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Vie universitaire - Mahmoud Ammar, Nasri Maalouf, Khalil Kazem el-Khalil et Dory Chamoun ont rendu un vibrant hommage à l’ancien président Camille Chamoun raconté par ses fidèles, à l’AUB(photos)

Une vie grandiose, un itinéraire politique hors du commun, une carrure impressionnante, un charisme inégalé, une volonté de vivre et de résister – notamment à six tentatives d’attentat : Camille Chamoun fait sans conteste partie de ce groupe de personnalités publiques qui ont laissé un grand vide – d’ailleurs jamais comblé – sur la scène libanaise. Et, hier, c’est à la clairvoyance, au courage, à la sagesse, à la pugnacité et au profond sens de la justice de l’ancien président de la République que les étudiants de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) ont voulu rendre hommage, en donnant la parole à quatre personnalités politiques qui ont bien connu « le Tigre » : les anciens ministres Nasri Maalouf et Mahmoud Ammar et le fils de l’ancien ministre Kazem el-Khalil, l’ambassadeur Khalil el-Khalil. Un témoignage émouvant, qui n’a pas manqué de ressembler, par moments, à une ode à un Liban différent – bien meilleur que l’actuel – celui d’hier.
Parmi les personnalités qui ont assisté à la cérémonie, l’ancien président Amine Gemayel, Mme Sethrida Samir Geagea, le général Nadim Lteif, M. Camille Dory Chamoun, les députés Nayla Moawad, Farès Souhaid, Mansour el-Bone, Antoine Ghanem, Nabil Boustany, Georges Dib Nehmé et Farid el-Khazen, les anciens députés Gabriel Murr, Camille Ziadé et Nadim Salem, et MM. Farid el-Khazen, Chakib Cortbaoui, Carlos Eddé, Massoud Achkar, Eddie Abillamah, Samir Abdel Malak, Salmane Samaha, Édouard Chamoun, Tony Harb et Mme Zéna Sleimane el-Ali.

Nasri Maalouf : le courage
et la sagesse
La cérémonie s’est ouverte par un documentaire sur le parcours politique de Camille Chamoun, notamment son mandat présidentiel et son leadership à la tête de la résistance aux actions palestiniennes à partir de 1975. Documentaire qui s’achève sur des images fortes, qui imposent le respect : celle du « Tigre », toujours aussi majestueux, même dans la mort.
Après un hommage appuyé des étudiants à l’esprit de Camille Chamoun (décédé en août 1987), « perte incommensurable pour le Liban », l’ancien ministre Nasri Maalouf a pris la parole en citant le grand poète arabe al-Moutannabi et en déplorant qu’il n’y ait plus aujourd’hui d’hommes de la trempe de Chamoun au Liban. « Il avait des réponses à tout, faisait face aux problèmes de toutes sortes. Il était courageux, sage, visionnaire et serein », a affirmé M. Maalouf, avant d’évoquer les circonstances de la guerre de 1956 et toute l’habileté politique de Camille Chamoun, qui parvint à éviter une rupture des relations du Liban avec la France et la Grande-Bretagne qui lui aurait coûté cher. « Nous avons échappé au pire grâce au courage et à la sagesse de Camille Chamoun », qui avait invité la Ligue arabe à se réunir au Liban pour éviter une déflagration au niveau de toute la région, après l’occupation israélienne des territoires égyptiens.
Il a par ailleurs ajouté que le président Chamoun n’avait jamais adhéré au pacte de Bagdad. « Qu’ai-je à gagner d’une telle adhésion. Si l’Irak, l’Iran, le Pakistan ou la Turquie devaient subir une agression soviétique, les Américains devront nécessairement s’allier le Liban pour réagir. J’ai pour moi les dividendes du pacte sans avoir besoin d’y adhérer », avait dit « le Tigre ».

