savoir meubler la solitude de ceux qui n’ont plus de familles, qui n’ont pas eu la chance d’avoir des amis, qui n’ont pas eu l’occasion d’économiser de l’argent en prévision des mauvais jours et qui se sont retrouvés un jour vieux, seuls et fatigués.
« Cette année, nous avons pu lancer une nouvelle activité régulière que l’on organise en été uniquement : les goûters du samedi », indique Taoutel. Au cours de ces rencontres, on offre certes du jus, du thé, du café et du gâteau, mais le but est surtout de meubler la solitudes des personnes du troisième âge, seules et démunies. Les têtes blanches se retrouvent donc pour parler, jouer aux cartes et au trictrac dans une ambiance joviale.
L’association a réussi en dix ans à préserver l’esprit pour lequel elle avait été fondée. Meubler la solitude des têtes blanches qui vivent dans la misère, leur faire sentir que la vie peut encore leur donner – malgré tout, de tout petits moments de plaisir.
En achetant des cartes de vœux « Pour que Noël n’oublie personne », vous aiderez l’association à poursuivre ses activités, vous offrirez des fêtes chaleureuses à des personnes démunies et seules qui n’ont plus de l’énergie...
Pour plus d’informations, contactez les numéros suivants : 03/ 624645 – 03/522058.


Achrafieh, le Jardin des jésuites. Un après-midi de décembre. Des bancs, des arbres, des promeneurs et un vendeur de café. Beaucoup de vieux qui viennent s’asseoir, se rencontrer, prendre le soleil et boire un café s’ils ont les moyens de dépenser 500 livres pour un plaisir simple… Il y a aussi quelques jeunes, membres de l’association Rifaq el-Darb, qui viennent de temps...