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Justice parlementaire : les députés précisent les différences avec la justice tout court

La Chambre se frotte (moralement) les mains. Pour la toute première fois, elle accomplit entièrement sa tâche de censeur. Qui se limitait jusque-là, aux côtés de ses devoirs de législation, à interroger politiquement le gouvernement sur ses actes. Désormais, elle lui demande aussi des comptes sur un plan judiciaire. Certes, il y a déjà eu des commissions d’enquête parlementaires. Mais il n’y avait pas de Haute Cour au bout. Depuis mardi, c’est cette procédure qui est suivie. Avec un non-lieu immédiat pour Siniora. Et une prospection d’éléments pour Barsoumian. Afin de voir s’il y a lieu de poursuivre, au double sens du terme.
Mais n’y a-t-il pas risque de double emploi avec les tribunaux ordinaires, dont l’ancien ministre du Pétrole est également justiciable ?
À cette question fondamentale, les députés juristes répondent par la négative. Car, expliquent-ils, la Chambre examine un dossier essentiellement sous l’angle de la responsabilité administrative, hiérarchique, institutionnelle et politique. C’est-à-dire qu’à la limite, elle se préoccupe peu de la concussion en tant que source de gain personnel. Mais beaucoup en tant que source de perte publique. Les fautes, les dérives professionnelles dans la conduite de l’embarcation l’intéressent au plus haut point. Car elle est la vigie, le vigile fiché sur le mât pour vérifier le cap.
D’où une déduction technique automatique : pas plus que Barsoumian, Siniora n’est exonéré d’éventuelles recherches de délit en matière pénale. Ce qui signifie qu’autant que le dossier des dérivés du pétrole concernant Barsoumian, celui de l’incinérateur de Bourj-Hammoud continuera à être scruté par la justice ordinaire. Pour voir si les données donnant lieu à penser qu’il y a eu des abus, sinon un vrai scandale, méritent sanction quelque part, contre quelqu’un. Sans doute pas contre Siniora, puisqu’en son temps, il s’est lavé de toute responsabilité en s’opposant à maintes reprises, notamment en Conseil des ministres, au projet incriminé. D’où, d’ailleurs, sa disculpation à l’unanimité mardi à la Chambre.
Quant à Barsoumian, son dossier suit son petit bonhomme de chemin devant la justice ordinaire. Qui lui a infligé, rappelons-le, un an de détention. Le Parlement souhaite pour sa part, répétons-le, voir surtout s’il y a eu déperdition de fonds publics et quelle serait, dans ce cas, la responsabilité de l’ancien ministre. À un certain moment, par application du principe de la confusion automatique des charges, la Chambre peut exiger de mettre entièrement la main sur tout le dossier, dont la justice ordinaire devrait alors se dessaisir. Mais cela ne pourrait intervenir qu’au cas où l’Assemblée, à la majorité des deux tiers et sur recommandation de la commission d’enquête, tenant lieu de juge d’instruction, ordonnait la saisine de la Haute Cour. On ne sait pas ce qu’il va advenir. Mais Élie Ferzli, vice-président de la Chambre et éminent juriste, qui avait dirigé l’enquête parlementaire sur les Puma, affirme que l’affaire des pétroles est bien plus simple. D’autres sources parlementaires soutiennent que même si la justice ordinaire se déclare incompétente dans un cas déterminé, cela ne signifie pas que l’on peut forcer la main à la Chambre pour entraîner une saisine de la Haute Cour.
Ce sont là des points complexes, dont bon nombre ont besoin d’être affinés, voire retouchés. Un aveu que les députés, Mikhaïl Daher en tête (président de la commission parlementaire de la Justice), font volontiers. En rappelant que mardi également ils ont décidé de revoir la copie initiale du code de procédure de la Haute Cour.
Politiquement et ponctuellement, les députés de l’opposition mettent en garde les haririens contre la tentation de croire que Siniora, en étant blanchi, décroche automatiquement un certificat de confiance pour le budget qu’il va bientôt défendre à la Chambre.
Philippe ABI-AKL
La Chambre se frotte (moralement) les mains. Pour la toute première fois, elle accomplit entièrement sa tâche de censeur. Qui se limitait jusque-là, aux côtés de ses devoirs de législation, à interroger politiquement le gouvernement sur ses actes. Désormais, elle lui demande aussi des comptes sur un plan judiciaire. Certes, il y a déjà eu des commissions d’enquête...