Mahmoud Ammar : L’État
de droit sous Chamoun
Pour sa part, Mahmoud Ammar a évoqué plusieurs tableaux de la vie de l’ancien président. « On lui doit l’avènement du courant souverainiste, en 1934. Les députés Michel Zaccour, Farid el-Khazen et lui avaient réclamé une première fois au haut-commissaire français la fin du mandat sur le Liban. Il devait faire la même revendication, la même année, en compagnie de Zaccour, Khazen, Magid Arslane, Sabri Hamadé, Hamid Frangié et Mohammed Abdel Razzak, d’où la naissance du célèbre Bloc constitutionnel », a-t-il indiqué, avant de se souvenir des parties de chasse de Chamoun. « Il en profitait pour aller aux quatre coins du Liban et écouter les doléances des Libanais, toutes catégories confondues. Ensuite, il revenait à son bureau pour agir en conséquence », a-t-il poursuivi.
L’ancien ministre a ensuite rendu hommage à la gestion de l’administration et des fonds publics sous la présidence de Camille Chamoun : « Aujourd’hui, nous savons comment les directeurs sont nommés, de l’extérieur. Au niveau des fonds publics, il existait des organismes de contrôle actifs. L’État de droit et des institutions existait. Où en sommes-nous de tout cela ? » Et de nier une accusation dont Camille fait souvent l’objet : la volonté de proroger son mandat. « Cela est incorrect. Il n’a jamais cherché à le faire. Nous n’avons jamais cherché à amender la Constitution. À ce sujet, en 1957, Nasser a invité Chamoun à se rendre au Caire, mais le président a refusé. Nasser lui a promis que son mandat serait renouvelé au cas où il acceptait. Malgré cela, il a persisté dans son refus », a-t-il souligné.
Et de conclure en rendant hommage à la culture démocratique de Camille Chamoun : « Ce n’est pas une simple évocation que je fais aujourd’hui, mais une nouvelle profession de foi. Nous sommes tenus de protéger le Liban de ce qu’il subit aujourd’hui et de lui rendre son indépendance. »

Khalil el-Khalil :
Un Liban souverain
C’est, en substance, le même message que Khalil Kazem el-Khalil tient à transmettre, en donnant lecture des mémoires de son père. Lequel avait prédit : « Après sa mort, il y aura un chaos au niveau de la “société” chrétienne. Nul ne pourra remplir le vide qu’il aura laissé. » Niant également toute volonté du président défunt à proroger son mandat, M. Khalil a indiqué que ce dernier était en faveur d’une candidature du général Fouad Chéhab dès 1957.
Il a enfin mis l’accent sur le patriotisme et le pluralisme de Camille Chamoun, mettant en exergue ses efforts pour la promotion de l’unité nationale. « Même s’il a dirigé les chrétiens durant une partie de la guerre, il était loin de tout sectarisme, lequel n’anime que les faibles. Beaucoup prétendent aujourd’hui œuvrer pour l’unité et agissent dans l’autre sens. Nous voulons retrouver un Liban libre, démocratique, souverain et pluriel », a-t-il conclu.

Dory Chamoun :
Que dirait-il aujourd’hui ?
C’est un hommage émouvant et pudique que le chef du Parti national libéral (PNL), Dory Chamoun, ancien de l’AUB, a rendu à son père : « Je ne peux pas faire ses louanges, en tant que fils. Mais il était bien plus que mon père ; une figure nationale. » Évoquant ses grands-parents et l’histoire de la famille, Dory Chamoun a signalé que Nemr Chamoun, père du président, avait été exilé avec sa famille en Anatolie en raison de ses critiques adressées aux autorités ottomanes. « C’est dans l’esprit du rejet de toute occupation et de toute hégémonie que mon père a été éduqué », a-t-il précisé. Le chef du PNL a rendu hommage, discrètement, à sa « mère anglophone », Zalfa Chamoun, avant d’évoquer la dureté, le sens de la discipline, de la justice, de l’équité et du pardon de Camille Chamoun, ainsi que son amour de la langue française et de l’environnement. Il a enfin rappelé que c’est son père qui, lors de la création du PNL en 1958, avait insisté pour ajouter le terme « national », à consonance un peu « fascinante ». « L’idée de l’appartenance à la nation n’existe quasiment plus. Il est nécessaire de l’enraciner », avait insisté Camille Chamoun, en 1958. Et Dory Chamoun d’ajouter : « Je me demande ce qu’il aurait dit aujourd’hui. » Une exposition-photos de l’ancien président a enfin été inaugurée à l’AUB par MM. Chamoun, Gemayel, Maalouf et Ammar.
Michel HAJJI GEORGIOU
Une vie grandiose, un itinéraire politique hors du commun, une carrure impressionnante, un charisme inégalé, une volonté de vivre et de résister – notamment à six tentatives d’attentat : Camille Chamoun fait sans conteste partie de ce groupe de personnalités publiques qui ont laissé un grand vide – d’ailleurs jamais comblé – sur la scène libanaise. Et, hier, c’est...