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Ratissage - Opération aussi politique que policière Démonstration d’une double nécessité, la présence syrienne et la sécurité

L’argumentation officielle se tient : en ces temps régionalement troubles, la stabilité sécuritaire intérieure est une priorité maximale. Le sens minimal de la responsabilité nationale conduit donc les autorités à faire montre d’autorité. Face à une délinquance dite ordinaire, à un crime organisé, qui peut à tout moment servir de support puissant à une subversion politique. Téléguidée par l’ennemi.
Cependant, le message véritable ne s’arrête pas là, tant s’en faut. D’abord, il faut dire que cette fois la trêve entre les présidents n’est pas passive, mais active. Dans ce sens qu’elle est mise à profit pour enclencher une dynamique de terrain redorant le blason de l’État, fortement altéré par les disputes antérieures. Le nettoyage a été planifié, d’un commun accord, pour toucher en premier des créneaux, des centres de forces, des sites, des régions à forte charge symbolique sur le plan géopolitique. Ou politique tout court. En même temps, ou presque, qu’on ramassait les motards (appel du pied dit démago en direction d’une population excédée), on ciblait le trafic tous genres, drogue, rapines ou voitures volées. Et on titillait un agaceur, Nicolas Fattouche, en réclamant des poursuites contre lui. De même qu’on harponnait au passage un dérangeur chronique, Tahsin Khayat. Pour le relâcher très vite. Sans doute parce qu’il fallait impressionner. Et ensuite susurrer benoîtement : voyez comme nous sommes fair-play ; quand il nous arrive de commettre une erreur ou une bévue, et qui n’en commet pas quand il agit, nous la corrigeons aussitôt.
C’est donc tout bénéfice. En effet, l’opinion ne peut qu’applaudir à tout rompre. D’abord, à la concorde retrouvée au sein de l’appareil d’État. Ensuite aux rafles massives de repris de justice. Couronnées par un contre-butin impressionnant de stocks de drogue saisis, de redoutables caches d’armes et de centaines de voitures volées retrouvées. L’effet de choc (salutaire) est certain. Et permet aux autorités, événement rare, d’être volontiers crues quand elles affirment qu’elles ne vont pas s’arrêter en si bon chemin. Le regain de confiance s’étend automatiquement à la justice, dont les statistiques en matière de déficit dans l’exécution des mandats décroît d’un coup d’une manière spectaculaire.
Cependant, on entend quand même s’élever des voix, des interrogations inquiètes. Encore une fois, disent des représentants de la Békaa, dont Marwan Farès, on traque la culture du pavot ou du haschisch. Mais, encore une fois, sans offrir de solution de rechange, comme on le promet depuis des dizaines d’années, aux agriculteurs. Ces personnalités soulignent que les programmes internationaux prévoient d’énormes crédits pour compenser les pertes du secteur agricole. Dans ce cadre, le Liban n’a su obtenir que des miettes insignifiantes. Alors que la Turquie ou le Maroc, par exemple, décrochaient une timbale d’à peu près un milliard de dollars. L’Intérieur répond que pour sa part, il doit faire respecter la loi.
Et c’est bien ce qu’Élias Murr fait aujourd’hui. Avec le concours de l’armée libanaise. Comme des forces syriennes. Détail qui a son importance. En effet, quand le ministre proclame : nous sommes présents, et bien présents dans toutes les régions (en omettant du reste de mentionner les camps palestiniens), force est de constater que ce nous est très fraternel. D’ailleurs, les loyalistes comme les opposants, mais chacun voyant les choses sous un angle diamétralement contrasté, mettent l’accent sur cet élément. Les premiers pour souligner l’apport syrien positif, façon de dire que Damas est le tout premier à vouloir le bien de ce pays. Les deuxièmes pour relever que les forces régulières libanaises, comme l’indique du reste le ministre de l’Intérieur, ont montré qu’elles dominaient parfaitement leur sujet. Et se trouvaient en mesure d’agir sans soutien extérieur. Pour ces contestataires, il est donc évident que le camp loyaliste, loin de recevoir un cadeau des décideurs, leur en a fait un. En montrant à l’étranger que ce pays a toujours besoin, sur le plan sécuritaire (et partant politique) d’être aidé. Ce qui signifie, concluent ces opposants, qu’on le présente à dessein comme n’étant pas encore mûr pour s’autogouverner vraiment.
De fait, et sans vouloir donner raison aux uns ou aux autres, les derniers développements démontrent que les tuteurs gardent un parfait contrôle de la carte libanaise dans tous ses détails (on n’ose pas dire dans tous ses états). Ils ont rabiboché les présidents, pour rétablir la stabilité politique. Ils ont soutenu la déferlante sur la Békaa, zone frontalière où ils sont fortement implantés, pour assurer la stabilité sécuritaire. Toujours objectivement, les points acquis sont bénéfiques. Le pouvoir n’est plus miné par ses querelles intestines. Et des îlots notoires d’insécurité, des antres du crime organisé, comme Brital, qui échappaient pratiquement au règne de la loi, lui sont désormais soumis.
Ce qui d’ailleurs pose, répétons-le, la question des camps. Où se trouvent réfugiés des terroristes liés à el-Qaëda et des assassins, comme ceux des quatre juges de Saïda. Sans que l’État libanais ne lève le petit doigt pour mettre un terme à cette anomalie.

Philippe ABI-AKL
L’argumentation officielle se tient : en ces temps régionalement troubles, la stabilité sécuritaire intérieure est une priorité maximale. Le sens minimal de la responsabilité nationale conduit donc les autorités à faire montre d’autorité. Face à une délinquance dite ordinaire, à un crime organisé, qui peut à tout moment servir de support puissant à une subversion...