Dans les milieux judiciaires, on est convaincu que le régime a l’intention de remettre en vigueur les sentences capitales, suspendues depuis cinq ans, mais qu’il laissera passer d’abord les fêtes de fin d’année.
Pour justifier la réserve des auttorités, on souligne, dans ces milieux, que la question est d’autant plus sensible que des considérations de nature confessionnelle y sont liées. Ainsi, les exécutions capitales sont généralement groupées, de sorte que les condamnés n’appartiennent pas à une seule communauté, mais qu’un certain « équilibre confessionnel » y préside, tout comme s’il s’agissait de nominations à des postes de la première catégorie !
En tout état de cause, le ministre de la Justice, Bahige Tabbarah, et le Premier ministre, Rafic Hariri, n’ont encore signé aucun décret d’exécution de peine capitale, car autrement, la nouvelle ne pourrait en rester confidentielle, estiment les milieux concernés.
On avance même, de même source, que la rencontre jugée exceptionnelle entre le chef de l’État et le Premier ministre, qui ne s’étaient pas adressé la parole depuis plusieurs mois en dehors des occasions officielles et du Conseil des ministres, aurait notamment porté sur cette question sensible. Les exécutions capitales ne manqueront pas, en effet, de provoquer des remous confessionnels, et aucune faille sur la question n’est permise entre le chef de l’État et le Premier ministre.
Les premières exécutions capitales prévues seront celles de Badih Hamadé, condamné pour le meurtre, à Saïda, de trois agents des renseignements de l’armée (2002), d’Ahmed Mansour, auteur d’un massacre à la mutuelle des enseigants, à l’Unesco (2002), de Fady Meraach, qui avait brûlé vive une adolescente qu’il avait séduite après l’avoir attachée à un arbre, et Rami Zaatar, qui avait assassiné trois convoyeurs de fonds de la Défense civile pour les dévaliser.
Campagne contre la peine
de mort
La perspective d’une reprise des exécutions capitales, suspendues sous le gouvernement du Premier ministre Sélim Hoss (1998), qui s’y opposait pour motif de conscience, a poussé des partis et des associations de défense des droits de l’homme à lancer une campagne préventive hostile à la peine capitale.
Un communiqué commun signé par un collectif comprenant une vingtaine d’associations a réclamé, lundi, l’amendement du code pénal et l’abolition de la peine capitale ainsi que le remplacement des peines de mort par des peines de prison à perpétuité.
Les étudiants de l’Usek ont pris de l’avance, hier, en organisant une exécution postiche destinée à exprimer leur horreur de la peine de pendaison en application au Liban, et de toutes les sentences capitales. « On ne corrige pas un crime par un crime », ont-ils répété.
La commission nationale islamo-chrétienne s’occupant des prisonniers, dont l’aumônerie des prisons relevant de l’Église catholique fait partie, plaide pour sa part en faveur de la révision de toutes les sentences capitales prononcées dans les années 90, sous la loi d’exception interdisant aux juges de tenir compte des circonstances atténuantes.
Le collectif tente de sensibiliser l’opinion à sa campagne, tout en interpellant, dans la plus grande discrétion, les autorités religieuses qui ne se sont pas encore prononcées en la matière. Pour sa part, le patriarcat maronite est dans une position délicate en raison des sensibilités très vives qui marquent toujours l’affaire du massacre de l’Unesco. En dépit de la position officielle de l’Église universelle, des considérations pastorales l’empêchent de trancher clairement la question.
Par ailleurs, dans son souci d’empêcher à tout prix l’exécution de sentences capiales au Liban, le collectif travaille à alerter les autorités françaises sur cette question, et a pris contact avec le Quai d’Orsay sur ce sujet, ainsi qu’avec plusieurs députés et ministres français, afin qu’une démarche de dissuasion soit entreprise auprès des autorités, au nom des droits de l’homme que le Liban s’est engagé à respecter, dans l’esprit de l’accord d’association euro-méditerranéen.
Fady NOUN
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