Rechercher
Rechercher

Actualités

Vie universitaire - Le pouvoir craint de créer un coûteux précédent financier La grogne des étudiants de l’UL inquiète presque toute la classe politique

Une semaine après les manifs estudiantines en faveur de l’Université libanaise, une sourde angoisse continue à étreindre les professionnels de la chose publique. Qui prennent ce mouvement pour un avertissement sans frais. Pour une fois la classe politique locale, à quelques exceptions près, s’est trouvée dépassée par une houle de masses. Depuis l’arrivée au pouvoir de Hariri, en effet, les syndicats sont pratiquement écrabouillés et n’arrivent plus à faire bouger la rue.
Le vent du changement, inattendu, vient de la jeunesse. Qu’on pensait avoir réduite, elle aussi, à merci, en la matraquant joyeusement, en la poussant à l’exode.
Les milliers d’étudiants qui ont manifesté ont donc infligé à l’État comme à l’establishment politique un véritable électrochoc. La république pensait pouvoir dormir sur ses deux oreilles. À preuve qu’au plus fort de la crise de l’Université libanaise, elle annonçait avec flegme qu’elle se mettait en congé pour deux semaines, en gommant les séances hebdomadaires du Conseil des ministres. Le réveil est brutal. Et d’autant plus alarmant que (comme souvent en fait, même en faveur des aounistes) les jeunes de toutes les universités et de tous bords se sont serré les coudes, pour se solidariser avec l’UL meurtrie, menacée.
Les autorités se voient contraintes de revoir leur copie, de renoncer à la politique de l’autruche suivie jusque-là. Battant leur coulpe, des responsables indiquent que le Conseil des ministres va être appelé à consacrer une pleine réunion au dossier de l’UL. Bien qu’en principe, il l’ait déjà traité. D’une manière assez désinvolte, il est vrai. En promettant des crédits, mais sans concéder à l’institution pédagogique nationale cette autonomie dont elle réclame le rétablissement.
Benoîtement, des officiels assurent que si le pouvoir est pris d’un zèle soudain, ce n’est pas à cause de la pression subie. Mais en raison du souci désintéressé de voir les cours reprendre normalement au début de l’année, pour que les jeunes ne perdent pas leur année de cycle.
Sur un plan concret, les autorités se disent compréhensives à l’égard des revendications du corps professoral. Mais avouent avoir des réserves par rapport à nombre de ces demandes. D’où on peut déduire que le pouvoir cherchera à gagner du temps, par des promesses dilatoires.
C’est que l’État craint d’ouvrir la porte devant de multiples autres revendications catégorielles, dont la plupart sont d’ailleurs légitimes. Mais qu’on ne peut satisfaire, faute de ressources. Le pouvoir espère que le temps jouera en sa faveur, en démobilisant les jeunes et en engageant d’interminables négociations avec les professeurs. Une tactique classique qui va de soi. Et dont les chances de succès sont confortées par l’harmonie interprésidentielle retrouvée. juste à temps, pourrait-on dire. Car si le pouvoir n’implose pas, sous l’effet des disputes intestines, il risque beaucoup moins, évidemment, d’exploser sous l’effet d’un mouvement de rue.
Il lui faudra cependant naviguer au plus près. Dans ce sens qu’en effectuant quelques gestes par-ci, par-là, il pourra éviter l’effet boule de neige que risque de provoquer l’exemple estudiantin dans plusieurs secteurs sensibles qui se considèrent lésés. Dans ce cadre, les responsables cités affirment que l’on va prendre les devants, plancher avec sérieux sur nombre de problèmes chroniques. Pour leur apporter sinon des solutions définitives, du moins des allègements notables, en tenant compte naturellement des possibilités limitées du Trésor. Ce qui signifie que l’on s’efforcera surtout de prendre des mesures palliatives, administratives ou fiscales par exemple, qui ne seraient pas trop coûteuses. Mais permettraient de réduire la grogne, pour les quelques mois (une dizaine) qui restent avant l’échéance présidentielle.
En tout cas, dans le climat actuel, les protagonistes qui se partagent le pouvoir préviennent, par leur entente, un danger réciproque d’exploitation politisée, ou de manipulation, du mouvement estudiantin.
Mais ce péril peut, lui aussi, se réveiller brusquement, brutalement. À cause, justement, des revendications. En effet, il est clair que pour tenir un peu le coup, distribuer des lots de consolation à gauche ou à droite, il faut des fonds. Pour en trouver ou pour en retrouver, des voix politiques remettent sur le tapis la nécessité de comprimer les dépenses improductives. Donc de passer à la trappe les multiples conseils ou caisses aussi dispendieux qu’inutiles. Ainsi que les surnuméraires de la Fonction publique, qui se comptent par milliers. Et qui constituent, comme on sait, la clientèle de pôles ou de formations politiques déterminés. Lesquels ne manqueraient pas de pousser les hauts cris si on tentait de toucher à leurs acquis. Le pugilat pourrait dès lors reprendre, tôt ou tard, autour de ce thème.

Philippe ABI-AKL
Une semaine après les manifs estudiantines en faveur de l’Université libanaise, une sourde angoisse continue à étreindre les professionnels de la chose publique. Qui prennent ce mouvement pour un avertissement sans frais. Pour une fois la classe politique locale, à quelques exceptions près, s’est trouvée dépassée par une houle de masses. Depuis l’arrivée au pouvoir de...