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Le rassemblement d’hier prouve que les étudiants se solidarisent avec les causes sociales La sauvegarde de l’UL tributaire de la rue

Plusieurs milliers d’étudiants, toutes tendances politiques et confessionnelles confondues, sont descendus hier dans la rue pour appuyer les professeurs de l’Université libanaise. L’événement revêt, en lui-même, une signification importante.
En effet, depuis la renaissance du mouvement estudiantin, en décembre 1997, lorsque les autorités avaient interdit le passage à l’antenne de la MTV de l’ancien Premier ministre, le général Michel Aoun, aucune cause politique n’avait réussi à rassembler autant de jeunes Libanais d’horizons différents. Ainsi, les manifestations en faveur du retrait israélien organisées par les étudiants de gauche, ou du retrait des forces syriennes, apanage du courant souverainiste, n’ont jamais réussi à fédérer les étudiants. Il en est de même pour la question des libertés publiques (manifestation du 9 août 2001, l’affaire Samir Kassir ou l’affaire MTV) qui n’a réussi à mobiliser que des fractions bien déterminées d’étudiants, le plus souvent le Forum démocratique, le courant aouniste et les jeunes des courants représentés au sein du Rassemblement de Kornet Chehwane. Une seule manifestation avait réussi à rassembler des étudiants de courants divers, de gauche et de droite : c’était en février 2002, devant le Parlement. Les étudiants du Parti socialiste progressiste, les aounistes, les Forces libanaises, la base Kataëb, le Mouvement du peuple de l’ancien député Najah Wakim, les étudiants communistes, les groupuscules de gauche, l’Organisation populaire nassérienne de Moustapha Saad et le Parti national libéral avaient manifesté contre l’entrée en vigueur de la TVA. Seulement, ce jour-là, chacun des courants politiques précités avait scandé ses propres slogans, tantôt hostiles à la tutelle syrienne, tantôt exclusivement orientés contre la politique du Premier ministre Rafic Hariri.
Hier, quasiment tous les courants loyalistes et opposants, mais aussi plusieurs universités telles que l’AUB et l’USJ – fait exceptionnel – se sont mobilisés pour sauver l’UL. Cette cause est d’une importance capitale pour le mouvement estudiantin. Historiquement, ce n’est que grâce à la pression de la rue que les étudiants libanais avaient réussi à imposer la création de l’UL, dans les années 50. Fouad Chémaly, président de l’amicale des étudiants de la faculté de médecine de l’USJ en 1951 – et plus tard représentant du Tanzim au sein du Front libanais – rappelle que cette année-là, « des manifestations avaient été organisées durant un mois et demi par les étudiants pour la création de l’UL et s’étaient soldées par plusieurs blessés. Nos pères ne pouvaient pas se permettre de payer les frais des universités privées. Nous avons été revendiquer la création d’une université libanaise chez le président Béchara el-Khoury, dans son palais à Kantari, et il nous avait reçus en robe de chambre rouge. Le président nous avait envoyés chez le ministre de l’Éducation de l’époque, l’émir Raïf Abillama, qui nous avait dit : “Si vos pères ne peuvent pas vous payer vos études, pourquoi vous ont-ils conçu ?” La réunion s’était mal terminée. Le lendemain, au cours d’une manifestation, il avait voulu s’exprimer devant les étudiants. Ce jour-là, nous avons failli le tuer. Finalement, c’est le Premier ministre Riad el-Solh qui nous a appuyés dans notre mouvement de revendication, seul contre tous. Il nous a conviés au Parlement le jour où il a proposé la création de l’UL. Tous les députés étaient hostiles au projet, et nous avions provoqué un chahut mémorable. Riad el-Solh leur a dit : “Il y a une seule porte pour sortir d’ici. Vous m’appuyez, ou bien vous serez reçus par les étudiants à la porte de la Chambre”. Et ils ont voté pour le projet à l’unanimité ».
L’anecdote rapportée par Fouad Chémaly, à laquelle le président du bureau de la faculté de droit à l’amicale de l’USJ, Amine Assouad, a fait allusion hier dans son discours, prouve à quel point la pression de la rue et la sauvegarde de l’UL sont intrinsèquement liées.
La mobilisation d’hier pour une question d’ordre social, qui rappelle étrangement les revendications du mouvement estudiantin des années 70, aspect idéologique mis à part, apparaît donc comme exceptionnelle à plus d’un titre. L’UL y occupait une place de choix, reflétant l’esprit des événements de mai 1968 et des travaux du sociologue français Pierre Bourdieu. Cette mobilisation pourrait paver la voie à l’émergence d’un mouvement neuf et interuniversitaire, orienté sur des projets sociaux, culturels et économiques, par lesquels la dimension politique passe nécessairement. Elle est appelée à perdurer pour sauver l’UL d’une mort assurée, qui risquerait d’être accélérée par un projet de fusion des différentes sections de l’établissement, lequel porterait le coup de grâce au mouvement estudiantin, en noyant définitivement les courants d’opposition dans une masse de partis loyalistes et prosyriens.

Michel HAJJI GEORGIOU
Plusieurs milliers d’étudiants, toutes tendances politiques et confessionnelles confondues, sont descendus hier dans la rue pour appuyer les professeurs de l’Université libanaise. L’événement revêt, en lui-même, une signification importante.En effet, depuis la renaissance du mouvement estudiantin, en décembre 1997, lorsque les autorités avaient interdit le passage à...