Six canciones de Cordoue (bien entendu comme un hommage à la ville natale de Serrano) pour ouvrir le bal des notes signées Valero, Reyes et Medina. Vivacité et langueur pour des mélodies suaves et tendres aux éclats furtifs comme des flammèches qui s’éteignent dans le velours de la nuit. Des cris du cœur à ceux des arènes, une même clameur, un même élan, une même détresse, un même espoir, une même lueur de vie…
Changement d’horizon, tout en demeurant dans le royaume de Ferdinand le Catholique, pour atteindre l’Argentine. Rives ensoleillées et chaleureuses pour deux autres canciones mêlant tristesse, nostalgie, spleen, complaintes et soupirs, signées Guastavino et Ginastera. Toujours dans le sillage de l’Amérique latine, pause au Pérou, le temps de dire, une fois de plus, mais differemment, la joie et le malheur d’aimer sur un tempo alerte et populaire dans la langue de Granados.
Après un bref entracte, place aux romances. Des romances alliant tragique et ludique qui sentent à profusion les effluves enivrants des jardins fleuris de l’Espagne. Des romances qui parlent de veillées baignées de clair de lune et qui embaument l’œillet et l’aguardiente, cette eau-de-vie qui brûle avec tant de plaisir le fond du palais… Chant vibrant qui magnifie en termes éloquents les premiers rayons du soleil et ses espoirs (un air signé Alonso) ainsi que les flots de la mer sur un rythme de barcarolle (chanson portant la griffe de Ruperto Chapi). Moment de détente pour la cantatrice et de bravoure pour le clavier qui prend le relais en solo. Encore un hommage à Cordoue à travers le morceau d’Isaac Albeniz au tempérament de pianiste inspiré. Premières mesures tranquilles pour des notes au grave inquiétant. Et peu à peu la mélodie se dégage des accords nerveux pour s’imposer en des accents véhéments et flamboyants. Panache d’une œuvre puisée au cœur même de l’esprit hispanique. Retour aux passionnés « te quiero » pour terminer avec une sémillante romance La Calesara admirablement chantée par Carmen Serrano à la voix ductile, puissante et paillettée d’or. En bis, pour un auditoire ravi et conquis, une composition de Garcia Lorca. Poésie et intermittences du cœur font bon ménage chez l’auteur de Noces de sang, turbulent écrivain arrêté par la Garde civile franquiste et fusillé. Un air qui chavire et où la force des mots s’aligne en toute harmonie au creux des notes volées aux nuages et aux drames de la vie. C’est avec un talent de chanteuse et de comédienne que Carmen Serrano restitue toute la fraîcheur et l’émotion d’une œuvre empreinte du bonheur et de la chance d’aimer. Entre trilles et vocalises, elle a brusquement toute la grâce, la séduction et l’aura d’une danseuse flamenco. Même en cherchant le célèbre contre-ut d’un air qui se termine haut et fort...
On salue bien bas cette belle soirée musicale, une des meilleures organisées par l’Institut Cervantès.
Edgar DAVIDIAN
Les plus commentés
Israël est en train de perdre, mais pas autant que les Palestiniens
Don de l'UE : après avoir déclaré la guerre à Mikati, les chrétiens proposent la paix ?
Frontière terrestre libano-israélienne : où en sommes-nous ?